MONTRÉAL – Valérie Létourneau ne pouvait plus attendre. Quand les dirigeants de l’UFC ont confirmé à son agent, il y a quelques semaines, que la compagnie avait mis sur la glace son projet d’ouvrir une nouvelle division féminine de poids mouches, la combattante québécoise a été forcée de prendre une déchirante décision.

Vendredi dernier, Létourneau a publié sur son compte Instagram ses adieux à l’UFC. Avait-elle été remerciée? Partait-elle de son propre chef? Les motifs de son départ n’étaient pas clairs.

On sait maintenant que la séparation est mutuelle. Létourneau a clarifié la situation dans un entretien avec RDS au cours du week-end. Trop petite pour être compétitive à 135 livres, incapable de faire une coupe de poids saine pour descendre à 115 livres, elle espérait depuis longtemps la création d’une catégorie de poids médiane. Dès qu’on lui a enlevé toute raison d’espérer, elle a demandé à l’UFC de la libérer de ses obligations contractuelles.

« C’est sûr que pour moi, c’est crève-cœur parce que l’UFC a toujours été un grand rêve. Mais ça va peut-être me permettre de continuer ma carrière ailleurs. Sinon, j’aurais probablement été obligée d’arrêter. »

En juin dernier, Létourneau avait affronté l’Écossaise Joanne Calderwood dans un combat « expérimental » à 125 livres. L’UFC était alors resté vague sur ses intentions, indiquant toutefois clairement qu’il ne s’agissait pas de l’inauguration d’une nouvelle division. Si l’expérience faisait partie d’un plan, celui-ci est visiblement tombé à l’eau puisqu’elle ne fut pas répétée.

En décembre, à Toronto, Létourneau est retournée à 115 livres pour affronter la Brésilienne Viviana Pereira, mais elle a été incapable de respecter la limite de poids et s’est inclinée par décision partagée le lendemain.

« Le pire, c’est que ça ne me dérange pas de souffrir. Je l’ai déjà dit, je suis quelqu’un qui va pousser son corps à l’extrême. Mais c’est tout le monde autour de moi - mes entraîneurs, mon nutritionniste, ma famille, mes amis - il n’y a plus personne qui voulait me voir à 115 », affirme la femme de 33 ans.

« Mon corps commence à payer le prix et je vois les répercussions après le combat. Même si j’essaie de revenir à l’entraînement, je suis extrêmement fatiguée, je n’ai plus de force. Chaque fois, ça me prend de plus en plus de temps à m’en remettre. C’est comme si la machine ne fonctionne pas. J’ai le goût de continuer, j’en mange encore. Mais dans ces conditions, je ne peux plus. »

Toujours installée en Floride, où elle s’entraîne chez American Top Team, Létourneau a enclenché un plan de contingence. Désireuse de donner un second souffle à sa carrière, elle dit être en contact avec une autre promotion, qu’elle ne veut pas nommer, et affirme que l’intérêt est réciproque.

Bellator, le principal concurrent de l’UFC, possède déjà une division féminine de poids mouches. On peut penser qu’il s’agit de l’option la plus intéressante pour Létourneau, qui pourrait aussi se tourner vers Invicta FC, une organisation qui met exclusivement en vedette des combattantes féminines.

« C’est un grand risque pour moi de demander à l’UFC de me laisser partir alors que je n’ai aucune idée de ce que l’autre promotion va m’offrir, réalise celle qu’on surnomme 'Trouble'. On pourrait aussi bien m’offrir des peanuts. Je me dis que si c’est dû pour arriver, je continue parce que j’en ai encore le goût. Et si on me fait une offre ridicule, je prendrai ma retraite. Je n’ai plus le goût de combiner l’entraînement avec un autre emploi pour pouvoir arriver. Je l’ai fait assez longtemps! Mais si j’ai une offre décente et que mes commanditaires embarquent, je me vois me battre en santé dans une bonne promotion pour encore un an ou deux. »

Quitter le navire avant le naufrage?

Létourneau quitte-t-elle un navire qui a commencé à prendre l’eau?

Le récent lancement de la division féminine des poids plumes, avec un combat de championnat opposant Holly Holm à Germaine De Randamie, n’a pas été un grand succès. De plus, l’ouverture d’une division des poids mouches aurait certainement forcé l’UFC à procéder à de nouvelles embauches alors que le contexte actuel se prête beaucoup plus à la soustraction qu’à l’addition.

« La promotion est en train de changer beaucoup. Je ne sais pas si c’est pour le meilleur ou pour le pire... », laisse tomber celle qui quitte l’organisation avec une fiche de 3-3.

« J’ai des échos de mes entraîneurs qui sont dans le milieu depuis longtemps. Pour 2017, [l’UFC] voudrait relâcher le tiers de ses combattants. C’est énorme, mais en même temps je suis d’avis qu’il y en a trop de présentement. Il y en a qui n’ont pas d’affaire là. Je regarde des galas des fois et je me demande pourquoi ils ne font pas moins de shows, mais avec plus de qualité. »

À l’heure des grands changements, Létourneau est nostalgique et aussi un brin pessimiste. Elle constate que l’ambiance entourant la tenue d’un gala de l’UFC a beaucoup changé et craint que ceux qui restent ne soient pas au bout de leur peine.

« J’avais trouvé ça tellement spécial quand j’étais entrée là, se souvient celle qui a fait ses débuts à l’UFC 174 à Vancouver. Burt Watson nous mettait dans une ambiance incroyable, Dana White nous motivait avec de grands discours. On arrivait là et on voulait se défoncer. On nous donnait envie d’être là. La plupart des combattants de l’UFC ne se sont pas rendus là pour l’argent, mais à cause de la passion qu’ils ont pour leur sport. Mais là, on dirait qu’ils sont vraiment en train de tuer tout ça. »

La semaine dernière, quelques jours avant de se battre à Halifax, Nordine Taleb ne s’était pas gêné pour dire qu’il ne se reconnaissait plus dans la façon dont l’UFC gérait ses affaires. Il avait aussi déclaré qu’il trouvait ses nouveaux patrons « très, très indifférents » au sort des athlètes.

Les propos de Taleb concordent avec ce que Létourneau entend de son côté.

« J’ai parlé avec beaucoup de combattants récemment, des combattants qui sont encore avec l’UFC, et je sais qu’il y en a beaucoup qui s’en viennent dégoûtés parce qui se passe, révèle-t-elle. Vous serez peut-être surpris d’apprendre l’annonce de retraites prématurées. Il y a des gars de 30, 32 ans qui me disent que ça ne leur tente plus de dealer avec ça. »