BROOKLYN, New York – Le décor était le même pour tous les combattants qui avaient été conviés dans le hall d’entrée du Barclays Center.  Face à un grand drap noir, on leur avait installé un tabouret et un chevalet qui supportait une grande affiche sur laquelle on avait imprimé leur nom.

Il n’y avait pas de chevalet à côté du tabouret d’Al Iaquinta. Le poids léger est arrivé à son poste avec entre les mains une feuille de papier blanche qu’il a collée derrière lui avant de prendre place sur son siège. Sur l’enseigne, gribouillé au stylo bleu en lettre majuscules surdimensionnées, on pouvait lire « RAGING AL ».

Les dirigeants de l’UFC l’ont appris à leurs dépens au cours des dernières années : Iaquinta aime faire les choses à sa manière.

En 2016, le natif de Long Island a levé le nez sur l’opportunité de se battre au Madison Square Garden et a subitement annoncé qu’il prenait sa retraite, mécontent de sa situation contractuelle et des sanctions qu’on avait décidé de lui imposer. Le temps a fini par arranger les choses et Iaquinta est revenu sur sa décision l’année suivante. À son premier combat en deux ans, il a passé le K.-O. à Diego Sanchez. Sa soif de compétition était étanchée, mais il en avait encore gros sur le cœur. Ç’aurait été mal le connaître que de croire qu’il allait garder tout ça en dedans.

Al IaquintaÀ quand remonte la dernière fois où vous avez envoyé promener votre patron? Iaquinta, par l’entremise de son compte Twitter, se permet de réaliser ce fantasme une fois de temps en temps. Après sa victoire contre Sanchez, il s’est moqué de la page couverture d’un magazine qui faisait l’éloge du président de l’UFC et a dénigré Reed Harris, un employé haut placé de l’organisation. Après avoir proféré ces insultes, il a défié la compagnie de le congédier.

Depuis, Iaquinta frappe sur tout ce qui bouge, dénonçant avec un humour noir dénué de censure les stratégies d’affaires de l’UFC et les conditions de travail de ses homologues. Plutôt que de lui donner son 4%, l’UFC lui a consenti un nouveau contrat de quatre combats avant même que le précédent n’arrive à échéance.

« Je connais ma valeur, affirme le sympathique New-Yorkais, qui mène une carrière d’agent immobilier parallèlement à son parcours sportif. Ils se portent mieux avec moi que sans moi. Ça leur a pris du temps, mais ils ont fini par le réaliser. Je referais tout ce que j’ai fait. »

On a enterré la hache de guerre, mais on ne l’a pas complètement bâillonné. Pas plus tard que le mois dernier, Iaquinta critiquait le jeu vidéo qui met en vedette les pugilistes de l’UFC. Il relaie aussi régulièrement des publications de Project Sparehead, une association de combattants qui tente de regrouper les athlètes d’arts martiaux mixtes sous un syndicat. 

« À part quand ils foirent avec mon affiche, tout est au beau fixe, assure-t-il en souriant. Je promets de ne pas faire tout un plat avec celle-là! »

L’attitude frondeuse d’Iaquinta lui a permis de réaliser des gains qui vont bien au-delà des termes de son nouveau contrat. Ses frasques lui ont valu une visibilité accrue dans les médias et son intégrité l’appui inconditionnel de milliers de nouveaux supporteurs.

« Je suis le genre de personne qui se bat pour ses convictions, martèle-t-il calmement. Je m’efforce de traiter tout le monde de la bonne façon et je m’attends à la même chose des autres. Quand ce n’est pas le cas, je ne vais pas rebrousser chemin avec la queue entre les deux jambes. Je crois que le monde respecte ça. Dans toutes les sphères de la vie, il existe des gens qui aimeraient agir comme je l’ai fait, mais qui ne peuvent pas. Mon comportement touche peut-être une corde sensible chez eux. Et quand je reçois leurs messages ou qu’ils viennent me voir sur la rue, leurs mots me font du bien. Juste pour ça, ça vaut le coup. »

Il n’y a pas qu’à la table de négociation qu’Iaquinta (13-3-1) est capable de se tenir debout. Dans l’octogone, le poids léger de 30 ans est invaincu en quatre ans et quatre de ses cinq dernières victoires ont été acquises par K.-O. On ne le voit pas souvent, mais chacune de ses apparitions est mémorable.

L’homme qui se dressera devant lui samedi soir pour tenter de freiner son élan est Paul Felder (15-3), un compatriote qui a écrasé la compétition avec trois K.-O. en autant de sorties en 2017.

« C’est le bon combat au bon moment pour moi, se réjouit l’élève de Matt Serra et Ray Longo. Premièrement, le fait de me battre à New York pour la première fois m’enchante au plus haut point. Et puis Felder est un adversaire de qualité. C’est un dur de dur, mais son style est fait sur mesure pour le mien. Si je me bats comme je sais que je suis capable de le faire, ce combat aura des allures de balade en nature. » 

Felder, évidemment, ne partage pas cet avis.

« C’est un bon combat pour moi. J’aurai devant moi un gars qui est capable d’en prendre et qui n’a pas peur de prendre des risques. Une victoire contre lui me propulserait assurément dans le top-15 et à partir de là, je pourrais cimenter ma place dans le haut du classement. »