MONTRÉAL – Malachi Jones n’avait que 17 ans lorsque lui et ses cinq frères et soeurs ont perdu leur héros. Leur père Andre, qui a joué dans la NFL et la LCF, est décédé subitement à 42 ans. Le train aurait pu dérailler pour cette famille qui a plutôt trouvé le moyen d’exceller sur la scène sportive.

Le mérite revient avant tout à leur mère, Michele, qui a eu la force de maintenir la résilience du clan et de subvenir aux besoins de ses enfants qui étaient âgés de 23, 18, 17, 15, 13 et 8 quand un anévrisme cérébral a provoqué la mort de son mari.

Jusqu’ici, le nom de Malachi (qui se prononce Malakaï) Jones ne vous dit sans doute rien et c’est on ne peut plus normal. Il s’agit d’un receveur mis sous contrat par les Alouettes de Montréal dans le cadre d’un geste qui a été enseveli par l’attention réservée aux acquisitions locales et la mise en place de la nouvelle structure de direction.

Pour certains, Malachi est d’abord le petit frère de T.J. Jones, un receveur qui a appartenu aux Lions de Detroit de 2014 à 2018 et aux Giants de New York en 2019 en plus d’être le grand frère de Jahmai qui gravit les échelons dans l’organisation des Angels de Los Angeles. Il ne faudrait pas oublier ses sœurs Dacia et Jayla qui brillent en équitation et en softball.

Impossible d’éviter les moments difficiles quand un tel drame survient. En fait, bien des rêves sportifs auraient pu s’envoler pour Malachi ainsi que ses frères et sœurs. Il admet que cette conclusion a vogué dans son esprit.

« Oui, je me suis senti ainsi à un moment. Quand il est décédé, j’arrivais à la fin de l’école secondaire et je n’avais aucune offre contrairement à mon frère qui avait toutes les possibilités devant lui. Parfois, je trouvais ça éprouvant de ne pas l’avoir à mes côtés pour m’aider et ça m’est arrivé de penser arrêter. Mais je me rappelais qu’il savait que je ne pouvais pas être plus heureux qu’en jouant au football. J’ai toujours gardé cette pensée en tête, je veux rendre mes parents fiers. On était six enfants à la maison et ils ont travaillé très fort. Ils ont fait bien des sacrifices et ça n’a pas toujours été facile avec nous », a reconnu Jones qui avait perdu son guide vers le monde du sport professionnel.

Malachi Jones« En fait, on a tous voulu lâcher à un certain point, mais notre mère s’est assurée qu’on ne le fasse pas. Ce n’est pas pour rien qu’on fait tout en notre possible pour lui redonner tout ce qu’elle a fait pour nous. On dit souvent que même si on lui donnait le monde sur un plateau d’argent, ce ne serait pas encore assez », a poursuivi Jones en parlant de sa maman adorée.

Le bilan sportif de cette famille a de quoi épater bien des gens. Jones le dit avec modestie, mais la fierté se ressent aussi à l’interne.

« C’est quand même surréaliste. Quand tu grandis, tant de jeunes rêvent de faire du sport professionnellement. Mais de voir que ça arrive pour presque chacun de nous, c’est vraiment merveilleux. Je continue de penser à ça en me disant ‘Wow, je ne pourrais pas être plus heureux’. C’est un feeling génial que mes frères et sœurs puissent avoir du succès dans ce qu’ils aiment », a-t-il décrit.

La NFL comme rêve, mais prêt à s'ancrer à Montréal

Mais cet athlète de 26 ans s’amène encore à Montréal avec de grandes ambitions tout en recherchant la stabilité qui lui échappe des mains depuis le début de sa carrière professionnelle. Son séjour universitaire, avec Appalachian State, l’a mené à un essai infructueux avec les Falcons d’Atlanta.

C’est à ce moment qu’il a tenté sa première aventure dans le circuit canadien avec les Eskimos d’Edmonton et les Blue Bombers de Winnipeg, mais ses services n’ont pas été retenus. Il s’est alors arrêté avec les Grizzlies de High Country (National Arena League), le Havoc de Caroline (American Arena League), les Legends d’Atlanta (Alliance of American Football) et surtout l’Empire d’Albany (Arena Football League).

Ce parcours n’apparaît pas très épatant à première vue, mais son rendement avec Albany (à partir de la 61e seconde) - incluant un championnat en 2019 - l’a mené à de nouveaux essais avec les Bears de Chicago et les Titans du Tennessee notamment.

« Les Alouettes voulaient que je vienne avec le club en août dernier, mais il y avait de l’intérêt NFL envers moi. Je voulais d’abord voir ce qui arriverait avec ça. Quand la porte s’est refermée, j’avais l’option d’aller du côté de la XFL ou de la LCF et j’ai choisi cette option parce que je trouve que ça cadre mieux avec mon style et mon physique », a raconté Jones au RDS.ca.

Sa mission ultime demeure de prouver qu’il peut s’implanter dans une ligue professionnelle de haut niveau et il le sait très bien.

« Une occasion, c’est tout ce que je demande. J’aime trop ce sport pour accepter le contraire. Quand j’obtiens cette chance, je trouve que j’ai été en mesure d’en profiter. Je ne pourrais pas être plus excité de me joindre à Coach Khari (Jones) et ses adjoints. Je n’ai entendu que du positif », a exprimé le volubile athlète.

Le receveur de six pieds trois pouces et 215 livres croit encore qu’il pourrait se débrouiller dans la NFL. Il assure cependant qu’il ne perçoit pas cet arrêt à Montréal uniquement comme ce possible tremplin.

«  En fait, je suis au point de ma carrière que je me suis tellement promené et une chose s’est reproduite d’un endroit à l’autre et c’est l’incertitude. Les équipes ou les ligues où je suis passé ont presque toutes cessé de fonctionner sauf celles dans la NFL. Disons que ça ne procure pas beaucoup de longévité. Désormais, je suis prêt à m’établir à Montréal. Je ne refuserais pas de retourner dans la NFL, mais je me verrais me retirer dans la LCF après cinq, six ou sept bonnes saisons. Mon père (qui était un secondeur) a aimé cette expérience et j’aimerais m’y établir à long terme », a mentionné celui qui entrevoit un mariage de style avec ses aptitudes et le jeu canadien.

Son parrain est Rocket Ismail

Ce n’est pas suffisant pour compenser, mais Jones peut au moins se tourner vers une ressource très précieuse, son parrain, qui a fasciné la LCF en 1991 et 1992 avant d’accéder à la NFL.

« Il a joué avec mon père à l’Université Notre Dame et je le vois un peu comme un deuxième père. Il n’a pas tardé à jouer ce rôle de mentor pour moi. Il est une grande partie de ma carrière athlétique, mais aussi du côté psychologique », a spécifié l’Américain.

Malachi JonesPersonne ne veut s’emballer trop vite présentement, la situation actuelle l’exige, mais les faits saillants de Jones permettent de croire en ses chances de s’imposer dans son nouvel uniforme. Comme il l’a écrit sur les réseaux sociaux, il pratique la « distanciation sociale » depuis longtemps alors qu’il se démarque pour éviter les plaqués.

« Je n’aime pas me faire plaquer comme n’importe qui, a-t-il rigolé. Je pense que je serai en mesure d’aider peu importe ce qu’on me demandera. Je suis capable de transformer une passe de cinq verges en un gain de cinquante ou même soixante. Je me vois également comme un bon joueur d’équipe qui contribuera pour les blocs des autres receveurs et des porteurs de ballon. J’ai toujours été fier que les entraîneurs puissent se fier sur moi », a-t-il indiqué.

Au début mars, Jones a pu s’en donner un premier véritable aperçu quand il s’est joint au petit camp organisé par le quart-arrière Vernon Adams fils avec les porteurs de ballon et les receveurs.

« Vernon a très bien géré le tout, j’ai été accueilli de superbe façon. C’était très enrichissant et la première fois que je voyageais hors des États-Unis. C’était vraiment intéressant de sentir toutes les cultures dans la ville. J’ai tellement entendu de belles choses sur Montréal. J’ai même pu ajouter quelques phrases en français dans mon répertoire », a noté Jones qui avait de petites bases grâce à petite sœur Jayla qui la maîtrise partiellement.

Cette ouverture culturelle ravit Jones. Il provient lui-même d’une famille avec des origines diverses (coréennes, hawaïennes, africaines, américaines et irlandaises). On en vient à penser que son parcours devait le mener à Montréal.