Le court-métrage Nuits blanches, d’Alexis Berg, raconte la lutte de participants de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) pour rester éveillés. Avec candeur et simplicité, ces hommes et ces femmes des quatre coins du globe se confient sur la poursuite de leur rêve au travers de la nuit dans les Alpes françaises, italiennes et suisses. Ou plutôt de deux nuits : il faut en moyenne de 40 à 42 heures à l’humble amateur pour rallier Chamonix, où se situe la ligne d’arrivée de l’épreuve mythique longue de 170 km. Le temps limite est de 46 h 30 min.

Tout sauf endormant, ce film réalisé pour Strava (et qu’on trouve facilement en ligne) pose la question de la privation du sommeil et de ses conséquences sur la performance. « La première nuit est difficile à passer : on vit des coups de pompe jusqu’au retour de la clarté. La deuxième nuit, la fatigue est encore plus prononcée : on commence à avoir des hallucinations, et les risques de défaillance sont assez forts », indique à la caméra Rémy Hurdiel, spécialiste du sommeil et membre de l’équipe médicale de l’UTMB.

Dormir, comme boire et manger, est vital pour les sportifs et autres amateurs de plein air. Amputer son sommeil ou, pire, s’en priver peut rapidement virer au désastre. On parle de risques accrus de blessures, de temps de récupération plus long, d’un déraillement du métabolisme des glucides, indispensable au stockage du glycogène, ce « supercarburant ». Il est également question de baisse significative des performances cognitives, d’un effondrement du système immunitaire… Vous voyez le portrait.

 

Stratégie inédite

Dans une étude publiée en 2016 dans Medicine and Science in Sports and Exercise, des chercheurs français proposent une stratégie inédite pour retarder la catastrophe annoncée : mettre en banque du sommeil. Pendant six jours consécutifs, ils ont demandé à douze valeureux de prolonger délibérément d’une heure par nuit le temps passé au lit pour y dormir. Puis, après les avoir privés de Zzz pendant environ 35 heures, ils ont évalué leurs performances physiques lors d’un test d’extension des jambes.

Les résultats vont plaire aux grands dormeurs : les participants ont connu un meilleur rendement après avoir passé davantage de temps dans les bras de Morphée que lorsqu’ils s’en sont tenus à leur horaire habituel de sommeil. Mieux encore : ils se sentaient moins fatigués dans l’ensemble – pour un même exercice, leur perception de l’effort était moindre après avoir joué en prolongation sous la couette, explique Guillaume Millet, professeur à l’Université Jean-Monnet à Saint-Étienne et coauteur de l’étude.

Mais attention : ces résultats ne peuvent pas être extrapolés à des épreuves d’ultra-endurance pour l’instant – davantage de recherches sur la mise en banque de sommeil sont nécessaires. Et même si c’était le cas, encore faudrait-il trouver la discipline pour y arriver. « Nous avons tous l’instinct que c’est la bonne chose à faire. L’enjeu, c’est plutôt de s’en donner les moyens. Étant donné toute la logistique qui précède une course comme l’UTMB et les contraintes sans cesse plus nombreuses de la vie moderne, ce n’est pas gagné », conclut le chercheur.

                                        Aussi à écouter : Mathieu Blanchard : l'ultra-passionné qui repousse ses limites !

Hygiène du sommeil 101

Pour mettre du sommeil en banque, il n’y a pas mille solutions : il faut se coucher plus tôt, se lever plus tard ou caser ici et là des siestes, ou tout ça à la fois. Mission impossible ? Pas si vous adoptez de saines habitudes de sommeil. Ainsi, il est judicieux de maintenir des horaires réguliers de dodo, de ne pas lutter contre l’envie de dormir lorsqu’elle se fait sentir, de couper la consommation de caféine en fin de journée et de limiter l’exposition aux écrans avant d’aller au lit. Prendre une dose de mélatonine vers la fin de l’après-midi peut aussi contribuer à devancer son horloge circadienne, donc à favoriser un endormissement plus hâtif.

Auteur : Maxime Bilodeau, kinésiologue de formation

 

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