Une sourde colère gronde chez de nombreux athlètes, entraîneurs et amateurs d’athlétisme dans le monde entier. Le 11 mars dernier, la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) a annoncé son intention d’apporter des changements significatifs au calendrier de compétitions de sa Ligue de Diamant (Diamond League) dès l’année prochaine. Au lieu des 32 épreuves habituelles, il n’y en aura plus que 24. L’irritant vient de la disparition annoncée de la course de 5000 mètres, hommes et femmes.

 

La Ligue de Diamant est une compétition annuelle organisée par l’IAAF depuis 2010 pour remplacer la défunte Golden League. Elle est composée de 14 réunions (meetings) qui permettent de couronner un vainqueur dans 16 disciplines. Chaque épreuve donne lieu à des points attribués en fonction des performances. Après les Jeux olympiques et les Mondiaux d’athlétisme, il s’agit pour les athlètes de la plus grande scène pour démontrer leur talent. Les meilleurs de ceux-ci ont plus de facilité à se trouver des commanditaires et à vivre de leur sport.

 

Mais voilà que l’IAAF, dans le but de promouvoir de nouvelles idées pour faire évoluer son circuit de compétitions élite et plaire aux amateurs, renonce au 5000 m. La plus longue course en Ligue de Diamant sera dorénavant le 3000 m.  Dans un communiqué, l’IAAF précise que son but est d’ainsi réduire la durée de la télédiffusion internationale de  120 à 90 minutes.

 

Je crois qu’il s’agit d’une erreur de couper au montage la plus longue des épreuves de la Ligue de Diamant et de croire que cela va augmenter l’intérêt des amateurs. Une course de 5000 m à ce niveau dure moins de 15 minutes et le spectacle est époustouflant. Un mélange de vitesse, de tension et de stratégie. Si les descripteurs et analystes font bien leur travail, alors n’importe quel amateur peut comprendre le formidable combat et le drame qui se déroule en piste.

 

Pourquoi faudrait-il croire que l’ennui est proportionnel à la distance d’une épreuve. Je me souviens d’avoir décrit le Marathon de Boston à RDS2 aux côtés de la marathonienne Jacqueline Gareau et de l’entraîneur Dorys Langlois en 2014. Même pour une course d’un peu plus de deux heures, il n’y a eu aucun temps mort.

 

Un tort aux athlètes

 

Au-delà des considérations purement mercantiles liées à la diffusion internationale, l’IAAF a-t-elle réalisé tout le mal qu’elle faisait à un groupe important d’athlètes? Tout particulièrement ceux de certaines nations africaines comme le Kenya et l’Éthiopie qui se sont d’ailleurs officiellement opposées à cette décision. 

 

La plus haute instance de l’athlétisme rend soudainement caduque la croissance d’une base d’amateurs pour le 5000 m. Si moins de gens connaissent cette distance, moins de gens scruteront les athlètes y participant aux Mondiaux ou aux Jeux olympiques. Il n’est pas faux de croire que l’IAAF pourrait alors proposer, un jour, le retrait du 5000 m du calendrier olympique.

 

L’IAAF accorde des bourses aux meilleurs athlètes, toutes catégories confondues, selon des points obtenus pendant l’année lors des compétitions qu’elle chapeaute. Chaque épreuve donne lieu à des points attribués en fonction des performances. Ce sont donc de précieux points perdus pour les coureurs du 5000 m qui n’auront plus le même accès à l’argent distribué. Et pourquoi des commanditaires s’intéresseraient-ils à des athlètes qui ne retiennent plus l’attention?

 

Mo FarahLe 5000 m est un point de rencontre essentiel pour plusieurs distances. Les bons coureurs de 1500 m sont capables d’y participer, tout comme ceux au 10 000 m. Même des demi-marathoniens et marathoniens s’essaient au 5000 m. Eliud Kipchoge, Kenenisa Bekele et Mo Farah ont tous été des champions sur cette distance avant d’exceller sur des courses plus longues comme le marathon. On ne retire pas de l’horaire une compétition si utile à former de grands champions. 

 

 

L’IAAF élimine une des rares épreuves à laquelle la plupart des coureurs récréatifs peuvent se comparer. Je n’ai absolument rien contre le lancer du poids ou le saut en hauteur, mais qui parmi vous a déjà essayé de lancer un poids ou de sauter par-dessus une barre? Mais si vous voyez un homme courir un 5000 mètres en 12:37 ou une femme en 14:11 (records mondiaux actuels), vous comprenez aisément que c’est plus rapide que votre chrono au 5k. 

 

 

Si l’IAAF voulait absolument répondre aux demandes des diffuseurs, elle pouvait tout de même décider de conserver le 5000 m au programme du calendrier de la Ligue de Diamant. Pas besoin de télédiffuser la course, mais les spectateurs présents dans le stade auraient pu la voir. Et la webdiffusion aurait également été une avenue intéressante. C’est peu coûteux et ça rejoint l’amateur pur et dur!

 

Tout va de plus en plus vite de nos jours. L’instantanéité est la nouvelle manière de consommer. On veut réduire la durée des matchs dans plusieurs sports. On devrait plutôt apprendre à apprécier ce qui nécessite du temps. Une réunion d’athlétisme sans 5000 m n’en sera jamais une.