Le 24 juillet prochain, dans le cadre des Championnats nationaux d’athlétisme qui se tiendront à Montréal, une grande dame de la course à pied au Canada sera intronisée au temple de la renommée d’Athlétisme Canada. Et il était temps! 

 

La marathonienne Jacqueline Gareau verra enfin les portes de ce cénacle privé s’ouvrir pour elle après une carrière absolument époustouflante dont les plus grands moments sont toujours inscrits dans les livres de records du pays. 
 

J’ai eu le grand honneur de décrire le marathon de Boston sur les ondes de RDS en 2014 avec madame Gareau comme analyste et j’ai découvert une femme d’une très grande humilité; toujours passionné par son sport. Je l’avais déjà croisé à quelques reprises lors d’épreuves de course à pied auxquelles je participais. Chaque fois, elle me dépassait pour me devancer facilement sur la distance du demi-marathon. J’étais vraiment impressionné, mais choyé de côtoyer cette immense athlète. 
 

Jacqueline Gareau (no 102)De 1979 à 1984, des années fastes

 

Jacqueline Gareau est née en 1953 à L’Annonciation, maintenant Rivière-Rouge, au Québec. Elle a accompli ce qu’aucune autre athlète féminine n’a fait en l’espace de quelques années (1979 à 1984) alors qu’elle était une des meilleures coureuses de fond de la planète. 
 

Lors de cette période faste, elle a participé à plusieurs marathons prestigieux, en remportant neuf, dont celui de Boston en 1980. Pendant de longues années, elle a détenu le record canadien au marathon. Elle est toujours la marathonienne la plus rapide de l’histoire du Québec (2 h 29 : 28 à Boston en 1983). 
 

Ses exploits ne s’arrêtent pas à la distance de 42,2 kilomètres puisqu’elle a également réédité de nombreux records canadiens, dont ceux du demi-marathon, du 20 kilomètres, du 15 kilomètres, du 10 miles et du 10 kilomètres. 
 

En lisant le communiqué d’Athlétisme Canada annonçant l’intronisation de Jacqueline Gareau, j’ai été étonné d’apprendre qu’elle avait participé à son premier marathon à l’Île d’Orléans, là où j’ai grandi, en 1977. Je n’avais que sept ans, mais j’ai tout de même un vague souvenir de cette course organisée sur le Chemin Royal qui ceinture l’île. 
 

Ce premier marathon l’a tellement séduit qu’elle a continué de s’entraîner sérieusement pour participer à des courses régionales où elle démontrait sa prédisposition à courir longtemps et rapidement. Sa condition physique était parfaite! 
 

En 1979, Gareau gagne le marathon d’Ottawa (2 h 47 : 58). Dans les mois qui suivent, on la voit au marathon de Montréal (médaille d’or) et au marathon de New York (médaille d’argent). À chaque fois, elle améliore son chrono. 
 

Scandale à Boston 
 

Alors qu’elle est encore peu connue au Canada, et vraiment pas aux États-Unis, elle décide, le 21 avril 1980, de se rendre à Boston pour participer au célèbre marathon. Les officiels là-bas refusent de lui laisser prendre le départ avec les coureuses élites puisqu’ils ignorent qui elle est. Gareau parvient tout de même à se faufiler discrètement dans le peloton de tête. 
 

Une fois la course lancée, elle se détache du groupe et s’empare de la tête pour remporter l’épreuve (du moins le croyait-elle) en 2 h 34 : 28. Sauf que voilà, une terrible injustice a lieu cette journée-là avec un des pires exemples de tricherie sportive de l’histoire. 
 

Une certaine Rosie Ruiz aurait terminé devant elle. Timide, Gareau n’ose pas trop poser de questions même si elle se doute que cette victoire est attribuable à de la triche. Son instinct ne la trompe pas! 
 

Des journalistes démasqueront Ruiz après quelques jours d’enquête car il y avait trop d’incohérence dans son récit. On découvrira qu’elle souhaitait impressionner son entourage. Elle avait réussi à se qualifier pour Boston en enregistrant un excellent chrono au marathon de New York où elle avait également triché. 
 

Si à New York elle avait utilisé le métro pour court-circuiter le parcours, à Boston elle attendit simplement dans un hôtel près de la ligne d’arrivée jusqu’au bon moment pour se glisser à travers la foule et terminer la course non sans s’être assuré de s’asperger le visage d’eau pour donner une impression de transpiration intense. 
 

Gareau fut donc privée des festivités entourant la victoire qui lui revenait à titre de nouvelle championne et détentrice du record du parcours. Tout de même, deux semaines après cette fin décevante, la ville de Boston fit revenir Gareau pour lui offrir les honneurs qui lui étaient dus. Mais bien malgré elle, le nom de Gareau demeure associé à ce cas honteux de tricherie. Ruiz ne s’excusera jamais et continue encore à ce jour de nier. Aujourd’hui cela n’arriverait plus grâce aux puces GPS qui permettent de suivre les coureurs sur le parcours. 
 

Un rendez-vous olympique raté
 

Gareau est retournée à quatre reprises à Boston pour participer au marathon, enregistrant la deuxième place en 1982 et 1983. Lors de cette dernière année, elle termina en cinquième position des Championnats mondiaux d’athlétisme (2 h 32 : 25), puis remporta en 1984 la médaille d’or au marathon de Los Angeles à l’endroit même où se déroulerait le marathon des Jeux olympiques. C’était de bon augure. 
 

Malheureusement, une blessure est venue contrecarrer les aspirations légitimes de la Québécoise à un podium olympique. Après une guérison complète, Gareau a poursuivi sa carrière de coureuse. Il n’est pas rare de la croiser lors de compétitions amicales. 
 

Elle avait déjà été intronisée au Temple de la renommée de la course sur route du Canada, du Panthéon des sports du Québec et du temple de la renommée de la course sur route du Mont Washington. En 2000, elle a été nommée marathonienne par excellence du 20e siècle. Imaginez, Jacqueline Gareau est parvenue dix fois à terminer un marathon en moins de 2 h 35, dont deux fois en moins de 2 h 30 (2 h 29 : 28 à Boston en 1983 et 2 h 29 : 32 à Houston en 1985). Pour vous donner une idée, la Québécoise la plus rapide des récentes années est Mélanie Myrand qui a couru un excellent 2:33:17 à Rotterdam en avril dernier. 

 

Indéniablement, Jacqueline Gareau est une marathonienne d’exception dont la carrière mérite d’être soulignée et célébrée. Cette accession au Temple de la renommée d’Athletisme Canada est une belle occasion de le faire.