Par Alban Quénoi - Nouvel épisode dans l’affaire des loot boxes, Valve s’est finalement plié à l’injonction de la Netherlands Gaming Authority concernant les skins dans CS:GO et Dota 2 : les joueurs néerlandais ne peuvent désormais plus faire d’échanges de leur inventaire pour ces deux jeux, comme l’a révélé Eurogamer relayant Reddit.

Image courtesy of Redditor NasCS.

 

Le communiqué de l’autorité néerlandaise accordait une date limite fixée au 20 juin pour que les éditeurs des quatre jeux concernés ajustent leur contenu. À travers un nouveau communiqué datant du 19 juin dernier, le Kansspelautoriteit a d’ailleurs confirmé ses intentions : les éditeurs incriminés seront passibles d’amendes administratives allant jusqu’à 830 000 euros (plus d’1,2M CAD), ou encore 10% du chiffre d’affaire mondial de la compagnie.

 

Valve n’a donc eu d’autre choix que de purement et simplement désactiver du jour au lendemain les transactions pour les joueurs néerlandais. “Nous ne comprenons toujours pas et sommes en désaccord avec les conclusions du Kansspelautoriteit (...). Les lettres ne nous expliquent pas comment [remédier au problème], mais l’étude concernant les loot boxes contient une déclaration pour le moins simpliste : “Les loot boxes contreviennent à la loi si leur contenu en jeu est transférable”. Par conséquent, notre seule solution pratique est la désactivation des échanges et du Marketplace de Steam des objets sur CS:GO et Dota 2 pour les joueurs néerlandais.”

 

On parle encore d’une solution temporaire, jusqu’à un potentiel terrain d’entente entre les compagnies et l’instance gouvernementale, qui semble bien décidée à aller jusqu’au bout dans sa démarche. Pour rappel, l’étude du Kansspelautoriteit portait sur dix jeux populaires, sans pour autant révéler leurs noms. Quatre d’entre eux ont été jugés comme contrevenant aux lois sur les jeux et les paris, selon deux critères : la part aléatoire d’obtention de contenu, et la possibilité de transférer le dit contenu.

 

Si l’autorité n’a pas révélé les titres concernés, les soupçons se tournent fortement vers FIFA 18, PLAYERUNKNOWN’S BATTLEGROUND, voire Rocket League, dont les marchés alternatifs fleurissent sur internet.

 

De manière similaire, la Belgique avait également emboîté le pas, mais cette fois en pointant explicitement Battlefront II, FIFA 18, Overwatch et CS:GO. Et si les critères sont différents ici, les contenus du shooter de Blizzard n’étant pas échangeables d’un joueur à l’autre, les deux instances se rejoignent et déclarent vouloir convaincre les autres pays de l’Union européenne quant au problème des caisses de butin. Car du côté de la Pan European Game Information (PEGI), l’équivalent de l’ESRB sur le Vieux Continent, le son de cloche est bien plus prudent : “les loot boxes ne sont pas considérées comme des jeux d’argent : vous obtenez toujours du contenu, qu’il soit désiré ou non”, déclarait Dirk Bosmans, directeur des opérations pour PEGI. “Ce n’est pas à PEGI de décider si quelque chose est considéré comme des jeux d’argent ou non, c’est déterminé par les lois des gouvernements”. Même son de cloche pour l’Autorité de Régulation des Jeux En Ligne en France, qui évoque le problème dans son rapport d’activité paru tout récemment. Les loot boxes sont dans une zone grise, et c’est la valeur marchande des objets qui importe, mais l’ARJEL reste vigilant : “ Une piste d’action s’impose: l’action concertée des régulateurs à l’échelle européenne”.

 

Retour à la case départ donc, d’où la volonté affichée des instances belges et néerlandaises de convaincre leurs équivalents européens, et uniformiser les législations sur le sujet.

 

 

PUBG recule, EA persiste

 

Quant aux autres jeux potentiellement visés, seul PUBG semble pour l’instant avoir ajusté le tir. Le 3 mai dernier, PUBG Corp. annonçait sans crier gare la suspension jusqu’à nouvel ordre de tous les échanges personnels. Justification : le détournement du contenu sur des sites tiers de revente, considéré comme un abus du système. Ironie du sort, cette suspension soudaine a entraîné le blocage de nombreux skins sur les comptes du site d’échange OPSkins. Combiné à la mise en demeure de la part de Valve verrouillant les comptes Steam employés par le site, ce sont des pertes estimées à environ un million de dollars, selon un contributeur Reddit.

 

Reste à voir ce que les autres éditeurs décideront. Du côté d’Electronic Arts, la ligne est claire : on estime que les mécanismes présents dans FIFA Ultimate Team ne sont pas des jeux d’argent, ni même d’ailleurs aucune quelconque loot boxes, comme répondait le PDG Andrew Wilson lors d’un appel au investisseurs au début du mois. Et d’ajouter travailler à lutter contre tout marché illégal sur le contenu de FIFA. Cependant, le ton de la conférence de presse d’EA durant le dernier E3 ne semblait pas communiquer dans la même direction, insistant quasi systématiquement sur l’absence de loot boxes dans leurs prochains jeux. Les cartes de joueurs ne sont visiblement pas près de disparaître des pelouses de FIFA.

 

La ligne de défense la plus commune concerne le fait de toujours obtenir un objet à l’ouverture d’une boîte, position affichée notamment par les représentants de PEGI, ou même EA. Le parallèle est d’ailleurs souvent fait avec les jeux de cartes (réelles) à collectionner, comme Magic The Gathering. Là encore, le Kansspelautoriteit explique son point de vue : aucun signe de dépendance observée par l’autorité concernant ces produits, qui existent depuis plus de vingts ans.

 

Les game pass partout

L’autorégulation prônée notamment par l’Entertainment Software Association semble toutefois se mettre en place, le tollé de l’affaire Battlefront II ayant frappé fort. La tendance du moment est l’émergence des “Battle pass”, sorte d’abonnement à un système de progression avec récompenses à la clé. Mouvement principalement initié par Epic Games et la Passe de Combat saisonnière, c’est PUBG qui a suivi le mouvement avec l’Event Pass, tout comme Psyonix et son Rocket pass sur Rocket League. Une évolution qui devrait désamorcer les conflits autour des loot boxes, tout en assurant des revenus substentiels comme le démontre les chiffres mirobolants de Fortnite ou PUBG sur mobile.