Dans son point de presse du 3 décembre dernier, le premier ministre François Legault a estimé que le défi qui attendait les québécois lors des prochains mois en raison de la pandémie se comparait aux derniers kilomètres d’un marathon. Monsieur Legault, un grand amateur de sport, affirmait que dans cette épreuve de 42,2 kilomètres, ce ne sont pas les premiers kilomètres qui sont les plus difficiles, mais bien les derniers!

 

Il a raison puisqu’il est facile d’imaginer que la diminution des réserves énergétiques et la fatigue musculaire des coureurs entraînent une baisse de régime. 

 

Les propos du premier ministre ont entraîné de nombreuses réactions amusantes et commentaires intéressants sur les médias sociaux. Les mots « marathon » et « mur » étaient à la mode. Pas certain cependant que de comparer la situation actuelle de la pandémie, marquée par une hausse inquiétante des cas, au « mur » du marathon soit habile et, surtout, exacte.

 

Alors que la courbe des cas de COVID ne cesse de croître depuis quelques semaines et frappe avec force un nombre toujours plus élevé de québécois, le marathonien qui frappe un mur voit plutôt sa courbe d’énergie atteindre un plateau et amorcer une alarmante descente!

 

 

Qu’est-ce que le mur au marathon?

 

L’expression est archi-connue en course à pied de fond : « J’ai frappé le mur! »  Et cela ne présage rien de bon.

 

Le coureur qui frappe un mur sent subitement son niveau d’énergie baisser. Il devient impuissant face à ce qui lui arrive. Il réalise que ses jambes ne suivent plus la cadence espérée et que son souffle est court. Un découragement s’installe et l’envie d’arrêter pour marcher s’immisce sournoisement dans ses pensées. S’il le fait, il comprend très bien qu’il risque de ne jamais repartir et de ne pas terminer la course pour laquelle il s’est si longuement entraîné!

 

Le corps humain puise dans deux types d’énergies lors d’un effort physique comme le marathon : le sucre et les graisses. Le premier est celui qui produit une énergie rapidement disponible alors que les secondes sont lentes à se propager dans le métabolisme du coureur. Les réserves de sucre (glycogène) se retrouvent dans les muscles et sont peu abondantes alors que celles des graisses sont élevées mais avec un lent processus de dispersion. Ça veut dire qu’une fois les muscles incapables de libérer du glucose pour fournir le corps en énergie, le coureur est dans le trouble!  

 

Lorsque les réserves glycogéniques sont vides, il devient pratiquement impossible d’avancer. Il faut donner du carburant au corps, mais ce dernier aura tout de même besoin de temps avant de transformer le sucre ingéré dans des gels et boissons en énergie. Le tempo s’en voit donc nécessairement affecté et les temps de passage sont de plus en plus lents.

 

Même si c’est dur pour l’égo et le chrono du coureur, frapper un mur n’est pas une mauvaise chose en soit. Cela indique que le cerveau protège son organisme. C’est lui qui gère l’énergie du corps et il s’assure que les organes vitaux n’en manquent pas. Lorsqu’il note que la réserve énergétique créée par le sucre et qui se retrouve dans les muscles est vide, il commence à puiser dans les graisses. Cela ralenti automatiquement le coureur. 

 

Des études démontrent que les coureurs frappant le mur au marathon le font lors d’une fenêtre assez précise : entre 2h30 et 4h de course. C’est lors de cette période que les muscles ont brulé leur réserve de sucre. Cela n’affecte donc par les élites qui ont déjà bouclé le parcours en totalité en moins de 2h30. Évidemment, un plan d’entraînement efficace et respecté par le coureur diminuera son risque de frapper le mur. Une bonne nutrition est également importante pour faire le plein de sucre dans les muscles avant l’épreuve.

 

En 25 ans de course à pied, j’ai fait la rencontre de ce fameux mur à une seule reprise. Et je m’en souviens encore comme si c’était hier. C’était au Marathon d’Ottawa en 2006.Il régnait une température caniculaire même si nous n’étions qu’à la fin du mois de mai. C’était mon tout premier marathon et je m’étais entraîné sérieusement dans les mois précédents.

 

Pourtant, vers le 33e kilomètre, j’ai senti mes jambes me lâcher alors que j’entreprenais un long segment de route qui se déroulait inlassablement devant moi. Un méchant coup de pompe! Je ne voyais plus la fin et le découragement s’est emparé de moi. Sans même le réaliser, je me suis mis à marcher. Si cela n’avait été de mes parents qui m’attendaient à l’arrivée, je ne serais probablement jamais reparti. J’ai tout de même terminé, mais les derniers kilomètres furent pénibles.

 

Contrairement à mes réserves de glycogène totalement épuisées lors de cette course, la pandémie actuelle est loin de frapper un mur. On le souhaiterait pourtant, mais elle redouble encore d’ardeur.

 

Heureusement, tout comme le bonheur qui gagne le coureur qui entend la foule lui signifiant qu’il approche de l’arrivée, nous réalisons de plus en plus que la fin de cette pandémie approche. La venue des vaccins procure l’espoir d’un retour à la normalité.

 

Entretemps, les prochaines semaines continueront d’être difficiles. Un peu à l’image d’une fin de marathon.

 

On ne lâche pas! Nous verrons tous l’arrivée!

 

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