L’année dernière, un ami m’avait demandé (un acteur bien connu qui aime courir longtemps) quel était le record pour la traversée la plus rapide du Canada à la course à pied. Je n’avais su quoi lui répondre.
 
Mais voilà que cette semaine, je tombe sur cette nouvelle d’un type qui veut fracasser le record de vitesse pour la traversée canadienne. Une nouvelle qui, selon moi,  aurait dû retenir davantage l’attention. Quoi qu’il en soit, j’ai du même coup trouvé ma réponse.
 
Il s’agit du Britanno-Colombien Al Howie. En 1991, à l’âge de 46 ans, il avait eu besoin de 72 jours et 10 heures pour parcourir le pays d’un océan à l’autre. On parle tout de même 7295 kilomètres! Howie est décédé en 2016 et son record tient toujours.
 
Peut-être pas pour longtemps cependant. Si plusieurs coureurs de longues distances ont annoncé qu’ils voulaient battre cette marque, aucun ne s’en est même approché. Il s’agit d’un défi colossal. La traversée des Rocheuses représente à elle seule un obstacle redoutable.

Dave ProctorL’année dernière, l’ultramarathonien albertain Dave Proctor semblait prêt à battre le record d’Howie, mais une hernie discale l’avait contraint à abandonner après un peu plus de 2400 kilomètres. Parti de Victoria, il se trouvait alors à l’est de Winnipeg. Il voulait réaliser l’exploit pour sensibiliser la population canadienne aux maladies rares. Son fils de 10 ans souffre d’un manque de coordination et d’un problème d’équilibre dus à une maladie du genre. Le coureur d’endurance de 38 ans avait tout de même eu le temps d’amasser plus de 300 000 dollars pour la cause.
 
Malgré son échec, Proctor avait déclaré que ce n’était que partie remise et qu’il ferait certainement une autre tentative. Eh bien, cette seconde tentative débutera le 18 mai prochain, à Terre-Neuve. Il s’est fixé l’objectif de traverser le pays en 67 jours!
 
Soixante-sept jours! Arrêtons-nous un instant sur ce nombre. Une division élémentaire vous permettra de réaliser que pour réussir sa course transcanadienne, Proctor devra courir en moyenne un peu plus de 105 kilomètres quotidiennement. Il devra donc courir deux marathons et demi par jour. Il ne bénéficiera d’aucune journée de repos. Il faut être un peu fou pour se lancer dans un tel projet.
 
Pourtant, celui qui court toujours vêtu d’un chandail orange et affublé d’un chapeau de cowboy se dit assuré de réussir puisqu’il est dans la meilleure forme de sa vie. Il faut dire qu’il n’est pas le dernier venu en matière de course d’endurance. Il détient plusieurs records nationaux. Un palmarès qui donne une solide impression de la crédibilité de ses ambitions.
 
Il est le Canadien ayant couru la plus longue distance en 24 heures, soit 257,093 kilomètres. Il est le détenteur du record national de la plus longue distance en 48 heures avec 355,8 kilomètres franchis. Enfin, la marque de la plus longue distance en 72 heures (500 kilomètres) est également la sienne, tout comme les 153,8 kilomètres sur tapis roulant en 12 heures et le chrono le plus rapide pour 100 miles sur tapis roulant (12h32:26). On ne parle donc pas d’un novice ici.

Al HowieS’il y a un homme actuellement capable de battre le record bientôt trentenaire d’Al Howie, c’est Dave Proctor. Howie, un gagnant d’une cinquantaine de marathons, ultra-marathons et courses de plusieurs jours, adoptait une stratégie très particulière à son époque. Il amorçait ses courses comme un lièvre en tenant un rythme élevé impossible à suivre pour ses adversaires. Puis, lorsqu’il avait réussi à creuser un écart suffisant, il ralentissait à un tempo beaucoup plus régulier pour se rendre jusqu’à l’arrivée.
 
Ne comptez pas sur Proctor pour dévier de sa stratégie, soit celle de garder le rythme le plus constant possible du début à la fin en s’ajustant aux éléments et au parcours. Contrairement à sa tentative de 2018, il traversera le pays d’est en ouest. Cela ajoutera à la difficulté de son défi puisque les vents dominants soufflent habituellement dans l’autre direction.

Pour redonner de l’espoir à son fils et à tous les enfants atteints de maladies rares, il est prêt à bien des choses, même de traverser le Canada. Je vous en reparle lorsque son parcours au Québec sera connu. Au cas où vous auriez le goût de courir avec lui.