MONTRÉAL – « À minuit, on se réunissait pour créer un cahier de jeux offensifs. On dormait un peu et on retournait sur le terrain pour la journée suivante du camp d’entraînement. »  Bienvenue dans la vie d’André Bolduc qui a dû s’ajuster à six coordonnateurs offensifs et cinq entraîneurs-chefs en cinq ans.

 

À travers tout ce fouillis qui frappe les Alouettes depuis quatre saisons, Bolduc constitue l’exception du côté des entraîneurs. Il a trouvé le moyen de survivre à toutes les purges des dernières années si bien qu’il s’apprête à conclure sa cinquième saison parmi le personnel d’entraîneurs.

 

« Je trouve qu’il est comme une perle cachée de notre organisation », a jugé Luc Brodeur-Jourdain.

 

Allons donc à sa découverte. De l’extérieur, il y a deux choses qui sont particulièrement intrigantes à propos de Bolduc. D’abord, il est parvenu à garder son sourire et son enthousiasme malgré la tempête qui ne quitte pas le paysage des Alouettes.

 

Ensuite, il a eu à assimiler six cahiers de jeux de six coordonnateurs offensifs différents en l’espace de cinq ans. Peut-être qu’une carrière de l’acteur l’attend puisqu’il mémorise toutes ces informations avec une grande facilité.

 

On peut blaguer à ce sujet, mais il s’agit d’une tâche colossale quand on doit ensuite enseigner ces principes à des joueurs comme si on les maîtrisait sur le bout de nos doigts. Le moment le plus exigeant est donc survenu au camp d’entraînement de 2014.

 

André Bolduc« Le coup le plus tough en attaque, c’est quand le coordonnateur offensif Rick Worman a été renvoyé après quelques jours du camp d’entraînement. Ils ont placé Ryan Dinwiddie à ce poste, mais il n’était pas prêt pour ça. On s’est assis le soir dans les résidences à Lennoxville et on a dit ‘Qu’est-ce qu’on fait ?’ Il nous a distribués le travail et on a eu à  travailler la nuit pour créer un cahier de jeux offensif en plus des grosses journées du camp d’entraînement. Ça, ce fut un camp exigeant.

  

« Je pense que les joueurs n’ont même pas eu conscience de ça parce que c’était bien organisé durant le jour, mais c’était tout un défi », a détaillé Bolduc.

 

On ne veut pas lui mettre des mots dans la bouche, mais Bolduc aurait très bien pu se dire « Ah non, pas encore » quand un nouveau coordonnateur offensif était embauché. Chaque fois, il a dû s’astreindre à apprendre la philosophie offensive du dernier arrivé en poste. Que ce soit Worman, Dinwiddie, Anthony Calvillo, Turk Schonert, Jacques Chapdelaine ou Khari Jones.

 

Chaque fois, Bolduc répète la même première étape. Il met la main sur le livre que chaque coordonnateur offensif détient à propos des jeux qu’il a utilisés auparavant et du vocabulaire qu’il privilégie. Après avoir épluché cette petite bible, l’interrogatoire commence.

 

« Ensuite, je vais leur poser des questions parce qu’il y a environ 80% qui est écrit sur papier, mais il y a un 20% qui reste dans leur tête et ils assument que les autres vont le comprendre. Il faut vraiment les questionner pour avoir les réponses appropriées à leur système pour pouvoir les enseigner. Tu dois avoir la maîtrise totale d’un système sinon les joueurs ne feront pas les bonnes choses et le coordonnateur va se fâcher après toi », a raconté Bolduc qui confirme que Chapdelaine remporte la palme pour le système le plus complexe.

 

En l’espace de quatre à cinq jours, Bolduc parvient à « imprimer » ce nouveau cahier de jeux dans son cerveau et il le maîtrise adéquatement en deux semaines.

 

André BolducSouvent, à l’entraînement, on l’aperçoit en train de s’approcher d’un joueur pour le déplacer au bon endroit. La plupart du temps, c’est fait dans la gentillesse. Mais qu’en est-il de lui, est-ce qu’il se confond parfois entre deux jeux ?

 

« Non, c’est très rare que j’ai mêlé des trucs parce qu’il y a toujours une façon de faire distincte. Des entraîneurs codifient leur système avec des noms de ville, d’autres avec des noms d’État, d’autres avec des concepts, d’autres avec des chiffres et d’autres avec les deux. Ici, je peux te le dire, on a eu de tout à travers les années, vraiment de tout », a-t-il lancé en souriant.

 

« Cet hiver, on a beaucoup simplifié les choses. Il y en a certaines vraiment intéressantes que j’appliquerais si j’avais la chance d’avoir mon attaque un jour et il y d’autres idées du passé que je n’appliquerais pas, c’est certain. »

 

Malgré ce travail d’épuration, l’attaque des Alouettes n’a jamais été en mesure d’atteindre l’altitude visée. Bolduc cible surtout la perte du receveur Chris Williams (échangé dans la transaction de Johnny Manziel), les changements incessants sur la ligne offensive et l’utilisation de six quarts-arrières.    

 

« Je vais être bien honnête, la perte de Williams nous a fait très mal. C’était notre marchand de vitesse, il ouvrait des possibilités pour les autres. Quand on a perdu Williams, Khari a dû changer beaucoup de choses. On n’avait pas le choix, on n’avait plus cet outil », a admis Bolduc.

 

Le retour de Sherman, bon ou non?

« C’est dur en crime pour les gars de la ligne offensive, ils ont joué partout. Au dernier match, avant même la fin du premier quart, Kristian Matte a été garde, centre et bloqueur. On a alloué plus de 60 sacs et c’est vraiment triste. Je prends ça personnel parce que mes joueurs, les porteurs de ballon, ont fait beaucoup de choses pour les aider. On n'a quasiment eu aucune production par la passe parce qu’on reste en arrière et on frappe tout ce qui bouge », a ajouté celui qui regrette la perte de Jovan Olafioye, le bloqueur à gauche qui a été libéré au camp d’entraînement parce qu’il a refusé une baisse salariale.

 

Bolduc, qui a œuvré comme receveur dans la LCF de 1996 à 2001 dont de 1998 à 2001 à Montréal, est revenu comme entraîneur avec les Alouettes en 2014. Il a contribué comme adjoint sur les unités spéciales, entraîneur des receveurs, adjoint à l’attaque et maintenant comme entraîneur des porteurs de ballon.

 

« Avant, j’aimais plus le travail avec les receveurs, mais c’est rendu égal. C’était un défi différent, mais j’ai vraiment appris à connaître ça et j’aime vraiment ça parce que je suis maintenant impliqué dans la protection. Quand je suis avec mes porteurs dans notre salle, on va tellement profondément dans l’apprentissage du travail des défenses que ces kids vont tous pouvoir coacher ; c’est ça que j’aime », a exprimé Bolduc.