Après une brillante carrière de près de onze ans dans le monde des arts martiaux mixtes (AMM), le poids plume canadien Mark Hominick a annoncé hier qu'il prenait sa retraite. Cette annonce m'a fait revivre de grands moments et d'intenses émotions. Hominick aura été à sa manière l'un des plus grands athlètes de l'histoire de ce sport.

Ici, au Québec, il a tenu la popularité de ce sport à bout de bras sur la scène locale quand les Loiseau, St-Pierre et Côté ont quitté pour l'UFC - il a sans aucun doute été l'une des principales raisons du succès de l'organisation TKO dans l'enceinte du Centre Bell.

C'est en juin 2002 que s'est amorcée la belle aventure de Mark Hominick en AMM alors qu'à son tout premier combat professionnel il participait à un combat de championnat canadien face au champion de l'époque Richard Nancoo. C'était mon tout premier gala à Gatineau, une ville située à un pas de la frontière ontarienne, et pour cet événement, je tenais à la participation de notre champion des 145 livres Richard Nancoo. Par contre, ce dernier refusait adversaire par-dessus adversaire et nous mentionnait que pour participer à ce gala il voulait approuver son adversaire et avoir une défense plus « facile » de son titre… Me creusant la tête pour trouver un aspirant j'ai finalement reçu un appel de mon bon ami Shawn Tompkins et l'essentiel de son appel a été : « Cherches-tu toujours quelqu'un pour Nancoo? Moi j'ai quelqu'un, et non seulement tu vas tomber en amour avec lui, mais il va aussi battre Nancoo ». Il s'agissait d'un beau vote de confiance de la part de Shawn, mais de mon côté, je devais réfléchir puisque j'étais sur le point en tant que promoteur de mettre dans le même ring un champion canadien face à un athlète de 19 ans qui n'avait aucune expérience professionnelle… Évidemment quand j'ai mentionné le nom de Hominick à Nancoo celui-ci a accepté sans hésiter avec un large sourire en bonus.

Lorsque Hominick est arrivé pour les entrevues d'avant-combat et les examens médicaux à quelques jours du combat j'ai tout de suite su que j'avais affaire à un athlète spécial, à un athlète racé. Il se dégageait de ce jeune homme une assurance tranquille, mais surtout une tonne de charisme. À la pesée officielle, je me souviens que j'avais essuyé quelques critiques du directeur des sports de combat de l'époque, M. Mario Latraverse, qui trouvait inconcevable que je présente un combat de championnat entre un débutant et un champion aguerri - mais le jour de la pesée, ça faisait déjà quelques jours que je côtoyais Hominick et son entourage et j'étais convaincu d'une chose : Nancoo allait subir son plus dur combat en carrière. Plusieurs étaient convaincus que Nancoo, un spécialiste du jiu-jitsu brésilien et de la lutte, n'allait faire qu'une seule bouchée de Hominick qui était à la base un spécialiste du kickboxing et du muay thaï. Sans entrer dans les détails du combat, disons que Hominick a dominé de A à Z; Nancoo n'a jamais été capable de l'amener au sol et le jeune homme de 19 ans a servi une correction mémorable au champion dans l'un des combats les plus spectaculaires de ma carrière. Nancoo était si amoché à la fin du combat qu'il a dû être transporté en civière jusqu'à l'hôpital.

Hominick a connu une carrière exceptionnelle au sein de l'organisation TKO, qui a été pendant huit ans l'organisation no 1 au Canada et à un certain moment l'une des plus importantes sur l'échiquier international - et ces succès ont en partie été possibles grâce à des athlètes comme Hominick. Il a été le plus grand champion de l'histoire de TKO, ses statistiques au sein de mon organisation sont sans équivoque : 12 victoires et 3 défaites, 8 victoires par K.-O. et 2 par soumission. Mais la statistique la plus importante : il a été impliqué dans 12 combats de championnat et en a gagné 9!

Son arrivée au UFC

En décembre 2005, Dana White et Joe Silva ont eu l'idée d'organiser un événement UFC avec comme scénario les États-Unis contre le Canada, l'UFC 58 : États-Unis c. Canada. Ils m'ont alors demandé de mettre sur pied « l'équipe canadienne » qui allait se frotter à quelques-uns des meilleurs Américains de l'organisation UFC. Des huit combats présentés ce soir-là, sept mettaient en vedette des combattants de mon organisation TKO, dont Mark Hominick. Pour ce combat, l'UFC me proposait un affrontement à 155 livres contre Yves Edwards. À ce moment de sa carrière, Edwards était considéré comme l'un des trois meilleurs au monde de sa catégorie - et bien sûr à 155 livres il est une catégorie au-dessus de Hominick qui lui s'est toujours battu à 145 livres. Je suis enchanté par ce combat, mais avant de l'accepter j'en parle avec l'entraîneur de Mark, le légendaire Shawn Tompkins. Tompkins n'est pas très chaud à l'idée d'affronter Edwards et tout le monde à qui j'en parle me traite de fou. Pourtant je suis convaincu que Hominick peut battre Edwards. Ce dernier est un grand combattant, mais il a une faiblesse : il est très hésitant lorsqu'un adversaire met de la pression sur lui, et ça, c'est exactement LA force de Hominick - évidemment c'est l'argument principal qui m'a permis de convaincre Tompkins d'accepter le combat. Et le combat s'est passé exactement comme je l'avais envisagé alors qu'Hominick a gagné par soumission après avoir envoyé Edwards au tapis avec un précis crochet au corps après seulement 1:52 dans le combat.

Le reste de sa carrière a été étincelant : après deux combats difficiles face au Japonais Hatsu Hioki, Hominick se joint à la famille Zuffa (propriétaire à l'époque du UFC et de la WEC) et grimpe les échelons de la WEC et par la suite du UFC où il obtiendra en avril 2011 un combat de championnat mondial chez lui à Toronto face au champion Jose Aldo. Un combat exceptionnel - probablement le combat de l'année en 2011 où Hominick a pu étaler tout son talent et tout son courage. Après avoir perdu trois des quatre premiers rounds, il est revenu au 5e round et est passé à un cheveu de vaincre le champion dans un scénario digne des meilleurs films hollywoodiens. C'est finalement Aldo qui l'a emporté par décision des juges au terme de cinq rounds enlevants. Le nom de Mark Hominick restera à jamais gravé dans la mémoire des amateurs d'arts martiaux mixtes de partout sur la planète à la suite de cette performance.

La fin tragique

Je ne vous ai pas parlé depuis le début de mon billet de la relation exceptionnelle qui existait entre Mark et son entraîneur, Shawn Tompkins, et c'était intentionnel. Je voulais garder cette histoire humaine incroyable pour la fin. Hominick et Tompkins étaient deux grands amis, deux frères, deux inséparables. Ils étaient deux personnes complètement différentes et avaient aussi des personnalités diamétralement opposées, mais ils étaient très proches l'un de l'autre. Tompkins a eu une influence incroyable sur la carrière de Hominick mais aussi sur la carrière de tous les athlètes qu'il a entraînés - et je dois vous avouer qu'il a aussi eu une influence majeure dans ma carrière à bien des niveaux. Tompkins est d'ailleurs devenu au fil des ans l'un des plus réputés entraîneurs en arts martiaux mixtes, déménageant même à Las Vegas pour s'occuper de la carrière de grands champions. Malgré la distance, lui et Hominick sont toujours demeurés très près et Hominick se déplaçait souvent là-bas pour ses camps d'entraînement quand ce n'était pas Tompkins qui revenait à la maison pour préparer son poulain. L'un n'allait pas sans l'autre.

Puis en août 2011 la planète AMM est en état de choc quand on nous annonce le décès de Shawn Tompkins, victime en pleine nuit d'une crise cardiaque. L'autopsie a démontré plus tard qu'il avait une malformation cardiaque qui a été à l'origine de la crise - une fin tragique pour un grand homme qui est parti beaucoup trop tôt à 37 ans. Hominick n'a plus jamais gagné un combat par la suite, il n'a plus jamais été le même et il n'a plus jamais eu le feu dans les yeux quand la cloche sonnait pour les trois derniers combats de sa carrière - les trois seuls qu'il a faits sans Shawn Tompkins derrière lui…

Mark Hominick aura une grande après carrière puisqu'il s'est lancé tête première dans le sport après avoir pris soin de terminer des études en commerce international à l'université. Il va sûrement rester impliqué dans notre sport d'une manière ou d'une autre et il continuera de toucher des gens comme il l'a si bien fait tout au long de sa carrière. Et il va perpétuer sa légende et celle de son mentor, de son idole, Shawn Tompkins.