TROIS-RIVIÈRES – Rodney Randle fils habite à peine à quatre heures de l’horrible tuerie au Texas, celle qui s’ajoute à la liste. Dans la nuit de mardi à mercredi, au dortoir des Alouettes de Montréal, il s’est réveillé avec le cœur à l’envers. Malgré l’heure, il devait appeler à la maison juste pour vérifier si sa fille et sa femme allaient bien. 

« Cette fusillade me bouleverse, aucun enfant ne mérite un tel sort... On parle de 19 enfants, à deux jours de leurs congés. La nuit après la tragédie, je ne parvenais tout simplement pas à dormir », a confié Randle fils, un Texan de 25 ans. 

Cette semaine, en raison de l’ampleur de ce drame, le demi défensif des Alouettes pouvait bien se sentir loin de sa famille. Les 3000 kilomètres qui le séparent de Laila, sa fille de près de 3 ans, pesaient plus lourd sur son cœur. 

« Elle est à la maison avec ma femme, c’est très difficile d’en parler. C’est survenu à seulement quelques heures de ma résidence et ce sera à son tour, dans les prochaines années, d’aller à l’école primaire », a réfléchi Randle fils avec une frayeur dans le regard. 

« Personne ne devrait s’inquiéter à l’idée d’envoyer son enfant à l’école. C’est supposé être un endroit sécuritaire », a ajouté Randle fils alors que l’école Robb représentait justement, avant ce jour désastreux, un lieu de réconfort dans le quartier défavorisé d’Uvalde.

Khari Jones, l’entraîneur-chef des Alouettes, est un Américain qui est désormais établi à Vancouver. Lui-même papa, il comprend ses joueurs. 

« Oh mon Dieu... voilà la partie difficile de ce travail. On veut penser que tout est à propos du football ou du sport, mais la vie continue autour d’eux et parfois sans eux à leur maison. C’est la même chose pour moi et les autres entraîneurs. Je vais possiblement en parler aux joueurs. Surtout pour leur dire que nous avons des ressources s’ils ressentent le besoin d’en parler. C’est dévastateur d’entendre de telles nouvelles dans les médias », a souligné Jones. 

Puisqu’il est Américain, on ne peut s’empêcher de demander à Randle fils s’il prévoit qu’un changement surviendra. Même si on est tristement sceptique que ça se produise, on ose y croire. 

« Ouf, on me le demandait tantôt et je ne sais plus... Il y a eu l’incident à Sandy Hook (au Connecticut en 2012). C’était aussi dans une école primaire et ce ne fut pas suffisant. Bref, je ne vois pas un changement à l’horizon. Clairement, ils s’en fichent. C’est un cercle vicieux, ces nouvelles font le tour sur les réseaux sociaux, les gens envoient leurs prières et leurs condoléances, mais ça revient à la normale quelques jours plus tard et rien ne change », a réagi Randle fils.  

« Mais je me sens si mal pour toutes ces familles endeuillées. C’est trop tragique, on a besoin d’un changement. Il faut légiférer contre les armes à feu. J’ai vraiment le cœur brisé », a-t-il ajouté. 

D’un côté, ce ne fut pas évident pour lui de se concentrer en vue de la pratique de mercredi. De l’autre, cet entraînement lui a permis de se libérer l’esprit pendant quelques heures. 

« J’ai essayé d’effacer le tout de mon cerveau durant la pratique. Mais je peux te dire que ce fut très difficile de dormir », a noté l’athlète qui a appartenu aux Chargers dans la NFL. 

Quand on s’éloigne de ses proches afin de réaliser son rêve de jouer au niveau professionnel, il faut accepter des sacrifices. Randle fils le sait très bien et il a l’intention de poursuivre son ascension en 2022 avec les Alouettes. 

Arrivé dans le nid en 2021, le sympathique athlète a trouvé un moyen de s’immiscer parmi les partants à la suite de quelques blessures dont celles à Ty Cranston et Marc-Antoine Dequoy au poste de maraudeur. 

« L’an passé, j’ai commencé à contribuer davantage à partir de la mi-saison. J’ai prouvé que je pouvais jouer dans ce circuit et j’en suis reconnaissant. Je suis arrivé en étant au bas de l’organigramme et, cette fois, je me retrouve près du haut. C’est un gros renversement », a ciblé Randle fils avec satisfaction. 

Cependant, les dirigeants des Alouettes ont l’intention d’employer un maraudeur canadien cette saison. Des ressources ont été identifiées si jamais Dequoy subissait une blessure. 

« Je comprends cette réalité. J’aimais bien Ty, il était très intelligent. On a des Canadiens qui peuvent jouer à ce poste, ça se voit », a-t-il indiqué. 

« Cette année, je me vois plus comme demi de coin. Mais, de toute manière, mon rôle est d’accomplir des jeux peu importe la position à laquelle je me retrouve. Je veux avoir le plus d’interceptions que je peux et même des touchés », a conclu Randle fils qui voudra rendre sa fille fière de son papa.