Samedi soir, avant la présentation de deux combats de championnat du monde en conclusion du dernier évènement à la carte de son année 2014, le UFC a officialisé son association avec l’ancien champion de la WWE, Phil « CM Punk » Brooks.

On ne fait généralement pas tout un plat avec l’arrivée d’un nouveau combattant aux côtés des centaines déjà sous contrat pour la puissante organisation d’arts martiaux mixtes. Sauf que CM Punk n’est pas une acquisition comme les autres et, soyez-en certains, il ne recevra pas le même traitement que les autres non plus.

Tout d’abord, on peut prendre quelques instants afin d’observer la vague de réactions suivant l’annonce de cette association entre Punk, 36 ans, et le UFC. Une ligne dans le sable s’est vite tracée entre ceux souhaitant la bienvenue à Punk dans la famille et ceux souhaitant plutôt lui faire la vie dure en raison de son inexpérience dans un contexte où les combats sont réels. À cela, Punk a répondu toutes les bonnes choses au cours des quelques entrevues qu’il a accordées depuis samedi. Il n’est pas là pour être une distraction ou un phénomène de foire. Il veut s’investir entièrement dans cette nouvelle aventure et gagner le respect de ses pairs et du public. Des réponses sagement étudiées, doublées d’une intention mercantile à peine voilée. Parce que malgré ses nobles intentions d’être un combattant complet, CM Punk sait qu’il est là pour vendre un produit, une marque de commerce, et c’est ce qu’il fait admirablement bien depuis quelques jours déjà.

CM Punk ne s’est pas fait offert un contrat type du UFC pour un combattant à sa première danse dans l’organisation. On présume, sans connaître les chiffres, qu’il recevra un salaire équivalent, voire même supérieur, à un combattant du top-5 de sa division. Parce que Punk, libéré de ses obligations contractuelles avec la WWE, était un joueur autonome très convoité. Si ce n’était pas le UFC, Bellator aurait sauté sur l’occasion. CM Punk, ou Phil Brooks si vous préférez, emmène des yeux supplémentaires partout où il passe. Des regards qui, autrement, ne syntoniseraient pas pour les combats à l’intérieur de l’octogone. Des regards qui, malgré toutes les critiques, justifient la signature d’un lutteur au sein d’une méritocratie basée sur les résultats à l’intérieur de l’arène. Le combattant CM Punk ne mérite certainement pas ce genre d’attention, mais le personnage médiatique qu’il est commande sans aucun doute ce traitement de faveur.

Une arme à double tranchant

Par contre, Dana White est ouvertement très lucide à propos de sa nouvelle acquisition. Il ne s’agit pas d’un émule de Brock Lesnar. L’ancien champion des lourds de l’organisation est un phénomène de la nature, couronné en lutte amateur (dans la NCAA) avant son passage dans la WWE et ses essais dans la NFL. Avec son gabarit, son charisme et son expérience, propulser Lesnar au sommet d’un évènement à la carte était sensé pour le UFC à l’époque. Et les succès de l’aventure sont indéniables malgré la courte carrière de Lesnar qui est, depuis, retourné sous le giron de la lutte professionnelle.

La différence avec Punk, c’est qu’il ne comble pas le même genre de besoin que Lesnar à l’époque.

Après une année 2014 ponctuée d’évènements qui n’ont pas livré la marchandise en raison de l’annulation de plusieurs combats, le UFC est en opération séduction avec les médias traditionnels qui ont délaissé, quelque peu, l’organisation. Le problème avec les arts martiaux mixtes, c’est que les meilleurs combattants sont des rats de gymnase qui performent adéquatement sans plus, au mieux, devant les caméras. À l’exception de Ronda Rousey, il n’y a pas d’ambassadeurs des AMM qui performent bien pour les caméras des médias et c’est un problème pour Dana White et Lorenzo Fertitta. C’est un problème parce que même si le sport n’a jamais été aussi performant et riche d’une compétition saine et diversifiée, il n’est pas attrayant pour le grand public et les médias de masse. Il n’y a pas pour le UFC un Floyd Mayweather, par exemple, qui fascine l’Amérique et génère des masses de revenus de par sa seule présence. Une vache à lait en bon québécois. L’organisation compte sur des combattants d’exception, mais souffre de la baisse de régime des sports de combat en général au niveau de l’intérêt du grand public.

Sous cette optique, CM Punk est un cadeau du ciel pour le UFC, et ce, sans même avoir mis le pied dans l’octogone. Issue du sport-spectacle qu’est la WWE, CM Punk est d’une aisance déconcertante avec un micro dans les mains. Il peut faire la ronde des médias, charmer les journalistes et, surtout, freiner le zapping des gens à la maison.

Aux dires de Dana White, CM Punk affrontera un adversaire d’expérience similaire, donc qui n’a pas plus que quelques combats professionnels derrière la cravate. L’ancien combattant de l’organisation et analyste à ESPN, Chael Sonnen, croit plutôt que CM Punk sera opposé à un combattant d’expérience lors d’un évènement à la carte et qu’il entrera dans l’arène comme étant fortement négligé, ce qui aidera à vendre l’évènement.

Au final, l’impact de CM Punk sera mesuré lors d’un évènement à la carte avec les fameux « PPV buys ». On sait que George St-Pierre était le roi incontesté de la télévision à la carte pour l’organisation et depuis son départ les ventes traînent de la patte. D’ailleurs, la WWE s’est éloignée du modèle en favorisant plutôt un abonnement mensuel (à la Netflix) afin de vendre ses évènements. Le UFC a trempé l’orteil dans l’aventure avec son Fight Pass, mais l’organisation compte encore énormément sur les revenus générés par la télévision à la carte pour mesurer son succès.

Quand il fera ses débuts, possiblement cet été, CM Punk sera le nouveau barème. Les combattants sur la même carte que lui y gagneront par association parce que plus de gens seront tournés vers le spectacle. Certains sont dérangés par les distractions générées par CM Punk, mais sa présence est bénéfique pour l’organisation et, en retour, bénéfique pour les autres combattants qui gagneront avec cette croissance. Si CM Punk et Ronda Rousey pavent le chemin vers des opportunités au cinéma ou à la télé, d’autres combattants pourront le faire par la suite. Un effet boule de neige qui fait saliver Dana White et ses associés.

Reste maintenant à savoir si la quinzaine d’années à recevoir des coups de chaise sur la tête nuiront à CM Punk dans sa quête d’être performant dans un sport de combat tout de même très violent. On sait qu’il a déjà de nombreuses commotions cérébrales au compteur, mais on ne sait pas comment son corps réagira après un entraînement rigoureux.

Qui vivra verra et croyez-moi, plusieurs curieux seront devant leur téléviseur quand viendra le moment de dévoiler CM Punk dans l’octogone. Et en ce sens, il s’agit d’une grosse victoire pour le UFC et ses amateurs.