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RÉSULTATS

Les yeux dans la graisse de bines!

Daniel Lequin - rds.ca
Publié
Mise à jour

Détrompez-vous, je ne parle pas de l'état dans lequel on se retrouve lorsque l'on regarde une belle femme !

 

Avez-vous déjà remarqué l'attitude d'un coureur lorsqu'il termine une épreuve ? Plus la distance sera longue et plus il risque d'être épuisé. À ce moment, son regard changera automatiquement et nous indiquera vraisemblablement son état de confort.

 

Habituellement, il regarde au loin et sa projection est complètement inhabitée. Il ne semble penser à rien. Il tire tout simplement profit du moment présent.

 

Il apprécie la distance qu'il vient de compléter et profite pleinement de ces instants de fierté. Je pense qu'on ne peut pas mieux décrire le terme « faire le vide » que dans de telles circonstances.

 

Vous n'avez qu'à regarder des photos d'adeptes qui franchissent le fil d'arrivée pour réaliser toute cette jouissance qui traverse leur esprit, une combinaison de l'effort et des endorphines qui jaillissent dans son esprit.

 

Cette période peut facilement se comparer à l'apothéose, de l'extase unique que l'on retire après une telle réalisation. Regardez les yeux des coureurs. On dirait qu'ils se retrouvent dans la graisse de bines, comme le veut l'expression.

 

N'allez pas essayer de faire comprendre cette étape à une personne qui ne court pas, elle ne saisira pas. Et c'est normal. On ne peut pas juger un repas que l'on nous sert sans en avoir goûté une bouchée.

 

JE SAIS CE QUI M'ATTEND

 

Personnellement, je me suis souvent retrouvé à vivre cette phase lorsque je complète un marathon car vous savez que c'est particulièrement cette distance que j'affectionne. Ça saute aux yeux.

 

On ne réalise pas assez ce bonheur que nous ressentons, combien l'ensemble de notre corps est traversé par une détente dont le degré ne peut être atteint dans la vie de tous les jours. La vie se présente alors sous un angle meilleur, on a oublié nos petits ennuis et on a le cœur gros comme la terre. Notre tolérance se retrouve au maximum et plus rien ne semble nous déranger, nous affecter.

 

Lors de ma participation au marathon de Montréal, je savais de qui m'attendais. Comme à l'habitude, j'étais conscient qu'il serait difficile à traverser même si j'ai suivi religieusement les étapes de mon entraînement car courir 42 km, ce n'est pas normal.

 

ET APRÈS….

 

Par contre, je suis conscient de toute la chance que je bénéficie et j'ai tenté d'en profiter au maximum tout en sachant très bien qu'à la ligne d'arrivée, j'avais droit à nouveau à ces moments uniques dont je vous parlais au début de ce texte. En fait, c'est comme si je devais les mériter, les gagner à la sueur de mon front.

 

Il faut croire qu'au fil des années, je n'arrive pas à me lasser de ces moments et qu'il me les faut nécessairement pour poursuivre ma route.

 

J'ai souvent raconté ce cheminement à des gens qui me demandait par la suite qu'est-ce qui arrivera lorsque les marathons ne feront plus partie de mes préoccupations ?

 

Je pense qu'inconsciemment, j'arriverai à m'y préparer graduellement afin que le choc soit moins grand.

 

Mais plus jamais, je me retrouverai avec les yeux dans la graisse de bines !