Plus de mannequins sur le bitume... Le nouveau propriétaire Liberty Media a mis fin mercredi à une tradition en Formule 1 : les grilles de départ seront désormais désertées par les « grid girls », ces jeunes femmes, choisies pour leur plastique, qui indiquent l'emplacement des monoplaces.

Cette petite révolution va prendre effet dès le premier Grand Prix de la saison, en Australie fin mars, et s'appliquera à toutes les catégories en lice lors des fins de semaine de GP.

Liberty Media, aux affaires depuis janvier 2017, estime que cette tradition « ne correspond pas aux valeurs défendues par notre marque et est clairement en contradiction avec les normes sociétales actuelles », explique le directeur commercial de la F1, Sean Bratches, dans un communiqué.

« Nous ne pensons pas que cette tradition soit appropriée ou en accord avec la F1 et ses amateurs », ajoute-t-il.

La catégorie reine du sport automobile, qui se réinvente sous l'impulsion du groupe américain, leur préférera désormais des invités de marque, artistes, traditions et produits locaux, indiquent ses dirigeants.

Cette décision intervient à la suite du mouvement #MeToo de libération de la parole des femmes face aux violences sexistes et quelques jours après la décision de l'organisation professionnelle de fléchettes du Royaume-Uni de se séparer de ses propres hôtesses.

« Merci à la F1 d'avoir décidé d'arrêter d'utiliser des "grid girls". Un autre sport fait un choix clair quant à ce qu'il veut représenter », se félicite l'association britannique de promotion du sport féminin Women's Sport Trust, qui espère voir la boxe, le cyclisme ou encore les arts martiaux mixtes suivre cet exemple.

« Objet sexuel ou publicitaire »

« Les marques sentent qu'il y a quelque chose qui est en train de changer », analyse pour sa part Fatima Benomar, cofondatrice du mouvement féministe et LGBT Les Effrontées, interrogée par l'AFP.

« Certains univers masculins comme celui du sport ou de l'automobile ont coutume d'utiliser des femmes pour valoriser leurs produits, regrette-t-elle. Il faut en finir avec ces pratiques qui réduisent les femmes à un objet sexuel ou publicitaire. »

Charlotte Gash, une « grid girl » interrogée par la BBC, se dit elle « dégoûtée que la F1 ait cédé à une minorité pour être politiquement correcte ».

« Je suis chanceuse car ça n'est pas ma source principale de revenus mais elle l'est pour certaines », dit-elle. « Nous aimons faire ça et nous ne voulons pas qu'on nous l'enlève. »

Parmi les quelques pilotes qui se sont exprimés sur Twitter, les opinions sont partagées. « Vous pouvez dire que je suis démodé mais pour moi les "grid girls" font autant partie du spectacle que les voitures, les écuries et les pilotes », estime l'Allemand Maro Engel, qui évolue en Formule E.

« Je suis pour que les pilotes/équipes décident s'ils veulent des femmes, des hommes ou des enfants sur la grille de départ », avance l'ex-pilote de F1 brésilien Lucas di Grassi, lui aussi désormais en Formule E.

« Plaisir visuel »

« Il serait une bonne idée d'utiliser l'argent ainsi économisé pour investir afin de faire venir plus de femmes dans le sport », souhaite pour sa part l'ancien pilote indien Karun Chandhok, aujourd'hui commentateur pour la télévision anglaise.

Les promoteurs de boxe Eddie Hearn et Kellie Maloney appellent eux au maintien de la « tradition » dans leur sport.

Le grand public n'est pas unanime sur la question, comme le montre un sondage du site Internet du groupe de télévision Sky Sports, qui affichait en début de soirée mercredi des résultats de l'ordre du 50-50.

La question de conserver les « filles de la grille » avait été soulevée par les nouveaux propriétaires de la F1 en décembre. Le directeur sportif, Ross Brawn, avait indiqué lors d'une entrevue à la BBC que le sujet était « sérieusement à l'étude ».

« Les "grid girls" doivent rester », lui avait répondu le pilote néerlandais Max Verstappen (Red Bull), interrogé par le quotidien allemand Bild. « Ce serait vraiment dommage si on nous privait de ce plaisir visuel sur la grille », avait renchéri l'Allemand Nico Hülkenberg (Renault).

Au Grand Prix de Monaco en 2015, ce sont des hommes qui avaient joué ce rôle. Une initiative critiquée par l'Allemand Sebastian Vettel (Ferrari). « Quel est l'intérêt d'arriver et de se garer derrière George ou Dave? », avait-il lâché.

La même année, le Championnat du monde d'endurance (WEC) avait rompu avec la tradition des « grid girls ».