Ça se déroulera finalement à Vienne, en Autriche. Les autorités municipales de l’endroit ont été plus conciliantes que celles de Londres. Et pour ce qui est des lièvres, on aura droit à la crème de la crème. Le 12 octobre prochain, si tout se passe comme prévu, nous assisterons à un des plus grands moments de l’histoire de l’athlétisme.

Mais revenons d’abord sur le but premier de ce projet : courir un marathon en moins de deux heures! Ce qui, il y a encore quelques années, semblait être un exploit seulement envisageable dans un avenir très lointain pourrait finalement survenir beaucoup plus tôt que prévu.

Le Kenyan Eliud Kipchoge est, sans aucun doute, le plus grand coureur de fond de l’Histoire. Son palmarès est éloquent. Après une brillante carrière sur 5000 mètres, il est passé aux distances plus longues du demi-marathon et marathon aux débuts des années 2010. Depuis, il a remporté toutes les courses auxquelles il a participé à l’exception d’une deuxième place à Berlin en 2013. Champion olympique du marathon aux Jeux de Rio en 2016, il a établi en 2018 à Berlin le record du monde de la distance en 2 h 01:39, devenant le premier homme à passer sous la barre des 2 h 02 sur 42,195 km.

Eliud KipchogeLe 6 mai 2017, sur le circuit automobile de Monza, en Italie, Kipchoge a couru le marathon Breaking2 organisé par l’équipementier sportif Nike en 2 h 00:25. Il ratait ainsi sa tentative de devenir le premier homme à courir un marathon en moins de deux heures. Cette performance ne fut pas homologuée par la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) puisque sa course ne s’était pas déroulée lors d’une compétition officielle en plus d’être présentée sur un circuit fermé. Mais surtout, il avait pu bénéficier de l’aide d’une vingtaine de lièvres qui se relayaient et il était précédé d’un véhicule automobile créant de l’aspiration.

Tout de même, cette performance avait frappé l’imaginaire et permis de réaliser que l’explosion de la barrière des deux heures n’était pas une utopie. Kipochoge s’était bien promis de faire un deuxième essai avant qu’il ne soit trop vieux, il est maintenant âgé de 34 ans, et sur son déclin.

Ce second essai avait été annoncé au début de l’année en grande pompe par l’homme le plus riche de Grande-Bretagne, Jim Ratcliffe, à la tête du groupe pétrochimique Ineos. Le milliardaire, flairant le bon coup publicitaire, annonçait que si les autorités londoniennes acceptaient de fermer une partie du centre-ville à l’automne, c’est là que Kipchoge tenterait le coup.

Londres a refusé! Impossible d’être flexible au point de garder une fenêtre d’opportunité ouverte pendant deux semaines en octobre jusqu’à ce que la bonne température et les conditions de course soient parfaites.

Le Défi Ineos 1:59 se déroulera donc à Vienne le 12 octobre, si Dame Nature collabore. Idéalement, un mercure d’une douzaine de degrés, du temps sec et un vent faible serait souhaitable.

En conférence de presse téléphonique le 14 août dernier, Kipchoge s’est dit extrêmement sûr d’être le premier homme à courir un marathon en moins de deux heures, un exploit historique qu’il compare à celui d’être le premier homme à marcher sur la lune, gravir la plus haute montagne ou plonger au plus profond de l’océan. Il s’agirait pour lui d’un accomplissement surpassant son triomphe olympique.

Dans les années 1950, c’était le mile en moins de quatre minutes qui retenait l’attention. Le Britannique Roger Bannister y était parvenu en mai 1954. Par la suite, plusieurs autres coureurs ont amélioré cette marque, mais on se souvient uniquement du nom du premier à l’avoir fait. Kipchoge ne doute pas que d’autres coureurs réussiront à courir un marathon en moins de deux heures, mais il veut s’assurer que c’est de lui dont on se souviendra.

Bernard LagatLes dirigeants du Défi Ineos 1:59 ont commencé à dévoiler les noms des lièvres qui aideront le Kenyan lors de cette seconde tentative. Une équipe toute étoile qui contient des noms comme ceux de la légende américaine d’origine kenyane Bernard Lagat et des trois frères norvégiens Ingebrigtsen.

Même s’il réussit à rallier l’arrivée en moins de deux heures à Vienne, Kipchoge sait déjà que son chrono ne sera pas homologué par l’IAAF pour les mêmes raisons évoquées lors de son premier essai à Monza. Il ne s’en formalise pas. Ce qui est important pour lui, c’est de démontrer qu’il n’existe pas de limites à l’effort humain. Il souhaite passer à l’histoire!

Qui parie qu’il réussira?