La dernière fois où j’ai eu le plaisir de croiser Jeffrey, il était seul au beau milieu de son centre affilié, CrossFit Wonderland, dans Griffintown. Il était à terminer les derniers préparatifs d’un évènement qu’il organisait pour les membres de sa communauté, en vue du dernier weekend du Open.

Lorsque je l’ai complimenté sur ses performances mondiales - il était 33e au monde à ce moment - il a paru un peu, disons, défaitiste après l’annonce de la dernière épreuve et de ses chances de qualifications aux jeux mondiaux.

“Le 19.5 n’est vraiment pas une bonne épreuve pour moi. J’ai vu les temps de (Mathew) Fraser et de quelques autres. Je n’ai pas encore cette capacité de travail.. Mais c’est correct! Je vais récupérer, et tenter à nouveau de me qualifier l’an prochain.”

48 petites heures plus tard, le jeune athlète de Montréal signait le 31e meilleur temps mondial, et obtenait son billet pour Madison.

“J’ai poussé jusqu’à ce que je sente que mes trippes veulent sortir de mon corps. Et ça a payé! On a travaillé fort sur ma gymnastique cette année, et on dirait bien que la stratégie a fonctionné, ça a été une belle surprise.”, m’a-t-il confié.

Un parcours atypique

 

La majorité des athlètes qui trônent au sommet du CrossFit ont majoritairement des critères en commun: ils ont un passé sportif compétitif, joignent les écuries d’entraîneurs renommés, ou encore, font partie d’équipe avant de faire leur chemin en individuel.

Avant de mettre les pieds dans un centre affilié en 2015, Jeff n’était jamais allé dans un centre d’entraînement de sa vie! Il jouait au hockey de 2 à 3 fois par semaine, mais sans plus. Il y a donc eu une progression naturelle, un désir de vouloir s’améliorer et de devenir la meilleure version de lui-même.
Puis, il finit dans le top-150 au open dans l’est du Canada. La fibre compétitive s’installe en lui, et le nouvel objectif de participer aux (feux) championnats régionaux, qu’il manquera par 10 places seulement en 2017, mais dont il atteindra finalement l’objectif en 2018.

C’est justement lors de cette compétition à Albany, tout au long de laquelle il a flirté avec le top 10, que le rêve des Jeux CrossFit a commencé à s’installer.

Chose qu’il aura accompli dès l’année suivante.

Son entraîneure, Caroline Lambray, est aussi son associée en affaires et, surtout, sa copine. Ensemble, ils ont choisi d’utiliser des stratégies peu conventionnelles pour un athlètes qui aspire aux grands honneurs. Par exemple, Jeff a suivi la programmation originale “crossfit.com" pendant 2 ans, en plus de suivre des cours de groupe dans son centre. La raison était fort simple: plusieurs “nouveaux” mouvements, comme le fameux “pegboard” ou l’épreuve des brouettes (2015), ont fait leur apparition aux Mondiaux… Mais avaient toutes été programmées sur le site originale dans les mois précédents.

Aussi, le tandem a pris la décision, en 2017 et 2018, de ne participer à aucune compétition à l’extérieur du Open et des Régionaux, pour ne pas déroger de l’objectif.

Que pense son entraîneure, de la progression de son athlète?

 

“En compétition, il me fait penser un peu à (Patrick) Vellner: il est toujours relaxe et profite du moment présent, toujours souriant avec les autres compétiteurs. Jeff est très terre a terre et calme comme personne. Il aime quand les choses sont bien faites. Des fois ça veut dire faire des concessions, ou des choix que d’autres ne feraient peut-être pas. Notre relation d’athlète à coach a évolué avec le temps. Il est facile à entraîner, parce qu’il veut bien faire pour lui. Il veut bien bouger , respecter les standards, alors il ne tournera pas les coins ronds.”, nous confie Caroline.

“Mentalement, c’est toute autre chose! J’ai fait beaucoup de sport compétitif. Je sais ce que c’est de perdre, ou avoir des mauvaises sessions d’entraînement. Mais Jeff #1lui devait l’apprendre, et ça a pris du temps. Il est toujours prêt à faire le nécessaire, mais disons qu’au début, on se battait un peu plus pour qu’il fasse les choses comme je le veux. C’était un gros défi aussi pour moi de bâtir un athlète jusqu’aux Mondiaux. Après chaque Open, je lui ai demandé s’il voulait continuer avec moi, ou s’il préférait aller avec une programmation réputée pour livrer la marchandise. Mais il a toujours refusé”, ajoute-t-elle.

 

Les yeux vers Madison

 

Après avoir pris part aux Regionaux à Albany l’an dernier - et avec le changement de format vers les nouvelles compétitions sanctionnées - l’athlète de Montréal a pris part à quelques-unes de celles-ci, notamment le Dubai CrossFit Championship et le Wodapalooza, histoire de prendre un peu d’expérience individuelle en compétition.

 

Maintenant que la qualification est atteinte, s’est-il fixé un objectif précis pour Madison?

“Suis-je capable de faire un autre top-30? On verra. J’aimerais faire toute la compétition. Je ne veux pas être le gars qui a qualifié dans les meilleurs au monde au Open, et qui est éliminé dès la première journée.”

Justement, comment se sentait-il d’atteindre un objectif si important dans le confort de son gym, chez lui, en recevant un courriel?


“C’était un feeling vraiment bizarre que de qualifier en ligne. De constater qu’il y a seulement 25 autres gars  sur la planète qui sont meilleurs que toi à ce moment-là. Mais ça enlève un peu le moment qu’on vivait aux Régionaux le dimanche après-midi…”

 

Peu importe le résultat des “Games”, Jeff sera de retour chez lui sans prendre plus que quelques jours de repos. Car il a l’intention de qualifier à nouveau, dès le prochain Open en octobre. La montée du chevalier noir n’est pas terminée.