Depuis le début de la saison, deux grands sujets de discussion reviennent de semaine en semaine. Il y a bien sûr la lutte au titre qui s’annonce entre Charles Leclerc et Max Verstappen, mais aussi, les performances des Mercedes qui, à l’image de leur voiture, ont des hauts et des bas.

La dernière épreuve a bien démontré toute la complexité de la W13. Arrivant en Floride avec plusieurs améliorations sur la voiture, la journée du vendredi a donné beaucoup d’espoirs aux Flèches d’argent. George Russell a inscrit le deuxième temps lors de la première séance d’essais, avant de placer son nom tout au sommet du tableau pour la deuxième séance, tandis que Lewis Hamilton prenait le quatrième échelon.

Le problème, c’est que Russell ne sera jamais en mesure de battre ce temps inscrit lors de la deuxième séance d’essais. Dès le lendemain, la Mercedes avait perdu son rythme, miné une fois de plus par un marsouinage trop important. Russell s’est alors contenté d’une 12e place sur la grille de départ, alors que Hamilton faisait mieux avec une sixième place.

Comment expliquer ce revirement de situation? Il est là l’enjeu, même Mercedes se l’explique mal. Depuis le début de la saison, on répète le même discours, soit celui qu’on croit énormément au potentiel de la W13, mais qu’on est incapable de trouver comment lui permettre de l’exploiter. C’est une voiture imprévisible qui peut être très rapide par moment, mais dont il est très difficile de maintenir dans la bonne fenêtre d’exploitation. Dès qu’une variable est hors de la zone optimale, la Mercedes devient un cauchemar à conduire pour Hamilton et Russell. Ce n’est pas seulement la voiture qui marsouine, mais aussi les résultats…et la confiance des pilotes.

En fait, pour Russell, je parle surtout de ses résultats de séance en séance lors du dernier week-end, car en course, il a trouvé une façon d’afficher une surprenante constance. Il est le seul pilote du plateau à avoir terminé toutes les courses à l’intérieur du top-5 depuis le début de 2022, un exploit qu’il faut souligner malgré une voiture qui justement, manque de régularité.

Bien sûr, il a été grandement aidé par la voiture de sécurité à Miami, lui qui ne s’était pas encore arrêté puisqu’il avait commencé la course en pneus durs. D’ailleurs, on l’a entendu à la radio suggérer à son équipe d’opter pour cette stratégie, soit d’attendre et d’espérer un coup du sort qui est finalement arrivé.

On peut dire que son arrivée chez Mercedes se déroule bien et il parvient à optimiser les performances de la voiture. Son travail permet d’ailleurs à Mercedes d’être bien installé au troisième rang des constructeurs malgré tout.

Dans le cas de Lewis, c’est un peu plus difficile et ses ennuis font les manchettes de façon régulière depuis le début de la saison. Il est évident que de voir un septuple champion du monde connaître ce genre de début de saison va retenir l’attention, mais il faut faire attention aux conclusions hâtives. Il est clair que le Britannique se cherche au volant d’une voiture qui a des carences évidentes, et bien sûr, que ça représente un défi pour un pilote qui pouvait conduire au sein de la référence en Formule 1 depuis 2014 en Mercedes.

Parlant de 2014, son début de saison me fait un peu penser à ce que Sebastian Vettel avait vécu cette année-là. L’Allemand avait alors gagné les quatre championnats précédents, mais l’arrivée d’une nouvelle réglementation sur les moteurs hybrides avait causé beaucoup d’ennuis à Renault, et donc, à Red Bull, qui utilisait les moteurs français. Aux prises avec une voiture qu’il ne reconnaissait plus, Vettel avait connu une saison très difficile, surtout qu’en comparaison, son nouveau jeune coéquipier au grand potentiel, Daniel Ricciardo, parvenait à faire beaucoup mieux avec une voiture qui pour lui, représentait tout de même une belle amélioration.

Avouez qu’en changeant les noms, on pourrait très bien parler de la situation entre Hamilton et Russell en 2022.

Ce n’est donc pas une situation inédite de voir un grand champion avoir besoin de temps pour s’adapter après l’arrivée d’une révolution technique. À l’époque, Ricciardo avait finalement battu Vettel par 71 points au classement, et Vettel avait quitté l’écurie pour rejoindre Ferrari en 2015. À voir maintenant si Hamilton pourra changer le scénario, car après seulement cinq épreuves, il a encore beaucoup de temps devant lui pour renverser la tendance.

D’ailleurs, ce n’est pas la première fois dans sa carrière qu’Hamilton doit composer avec des voitures moyennes, et chaque fois, il a été en mesure de les mener à la victoire. Hamilton, depuis son arrivée en 2007, n’a jamais connu une saison sans monter sur la plus haute marche du podium. C’est peut-être mal parti cette année, mais je ne serais pas surpris qu’il trouve une façon de poursuivre cette séquence d’ici la fin de la saison.

À Mercedes de trouver des solutions

Maintenant, c’est à Mercedes de trouver des solutions pour aider ses pilotes. Ceux-ci ont bien fait afin de limiter les dégâts en début de saison, mais maintenant, il faut aussi leur permettre d’exprimer leur talent plus facilement et régulièrement.

Le Grand Prix d’Espagne arrive probablement au bon moment pour l’écurie. Chaque équipe connaît le circuit de Barcelone comme le fond de sa poche, puisque les essais hivernaux se déroulent régulièrement sur ce circuit. C’est donc un endroit parfait pour comparer les évolutions apportées par Mercedes et voir si l’amélioration réelle correspond vraiment aux attentes.

Ce sera notamment le cas pour le concept général de la voiture. Le design sans pontons fait beaucoup jaser depuis le début de la saison. Si on croit toujours à ce concept chez Mercedes, on commence aussi à en découvrir les désavantages. Ce concept expose énormément le plancher de la voiture comparativement aux autres écuries. Est-ce que cela peut expliquer, du moins en partie, pourquoi le problème de marsouinage est si important chez l’écurie allemande?

Surtout que lors des essais hivernaux à Barcelone, plus tôt cette année, Mercedes n’avait pas opté pour ce concept. Souvenez-vous, l’écurie avait plutôt caché son jeu, optant pour une voiture plus traditionnelle en Espagne avant d’arriver à Bahreïn avec une voiture sans pontons. Ce sera donc intéressant de voir la différence cette fin de semaine avec ce qui avait été fait il y a quelques mois sur le même tracé.

Il faut aussi se rappeler de la présence du plafond sur les dépenses, cette saison. Ça vient aussi compliquer les efforts de Mercedes. Alors qu’on pouvait dépenser sans compter auparavant pour régler les petits problèmes qui apparaissaient sur la voiture, maintenant, les dépenses sont réglementées. Rien pour aider l’écurie à régler ses ennuis rapidement.

Mercedes doit aussi déjà penser à 2023. Sans vouloir écarter Hamilton ou Russell trop rapidement de la course cette saison, il devient de plus évident que Mercedes aura besoin de tout un revirement de situation pour jouer le titre cette année. Par contre, on doit déjà commencer à penser à la prochaine saison, et au concept de la voiture 2023.

Est-ce qu’on persévère avec ce concept de pontons pour l’an prochain, confiant de pouvoir trouver une solution pour extraire le plein potentiel de ce design d’ici là? Ou est-ce qu’on revient à un style plus conventionnel, qui semble faire le succès de Ferrari et Red Bull? On devra rapidement se poser ces questions… et c’est pourquoi les données qu’on recueillera en Espagne ce week-end pourraient prendre une grande importance.