SHERBROOKE – Ce n’est pas tous les jours que ça se produit dans le milieu du sport, mais Jacques Chapdelaine, l’entraîneur-chef des Alouettes de Montréal, n’a pas craint de dire qu’il n’a pas apprécié la façon de procéder de son nouveau directeur général, Kavis Reed, pour libérer le secondeur Bear Woods.

En effet, les Alouettes ont fait exploser une bombe « sportive », lundi matin, en retranchant l’un des meilleurs joueurs défensifs de la LCF. Woods – qui a été nommé le joueur défensif par excellence de l’Est en 2014 et 2016 – a appris à 5 h 30 de la bouche de Reed que son association avec les Oiseaux prenait fin.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que personne n’avait vu ce geste venir et surtout pas dès le deuxième jour du camp d’entraînement. Le DG des Alouettes est donc venu expliquer sa décision aux journalistes pendant le premier entraînement de ses protégés.

« On discutait de cette possibilité depuis quelques mois et on surveillait l’évolution de la situation pour déterminer si on possédait des joueurs pour le remplacer. On croit fermement qu’on mise sur quelques individus qui peuvent offrir de bonnes performances comme secondeur intérieur.

« Considérant la moyenne d’âge de notre club et l’intention de rajeunir un peu notre formation, cette décision a été prise », a évoqué Reed.

Lorsqu’on lui a demandé si le geste était relié à des motifs financiers, il s’est empressé de répondre par la négative.

À ce moment, on croyait donc que Chapdelaine partageait la vision de son collègue. La journée a cependant emprunté une tangente différente quand fut le temps pour celui-ci d’exprimer ses commentaires.

« Dans le monde du sport professionnel, il y a deux genres de décisions qui doivent être prises, il y a celles de football auxquelles je suis rattaché alors que celle-ci est une décision d’affaires. C’est une décision qui tombe dans les mains du groupe que Kavis supervise. C’est une décision qui est très difficile », a raconté Chapdelaine, dont la franchise doit être soulignée.

Avant tout, l’entraîneur aurait voulu que la décision soit prise à un moment différent. Il considère qu’elle aurait été mieux comprise et moins perçue comme un geste relié au côté sportif.

« C’est sûr que, d’après moi, une décision d’affaires devrait arriver avant le camp d’entraînement. Dans le meilleur des mondes, ce serait comme ça. On a parlé de ça avec Kavis, on a eu une bonne discussion très honnête. On est tous les deux en accord, on aurait aimé que cette manœuvre soit faite avant le camp. Malheureusement, les choses n’ont pas été faites comme ça.

« J’ai accepté la décision parce qu’en bout de ligne, les décisions d’affaires reviennent vraiment à Kavis.

« Est-ce que je suis d’accord avec la façon dont on a procédé? J’aimerais qu’on procède d’une autre façon pour la prochaine fois pour le respect et la dignité du joueur », a ajouté Chapdelaine avec calme et assurance à propos de Woods, qui a été embauché en septembre 2011.

L’entraîneur des Alouettes a toutefois pris soin de préciser ceci.

« Cela étant dit, je crois sincèrement que la décision de Kavis est pour le bien de l’équipe et de notre entreprise. »

Les comparaisons avec le monde du hockey sont souvent boiteuses, mais il aurait été intrigant de voir la réaction des partisans et des médias si l’entraîneur du Canadien de Montréal avait réagi de cette manière à une décision de son directeur général.

Chapdelaine s’inquiète plus que Reed

Bien sûr, Reed a eu à défendre le moment choisi pour se départir de ce meneur de premier plan au sein de l’organisation montréalaise. Pourquoi ne pas le faire avant le camp d’entraînement comme l’aurait préféré Chapdelaine ou plutôt vers la fin de celui-ci après avoir épié le potentiel de ses successeurs dont la recrue Anthony Sarao?

« Au football, on veut souvent que les décisions soient prises un an plus tôt qu’un an trop tard. Quand tu crois véritablement que tu as de jeunes éléments à ta disposition qui peuvent assumer un rôle égal, se développer avec une production semblable et devenir un joueur étoile, il faut prendre ces décisions », a essayé de justifier Reed qui a été élogieux envers Sarao.

« Il n’y a pas de bons moments pour procéder à une telle décision. Si on l’avait libéré avant le camp, on m’aurait certainement demandé pourquoi on ne lui a pas donné une chance de se faire valoir durant celui-ci », a rétorqué le DG.

« On voulait évaluer nos ressources en équipement. Au final, pour le côté athlétique, on se sent confiants et au niveau du leadership, on se sent très confiants. On considère qu’on fait une amélioration », a dit Reed qui devra attendre les résultats pour confirmer ou infirmer son hypothèse.

Plus préoccupé par la situation, Chapdelaine a admis qu’un risque se dresse à l’horizon à la position de secondeurs. Après tout, Kyries Hebert et Chip Cox (des secondeurs extérieurs) sont vieillissants et le départ de Woods provoque un trou au centre.

« Ce sont les mêmes préoccupations qui ont été soulevées dans la discussion avec Kavis. C’est sûr qu’on n’a pas ici une personne qui va pouvoir rivaliser avec les autres joueurs en place présentement. Kavis a agi le plus rapidement possible dans le camp et il est responsable pour prendre des décisions pas faciles et qui ne sont pas toujours populaires », a commenté Chapdelaine qui surveillera cet enjeu avec beaucoup d’attention.

Ce n’est pas tout, l’unité défensive des Alouettes a été considérablement remodelée avec les changements sur la ligne défensive et au poste de maraudeur. La sortie de Woods semble encore plus audacieuse dans les circonstances.

« Toutes les décisions sont risquées au football. Tu vas manquer tous les coups que tu n’essaies pas. Tu n’es payé pour prendre des décisions faciles, tu dois prendre les décisions difficiles. Si elles ne fonctionnent pas, tu dois assumer le blâme. Si elles fonctionnent, ce n’est que notre boulot. Je ne vais pas être incapable de dormir en raison de cette décision », a mentionné Reed qui a changé le visage de l’organisation à une vitesse fulgurante.

Une rencontre importante avec les joueurs

Dans toute cette histoire, il ne faut pas oublier que Chapdelaine et Reed entament leur première année complète aux commandes des Oiseaux. Ils doivent inculquer leur philosophie et convaincre les joueurs d’y adhérer. Le fait de se départir d’une pièce maîtresse comme Woods mérite des explications et Chapdelaine l’a fait pendant plusieurs minutes avant de lancer la journée d’entraînement.

« J’ai une philosophie assez simple, je dis aux joueurs que je vais les respecter. Leur bien-être, c’est ma préoccupation première. On veut les placer dans une position de succès parce qu’on veut gagner », a-t-il rappelé.

« Malheureusement, puisque ça survient pendant le camp, ça peut avoir une optique de décision football, mais c’est vraiment une décision d’affaires. On a expliqué ceci aux joueurs, on ne veut pas qu’ils se sentent à l’écart de notre communication, on veut qu’ils comprennent comment ça s’est passé. Même si la mécanique n’a pas été aussi préférable que j’aurais aimé, c’est important qu’on comprenne que c’est pour le bien de l’équipe à longue échéance », a ajouté Chapdelaine.

Aux dires de Reed, il se pourrait bien que d’autres joueurs fassent leur arrivée au camp des Alouettes. Chose certaine, les joueurs doivent s’attendre à tout alors que l’état-major essaie de replacer le club dans la bonne direction.

« Parfois, il y a aura des surprises, c’en est une, mais c’est le temps de passer à la prochaine étape et de bâtir une défense solide », a conclu Reed.

Par ailleurs, notons que Samuel Giguère n'a pas participé au deuxième entraînement de la journée en raison d'une blessure tandis que Jonathon Mincy a quitté celui-ci pour le même motif. Bonne nouvelle pour Brian Simmons qui s'est entraîné lundi à la suite d'un petit pépin physique subi dimanche.

Woods libéré; réactions mitigées chez les Als