Cyril Abiteboul n’est peut-être pas le genre de personne qui apprécie les tatouages, mais parions que le directeur de Renault ne devrait pas regretter celui qu’il est sur le point d’avoir, gracieuseté d’un pari perdu avec Daniel Ricciardo.

 

En fait, il serait sans doute plus juste de parler d’un pari gagné, parce qu’au fond, cela reflète bien mieux ce qui s’est produit pour Renault lors du dernier Grand Prix, en Allemagne.

 

Pour la petite histoire, Abiteboul avait parié avec Ricciardo qu’il se ferait tatouer si jamais le pilote obtenait un podium cette saison. Le directeur de l’écurie a d’ailleurs promis de tenir sa parole et on attend toujours de voir le résultat.

 

Ça faisait cinq ans que Renault attendait ce moment. Lors du grand retour du motoriste français en Formule 1, en 2016, l’objectif était de rejoindre les écuries de pointe et de se battre pour des podiums et des victoires, comme ce fut le cas lors du premier retour de l’écuri, marqué par les championnats du monde de Fernando Alonso, en 2005 et 2006.

Mais entre les ambitions et la réalité, il y a parfois une marge. Abiteboul et son écurie ont dû gérer leur part de déceptions au cours des dernières années. Ce fut le cas particulièrement l’an dernier. Pour la première fois depuis son retour, l’écurie a reculé au classement, amassant 31 points de moins que la saison précédente et étant devancée par McLaren au classement des constructeurs.

 

On se demandait donc comment la saison allait se passer pour le motoriste français. Qu’est-ce que ce recul laissait envisager pour l’avenir? Surtout qu’en début de saison, Abiteboul était loin d’écarter la possibilité de se concentrer rapidement sur la voiture de 2021 en prévision des nouveaux règlements. Bon, ça, c’était avant la pandémie et le report des nouvelles réglementations pour 2022, mais on pouvait quand même se poser des questions sur la motivation de l’équipe de travailler sur la voiture 2020.

 

Finalement, ces inquiétudes étaient non fondées, puisque la compagnie au losange connaît la meilleure saison depuis son retour. Avec 114 points en 11 courses, il ne fait aucun doute que Renault dépassera largement sa récolte de 122 en 21 épreuves de 2018. De plus, Renault a les yeux rivés sur la 3e place au classement des constructeurs. Présentement, l’écurie est 5e, mais possède seulement deux points de retard sur McLaren et six sur Racing Point (d’ailleurs, est-ce qu’on peut souligner à quel point cette lutte s’annonce excitante d’ici la fin de la saison?).

 

Plusieurs facteurs expliquent cette bonne saison. Une bonne voiture, des performances du moteur qui s’améliorent, le recul important de Ferrari qui laisse des points disponibles... mais je veux me concentrer sur un facteur : Daniel Ricciardo.

 

L’Australien est au cœur de la relance de l’écurie. Après une période d’ajustement l’an dernier, Ricciardo démontre à nouveau qu’il fait partie des meilleurs pilotes du plateau. Il a réalisé cinq top-5 en 11 courses, exploit qu’il n’avait réussi qu’une fois en 21 épreuves l’an dernier. Sa récolte de points est déjà largement supérieure à l’an dernier (78 points contre 54 en 2019) et c’est lui qui occupe le 4e rang au classement derrière les trois ténors que sont Lewis Hamilton, Valtteri Bottas et Max Verstappen.

 

Bref, il est devenu le leader, le motivateur, dont cette équipe avait besoin lorsqu’elle l’a recruté. Il a également amassé plus du double des points d’Esteban Ocon jusqu’à présent cette saison.

 

En fait, ses résultats cette saison et la place qu’il occupe au sein de l’écurie nous permettent d’un peu mieux comprendre la réaction d’Abiteboul lorsque son pilote a annoncé son départ pour McLaren en 2021. Le directeur avait réagi via un communiqué au ton amer, ce qui avait fait jaser. Abiteboul s’est plus tard expliqué en affirmant qu’il voyait le potentiel que l’écurie pouvait atteindre avec Ricciardo et qu’il était déçu de voir la collaboration s’arrêter alors que tout se mettait en place. Il est maintenant clair qu’il avait raison dans sa lecture de la situation.

 

Toutefois, le choix de Ricciardo est fait et on ne pourra revenir en arrière. Le prochain défi de Renault, ce sera de poursuivre le travail entamé malgré les importants changements à venir. Ça commence par le nom et l’identité de l’équipe, qui s’appellera désormais Alpine dès l’an prochain. Mais au-delà de ce changement identitaire surtout esthétique, c’est l’arrivée de Fernando Alonso qui viendra changer la dynamique de l’équipe. Le double champion du monde avec Renault a d’ailleurs testé la voiture pour la première fois au cours des dernières semaines sur le circuit de Barcelone.

 

On le sait, Alonso est un pilote ultra talentueux, et il ne fait aucun doute que son talent contribuera au succès de l’écurie. La question est plutôt de savoir si Alonso pourra se montrer aussi rassembleur que son prédécesseur. L’Espagnol n’était pas toujours le plus motivateur lors de son passage difficile avec McLaren et c’est après son départ que l’écurie a repris du poil de la bête.

 

Bref, ce sera très intéressant de voir ce que pourra faire Alonso avec cette équipe. Tout est en place pour des podiums de plus en plus fréquents avec un champion du monde au volant, mais aussi, avec un jeune comme Ocon qui peut encore beaucoup progresser… et qui voudra certainement prouver qu’il peut atteindre le potentiel qu’on voyait en lui.

 

Sinon, et bien Abiteboul pourra toujours se regarder dans le miroir pour se rappeler du temps où il s’est fait tatouer en raison d’un pari pris avec un souriant pilote australien!