L’année 2022 qui arrive à grands pas sera celle du vingtième anniversaire du célèbre Budhia Singh. 

 

Quoi? Vous ne connaissez pas ce coureur indien qui a défrayé les manchettes en raison de ses exploits sportifs? Tout cela avant même de fêter son cinquième anniversaire de naissance! Imaginez, des documentaires racontent son histoire et même un film sur sa vie a été produit à Bollywood. Alors ça mérite d’y consacrer une chronique tellement son histoire est à la fois fascinante, troublante et, surtout, triste. 

 

Budhia Singh est né en 2002 dans un bidonville de Bhubaneswar, dans l’est de l’Inde. Son père décède alors qu’il n’est âgé que de deux ans. Sa mère le vend alors 800 roupies à un travailleur de commerce puisqu’elle n’a plus les moyens de pourvoir à ses besoins. Bien que désolante, ce genre de transactions n’est pas rare chez les membres des castes pauvres de l’Inde. 

 

Singh ne restera pas longtemps entre les mains de son nouveau maître puisque celui-ci le revend à Biranchi Das, un entraîneur de judo qui dirige également un orphelinat. Le garçonnet est chargé d’effectuer différentes tâches pour l’entretien des installations de judo. 

 

Les capacités d’endurance de Budhia se sont manifestées par hasard alors que pour le punir d’avoir mal travaillé, Das lui ordonne de courir jusqu’à ce qu’il lui demande d’arrêter. Mais ce dernier l’oubli et lorsqu’il revient cinq heures plus tard, il est étonné de voir le jeune garçon encore courir. L’entraîneur comprend qu’il a devant lui un phénomène et après lui avoir fait subir un examen médical décide de le diriger vers la course à pied. Mais pas n’importe quelle distance. Ce sera le marathon! 

 

 

Un entraînement éreintant

 

À chaque matin, Singh commençait à courir dès 5h et prenait une pause à midi. Après un dîner léger et une sieste, il retournait courir jusqu’à 16h. Il en était ainsi sept jours par semaine. 

 

En mai 2006, le monde le découvre alors qu’il court 65 kilomètres en 7h02 entre les villes de Puri et Bhubaneswar. Son nom se retrouve dans le livre des records comme étant le plus jeune marathonien de la planète. 

 

Il enfile ensuite les courses d’endurance et devient une célébrité en Inde. Avant même d’atteindre l’âge de quatre ans, il a terminé 48 marathons! Prenez une pause ici pour bien réaliser la folie de cet exploit. La grande majorité des coureurs auront besoin d’une vie pour courir une cinquantaine de marathons et voilà qu’un jeune de moins de cinq ans le fait en quelques mois! 

 

Singh continuera de participer à des marathons nationaux jusqu’à l’âge de neuf ans, mais sa carrière commencera à péricliter en raison d’évènements malheureux. 

 

En 2008, son entraîneur, Biranchi Das, est tué d’une balle lors d’une altercation avec un membre d’un gang de rue. Le jeune homme perd donc celui qui lui servait de mentor depuis quelques années.

 

Das était toutefois un être controversé et plusieurs l’accusent d’avoir exploité Singh pour en tirer des gains financiers. La mère du jeune prodige avait même poursuivi Das pour torture en 2007. Budhia commence alors à prendre ses distances des plans d’entraînements épuisants auxquels il était habitué et ne court plus qu’une à deux heures quotidiennement à l’âge de 13 ans. 

 

Il est forcé d’arrêter de courir par les services de protection de l’enfance qui l’autoriseront à recommencer uniquement à ses 16 ans. Sa carrière périclite et il tombe dans un relatif anonymat.

 

À cet âge, Patrick Sang, entraîneur du meilleur marathonien au monde Eliud Kipchoge, lui offre de le prendre en charge. Il croit au potentiel du jeune homme. Ce dernier décline néanmoins l’invitation et préfère s’entraîner seul. Il affirme viser les jeux olympiques de 2024 à Paris. Il lance un compte Twitter pour amasser des fonds, mais sans grands succès. 

 

Budhia Singh aura donc bientôt 20 ans et plusieurs se demandent maintenant ce qui est advenu de celui qui a tellement fait parler de lui avant ses cinq ans. Il vivrait à nouveau avec sa mère et ses sœurs. De nombreux journalistes ont essayé de lui parler au cours des derniers mois, mais en vain. Il refuse tout entrevue et ses voisins affirment ne pas l’avoir vu courir depuis deux ans. 

 

C’est ici que je termine ce résumé rapide de la carrière sportive de Singh pour me permettre une observation. Comment est-ce possible pour un garçon de moins de cinq ans de courir autant de marathons? Je crois tout cela carrément impossible. Il a peut-être complété quelques longues courses, mais son jeune corps aurait été incapable de soutenir une telle prouesse physique. 

 

Tous ceux qui ont déjà couru un marathon me comprendront. Il faut être fort physiquement et mentalement pour courir 42,2 kilomètres. Imaginez également la quantité de nourriture que ce jeune en pleine croissance aurait dû ingérer quotidiennement pour un tel entraînement. Cette histoire sent l’exploitation à plein nez. 

 

Alors que l’Inde se prépare à célébrer les vingt ans de Budhia Singh, il est à souhaiter que le principal intéressé ait compris qu’il n’a pas à courir pour les records ou briller sous les feux de la rampe. Il doit le faire pour lui-même. Pour retrouver la paix.

 

 

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