« J’entends toujours cette petite voix dans ma tête qui me dicte à la prudence »

Terry SanCartier est assurément une force de la nature. Facette découverte tardivement,  il savoure la vie à plein régime à courir des marathons. Notre rencontre : Un pur hasard lors du 42km de Cornwall récemment. Immédiatement, son histoire m’a fasciné.

J’avais décidé de mettre une petite laine le matin de l’entrevue et quoi de mieux que mon blouson de Boston ! Il est tellement confortable ! Or dans l’auto, je l’avais retiré. Le temps de me rendre Terry SanCartier#2à Gatineau, la température était devenue agréable. Je ne l’ai donc pas remis. Heureusement !

Terry aurait tellement apprécié le voir ! Il combat sa frustration de ne pas pouvoir se classer à Boston. « J’hésite un peu à te dire ça mais on dirait que ceux et celles qui ont participé à Boston se retrouvent dans leur monde. Ils ne saluent pas n’importe quel coureur. Cette impression m’écœure un p’tit peu. »

 Disons que j’avais pris la bonne décision sans le savoir !

« Il y a même une amie qui m’a déjà dit qu’elle ne comprenait pas que j’enligne autant de marathons sans avoir participé à Boston ! Pour certains, si tu n’as pas fait Boston, tu n’es pas un vrai marathonien ! Alors, Boston ne veut pas de moi, je vais attendre et courir les autres », de dire Terry, tout en conservant son sourire.

Mais, on sent tout de même que cet élément l’agace.

Né le 30 novembre 1970 à Sudbury en Ontario, ce Franco-Ontarien a trois demis frères, Denis, Daniel et Stéphane. Marié et divorcé, deux de ses collègues de travail l’ont invité à courir pour la première fois de sa vie en juillet 2006. La semaine suivante, elles partaient en vacances. À leur retour, elles furent étonnées de constater la progression de Terry ! Il faut préciser qu’à l’école, Terry chantait, faisait du théâtre, écrivait dans le journal de l’institution, bref, aucun sport au programme.

Mai 2007, il brise la glace. Déjà un marathon, celui d’Ottawa en 3h45. À la fin, il s’est dit : Alors, je fais quoi maintenant ?

Une autre amie, Shauna apprend qu’elle souffre d’un cancer de la peau deux semaines avant le marathon de Toronto où elle veut obtenir son temps pour Boston. « Elle m’a écrit. Je l’ai accompagnée. Or, elle s’est fracturée le fémur durant le marathon. Elle obtiendra sa qualification quelques années plus tard et participera au marathon de Boston durant l’édition où les bombes ont sauté. On la verra même à CNN sur une séquence prise près de la ligne d’arrivée et sur laquelle on peut apercevoir derrière  l’un des tueurs avant l’explosion », raconte Terry.

Ce dernier fréquente Geneviève Lagrange depuis maintenant 13 ans. Il l’a rencontrée le même soir qu’une course de 10 km à Ottawa. Mère de Miguel et Raphaël, il les considère comme ses deux fils. Geneviève court des demis et si jamais elle décide d’y aller pour un marathon, elle veut s’inscrire à celui du Médoc ! « Pas certain que je le terminerais avec un esprit bien éclairé », ajoute Terry à la blague.

Terry SanCartier#4Depuis ses débuts, les marathons se succèdent à un rythme effréné pour  lui. « J’ai toujours voulu en faire plus que l’année précédente. À l’école, je m’impliquais dans plusieurs domaines sauf dans les sports. Aujourd’hui, cette découverte m’inspire. Après l’échec de Boston, je voulais 50 marathons pour mes 50 ans. J’y suis arrivé à 45 ans. Alors, je fais quoi maintenant ? Ça fait cliché de dire ça mais cette distance m’aide à traverser les épreuves de la vie », précise celui qui en a couru 13 l’an passé et qui en totalisait 79 au moment de notre rencontre. « Je ne cours jamais moins que l’année précédence. J’ignore pourquoi je me fixe une telle règle ! »

Terry sait qu’il ne dispose pas du physique idéal de l’emploi. « Lors des marathons, j’ai l’impression d’arriver en char d’assaut entouré de voitures sport ! » Toutefois, on comprendra qu’il contrôle la situation puisque jamais blessé, il résiste à l’usure.

Rapidement durant sa jeunesse, il est devenu responsable. « Je m’occupais des quatre enfants dans la famille. Plus vieux, j’ai voulu m’évader, je suis parti de la maison et c’est peut-être ce qui explique que je n’ai jamais eu l'intention d'avoir des d’enfants. Même une copine avec des enfants ne m’attirait pas et pourtant, je suis tellement heureux de cette situation aujourd’hui. »

Certes son plus beau moment en course à pied fut cette expérience de 17 jours en Gambie en 2014 où il a couru 426km  afin d’amasser de l’argent pour les résidents de ce pays pauvre. Un succès sur toute la ligne avec un montant de 10,000$ qu’il a remis pour cette cause. Photographe amateur depuis 2008, il a même réalisé une exposition à Ottawa sur ce fameux périple. Il trouve relaxant d’agrémenter ses voyages grâce à son appareil-photo.

Employé au Ministère des transports  à la sécurité maritime à Ottawa, il œuvre pour la fonction publique depuis 1998. Au terme de ses études, il ignorait quelle direction prendre à l’université ce qui explique sa présence au gouvernement.

Durant son adolescence, Terry s’est découvert un talent de chanteur. Il a pris part à des spectacles au Centre national des arts d’Ottawa et a même participé à l’introduction d’un show de Tom Cochrane ! « Je croyais bien que je m’en allais dans ce milieu. Je chantais également dans un groupe, les Libéros ! La musique me manque. J’aimerais y revenir. Pour le moment, je me demande où je trouverais le temps. Je m’investis tellement dans la course à pied », explique celui qui commence à penser à courir des extras.

Ses coups de cœur sont certes le marathon de Big Sur à cause des paysages. Rome, Paris, Vienne, Lisbonne, San Sebastian en Espagne et Rijeka en Croatie sont ceux réalisés en Europe. Le plus étrange demeure l’Extra Terrest Moonlight Marathon dans le désert du Nevada sur la route où semble-t-il, on a aperçu le plus d’OVNI dans le monde  et qui cachait une base secrète de l’armée américaine. Avec un départ à minuit, il a pris 5h05 pour franchir la distance ! Son meilleur temps fut de 3h38 obtenuTerry SanCartier#6 à Chicago.

« Je possède la même voiture depuis 17 ans. Mes meubles, je les ai ramassés un peu partout. Mon argent, je le réserve pour la course à pied. »

Jeune, sa mère lui répétait souvent cette phrase: « Quand il a quelque chose dans la tête, il ne l’a pas ailleurs. »

 Il me semble que j’ai reconnu une personne qui m’est très familière suite à ce commentaire !