En Forme : Je suis peut-être fou mais pas stupide par Daniel Lequin

Je suis peut-être fou mais pas stupide !

En forme lundi, 18 févr. 2019. 12:03 Pierre #1

Bien écrasé dans son fauteuil, je ressentais son désir de se livrer.

En contrôle, il parlait de sa passion. Pas besoin de beaucoup de questions pour démarrer la conversation. Les gens ne restent pas indifférents devant Pierre Faucher qui se retrouvera à 59 ans en mars prochain, solide comme le roc.

Il qualifie son père de joggeur à l’époque, celui qui l’a inscrit à une course au parc Olympique à Montréal à 16 ans.

À 19 ans en 1979, Agnès Dumouchel apparaît dans sa vie et sa belle-mère Georgette lui fait alors une remarque : Tu cours toujours toi ? Tu ressembles à mon voisin, le p’tit Bordeleau, il court tout le temps lui aussi. » Ignorant totalement ce que représentait le p’tit Bordeleau, elle parlait d’Alain, celui qui détient encore aujourd’hui le record québécois sur marathon!

Graphiste de profession, Pierre a pris sa retraite en 2017 après 20 ans pour l’agence Marlowe et à son compte de 2001 à 2017. Étrangement, l’unique client qu’il lui reste dans ce milieu est Pierre #2Alain (Bordeleau) avec son marathon du Petit Train du Nord !

Natif de Laval, il rencontre Agnès à 19 ans et deviendra par la suite sédentaire jusqu’à peser autour de 205lb. « Je me souviens qu’à cette époque, je me rappelais combien je pouvais me sentir bien dans mon corps quand je courais durant ma jeunesse.» En 2005, changement drastique, il perd 65lb à 45 ans.

« Je me suis retrouvé en vacances avec des gens un peu plus jeunes et je les regardais s’activer avec aisance. Je ressentais de la honte de ne pas pouvoir les suivre ce qui a réveillé ma conscience. Je me rappelle également m’être fait chicaner par mon médecin. Mon estime se retrouvait à son plus bas niveau. Ma femme, mes enfants, voir au bon roulement de mon entreprise prenaient alors toute la place dans ma vie. Il était où le Pierre en bonne condition physique que je connaissais jadis ? »

Belle coïncidence, la présence d’un gymnase juste à côté de son lieu de travail a initié la relance pour la nouvelle carrière de celui que l’on surnomme affectueusement Papi. Pierre aime la vitesse. Ses amis lui disent qu’il possède un seul rythme ! « Je cours jusqu’au travail et je reviens chez moi par la suite. Dans les deux cas, j’ai hâte d’arriver. Voilà pourquoi je me dépêche ! » Ce qui explique qu’il en sera à une 11e présence au marathon de Boston en avril prochain, une 10e consécutive. Mais que s’est-il passé en 2009 ?

« Après mon premier Boston en 2008, Agnès m’a dit : Tu ne feras pas ça à toutes les années ?  Je dois préciser que mon apparence avait subi toute une transformation. Certains pensaient même que je souffrais d’un cancer et je crois qu’Agnès avait peur de me perdre, que je la quitte pour une autre personne. Je me suis alors inscrit au marathon d’Ottawa et ce fut catastrophique comme expérience. Par la suite, j’ai décidé de ne plus l’écouter ! », dit-il en riant.

L’édition 2013 devait être sa dernière présence mais à cause de l’attentat, son ami Alan Miller lui a dit qu’il fallait absolument qu’ils y retournent.

Durant l’entrevue, je remarquais le mot Phoenix sur son chandail. « J’ai appartenu à ce groupe de course à pied de l’Ouest de Montréal durant neuf ans. Je l’ai laissé car je ne pouvais plus m’y entraîner régulièrement. J’ai dû faire mon deuil. Je voyais plus souvent Alan que ma femme ! », raconte le père d’Ariane, 24 ans et Juliette, 21 ans.

Il parle d’Agnès avec admiration. « Je lui dois beaucoup. Elle m’a épaulé, elle m’a toujours laissé partir. Je lui ai dit que 2020 serait ma dernière présence à Boston. Pour moi, ce 42km s’est transformé en rituel du printemps à travers les années. »

En 2012, il découvre les ultras. Il s’inscrit au Mount Royal Summet Quest à Montréal et apprend deux semaines avant l’événement que le responsable abandonne. Il prend la relève et sans vraiment le vouloir, il s’y intéressera de plus en plus. « J’avoue que ces distances ne sont pas pour tous les coureurs. Ce n’est pas trop….pour moi ! J’y suis allé graduellement. Auparavant, ma montre me consommait et lors des ultras, tu la regardes différemment. En forêt, tu te sens dans un état second, il y a des sections que tu ne te souviens même plus, tu te retrouves souvent sur le pilote automatique. »

Ce qui fait qu’en 2015, Pierre a totalisé 4500km, en 2016, 5100km et en 2017, 6000km. Puis le 11février 2018, il se blesse sérieusement. « L’élastique a rompu ! J’ai couru à ma perte. Disons que j’étais dû ! »  Ça ne l’a pas empêché de se taper 3000km ! « J’ai eu l’impression de faire du sur place ! Question de poursuivre sa série, il s’est quand même rendu à Boston, blessé, sous les vents, le froid et la pluie pour conclure en 5h06 ! Toutefois, cet employé de la Maison de la Course allait vivre une expérience riche en émotion.

Pierre #3« À 200 mètres de l’arrivée, j’ai remarqué une dame qui vacillait. Pratiquement inconsciente, je l’ai escortée jusqu’au fil d’arrivée. En hypothermie, elle ne se souvenait plus de rien. Nous avons gardé contact. Il s’agit d’Heather MacDuff, 59 ans du Nederland, une ex-coureuse élite dans son pays, qui a déjà fait 2h34, une sorte de Jacqueline Gareau. On s’écrit toujours et je vais la revoir en avril prochain à Boston. »

Je réservais le dernier sujet pour la fin, comme les rouges pour les Smarties ! Car depuis 2014, Pierre se fait remarquer l’hiver. Peu importe le froid, il court en short ! Iceman, comme le surnomme son bon ami André Daigle. Il explique qu’en 2014, il faisait chaud, presque pas de neige. « Un soir, je me suis présenté à l’entraînement du club Phoenix avec mon short. Rapidement, s’est devenu une sorte de défi. Je continuais à porter mon short pour défier les gens. J’ai testé mes limites du froid. J’ai descendu graduellement et c’est maintenant ma marque de commerce. »

En 2017, il a couru en short tout l’hiver ! »Je ne possède pas de pantalons officiels pour courir. Parfois, j’ai froid aux genoux, sur le devant des jambes. Ma femme m’a dit que je souffrirai du rhumatisme quand j’aurai 70 ans ! Peut-être que pour mes 60 ans, j’arrêterai de faire ces folies ! Je sais qu’il y a des gens qui me traitent de cave, je suis conscient que ça fait jaser, que je ne passe pas inaperçu. C’est un défi comme les autres. Je suis peut-être fou mais pas stupide.

Oui, il y a Boston, mais sa grande fierté est une présence à la fameuse épreuve de 50km que l’on appelle la petite Barkley en 2017 au Tennessee en compagnie de Mario Villemure alors qu’ils sont devenus les deux premiers Québécois à la compléter. Pierre a pris le 37e rang sur 350 participants ! Il y Pierre #4retournera en septembre prochain dans le but de capter  l’attention pour se rendre à la grosse Barkley, où peu de coureurs parviennent à la compléter.

Pierre Faucher, un personnage coloré qui se nourrit de défis comme celui qu’il tentera à Toronto cet automne, un marathon sous la barre des 3h05. Oui, Big Papi, c’est du solide !

 

 

 

 

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