AUSTIN, États-Unis - La F1 s'apprête à connaître en 2021 un sérieux lifting technique, sportif et commercial, si ses principaux acteurs arrivent à s'entendre d'ici jeudi malgré leurs désaccords et objectifs contradictoires.

Enjeu des négociations : un nouveau règlement qui doit, sur le papier, réduire les écarts de performance entre les écuries et accoucher de voitures pouvant se suivre de plus près et donc se dépasser plus facilement et plus souvent.

Pour qu'il soit accepté, les dix équipes doivent se prononcer à l'unanimité d'ici jeudi à minuit par le biais d'un vote électronique.

« Combien d'occasions avons-nous raté d'assister à des batailles serrées? », se lamente Ross Brawn, directeur technique et sportif de la Formule 1 pour le compte de ses promoteurs américains Liberty Media, commentant le dernier Grand Prix du Mexique, où le nombre de dépassements a été restreint, la course se jouant sur les choix de pneus.

Après avoir notamment apporté comme directeur technique six titres constructeurs consécutifs à Ferrari de 1999 à 2004, Brawn tente avec la Fédération internationale de l'automobile (FIA) de mettre les écuries d'accord sur ce nouveau règlement, connu historiquement sous le nom d'« accords Concorde ».

« Il est temps de réagir », exhorte-t-il dans un blogue sur le site de la F1. « Ce n'est pas faire du changement pour seulement faire du changement et nous avons fait un énorme effort pour développer ce nouveau règlement dans les intérêts à long terme de la discipline », souligne-t-il avec, évidemment, ceux du promoteur en tête.

« Une F1 plus équitable et plus raisonnable »

L'une de principales mesures, le plafonnement des budgets, semble avoir abouti à un accord sur un maximum de 175 millions de dollars par écurie et par saison, même si ce qu'il recouvrira n'est pas entièrement clair. 

Le budget total actuel des plus grosses écuries, comme Mercedes et Ferrari, tourne autour de 500 millions de dollars par an et il leur faudra consentir à d'importants sacrifices pour le respecter.

Selon Cyril Abiteboul, directeur général de Renault Sport, le but est d'aboutir à « une F1 plus équitable et plus raisonnable » dans un contexte qui n'est pas favorable à un sport dispendieux et polluant. « Les plus grands bénéficiaires de 2021 sont des écuries comme Renault. Mercedes y perdra beaucoup. »

Plusieurs propositions des promoteurs et de la FIA pour réduire les coûts, comme la standardisation de certaines pièces, ont été rejetées par des écuries sous prétexte de défendre « l'ADN » de laboratoire technique de la catégorie.

Le nouveau règlement veut aussi pousser les ingénieurs à concevoir des voitures à l'aérodynamique simplifiée afin de se suivre de plus près pour pouvoir se dépasser plus, au risque de voir toutes les monoplaces se ressembler. 

Leur aspect sera toutefois passablement modifié par l'introduction également de roues plus hautes et, à l'avant, plus étroites.

Sur le plan sportif, la proposition de modifier le format de certains essais qualificatifs pour les remplacer par des mini-courses le samedi déterminant la grille de départ du GP le dimanche a été rejetée, quelques écuries estimant que cela ferait grimper les coûts au moment où on leur demande de les réduire.

Volet politique

Il y a aussi un volet « politique » aux négociations, même s'il n'est pas identifié comme tel. 

Ferrari dispose d'un droit de veto car elle est la seule écurie qui participe au championnat depuis sa création en 1950. Si les promoteurs de la F1 et d'autres équipes voudraient l'abolir, les responsables de la Scuderia ne l'entendent pas de cette oreille.

« Certaines écuries s'abritent aussi derrière ce veto pour empêcher les promoteurs de prendre trop de pouvoir », souligne le chef de l'une d'entre elles sous couvert d'anonymat.

En attendant, ce nouveau règlement risque de commencer par faire exploser les coûts en 2020 car les plus grandes écuries pourront encore dépenser sans limite pour préparer les nouvelles voitures de 2021.

« Il aurait été plus judicieux d'introduire d'abord le plafonnement des coûts en 2021 puis d'étudier davantage les nouvelles régulations pour les introduire en 2022 afin que les grosses écuries soient obligées de le faire sous ce régime », juge Christian Horner, le responsable de Red Bull. 

Selon lui, le calendrier tel qu'il est prévu va contribuer à creuser davantage l'écart entre les « riches » et ceux qui le sont moins, soit l'inverse du but recherché.