L’ouverture du marché des joueurs autonomes dans la LCF est un moment crucial dans le circuit.

Évidemment, les formations bâtissent avec le repêchage, les joueurs qui sont attirés du Sud de la frontière, mais il y a aussi beaucoup de mouvement de personnel lors de la période d’autonomie. Il faut savoir que les contrats sont de courte durée et les masses salariales obligent les directeurs généraux à prendre des décisions déchirantes.

Cette combinaison fait en sorte qu’il est parfois difficile de créer un sentiment d’attachement entre un joueur et une organisation pour plusieurs années, comme la nature de la business fait en sorte que les joueurs doivent souvent renégocier leur entente. C’est ainsi que fonctionne la LCF et le plan ici n’est pas de remettre en question le système, mais plutôt d’analyser les plus récentes décisions chez les Alouettes.

C’est certain que l’exercice n’est pas chose aisée, et on ne peut porter un verdict final, comme il nous manque des données pour bien évaluer le portrait d’ensemble. De fait, on ne connaît pas sur le plan financier la valeur des contrats.

Ce que l’on sait à ce sujet, c’est que certaines décisions chez les Alouettes avaient mené à une situation difficile à gérer sur le plan budgétaire. C’est l’un des éléments qui avait notamment influencé le congédiement de Kavis Reed. Certains contrats n’étaient pas bien construits, ce qui faisait en sorte que des bonis étaient versés pour la masse salariale de la présente année sans même que les joueurs aient à disputer un seul match.

Un dernier point à considérer lorsqu’on porte attention aux récentes décisions du directeur général Danny Maciocia, pour la première fois depuis quelques années, les Alouettes ont été forcés de verser un salaire plus considérable à leur quart-arrière.

Alors que le plafond salarial est évalué à 5,3 millions $, un quart partant devrait habituellement toucher entre 400 000 $ et 500 000 $. Si on regarde la dernière année, n’ayant pas de quart établi, donc qui nécessitait un salaire de cette ampleur, l’argent pouvait être dépensé au travers des autres positions. Toutefois, l’émergence de Vernon Adams a changé la situation, ce qui explique des choix déchirants.

Le défi est donc de taille pour le DG des Alouettes qui s’est donné quelques mandats qu’il a déjà remplis. Il a su mettre sous contrat son quart et son receveur no 1 et il voulait aller chercher du talent canadien et québécois, ce qui a été réalisé dans les derniers jours.

Je vais me pencher au cours des prochaines  lignes sur les unités offensives, défensives et spéciales afin de dresser un portrait du mouvement chez les Alouettes.

Un champ-arrière à renflouer

Dans un premier temps, il faut bien évidemment considérer le départ de William Stanback dans le champ-arrière. Il n’y avait aucune surprise ici, alors qu’il avait mentionné vouloir tenter sa chance dans la NFL. Il est d’ailleurs parvenu à parapher une entente avec les Raiders de Vegas.

Autre coup chez les porteurs de ballon, Jeremiah Johnson a annoncé qu’il optait pour la retraite. Il faudra donc remplacer ces deux gros morceaux.

Chez les receveurs, j’ai compris la décision de libérer DeVier Posey, alors qu’il aurait possiblement mis la main sur un boni d’environ 30 000 $. Il faut savoir que le groupe de receveurs des Alouettes regorge déjà de talent.

Avec le retour d’Eugene Lewis, que je commenterai dans quelques instants, la présence de Jake Wieneke, Quan Bray, le retour de B.J. Cunningham, la présence de Posey n’était plus nécessaire, d’autant plus qu’il a raté sa part de matchs la saison dernière et l’organisation a su se débrouiller. Il fallait en laisser partir et au lieu de Lewis, c’est Posey qui a quitté pour les Tiger-Cats de Hamilton.

Pour pallier à la perte de Stanback, les Alouettes ont ajouté James Wilder à leur formation. On parle ici d’un joueur costaud qui a prouvé ses qualités athlétiques avec son physique à la Superman. C’est une excellente acquisition à mon avis.

Je sais qu’il a été ralenti au cours des deux dernières années, mais je crois que le système désuet des Argonauts de Toronto et le fait que cette équipe n’allait sensiblement nulle part expliquent cette baisse de productivité. Stanback demeure un meilleur demi-offensif, mais Wilder est un excellent plan B.

Sans avoir pigé chez d’autres formations pour renflouer les pertes en attaque, d’importants dossiers ont été réglés, dont comme je le mentionnais la mise sous contrat de Lewis au poste de receveur.

Il est à l’origine de l’électrochoc des Alouettes la saison dernière grâce à sa chimie avec Vernon Adams. Il fallait conserver ce duo intact pour la prochaine campagne. Félix Faubert-Lussier a aussi signé un contrat avec l’équipe et sa polyvalence pourra être un atout pour son entraîneur-chef Khari Jones.

Le talent canadien sur la ligne à l’attaque a été maintenu avec les retours de Kristian Matte, Landon Rice et Sean Jamieson. J’ajoute Spencer Moore au lot qui représente une valeur sûre comme centre-arrière tout en pouvant contribuer sur les unités spéciales. Il est très costaud et même s’il est passé sous silence, il va très certainement aider l’attaque.

D'anciens Carabins dans le nid

La défense n’a pas été épargnée au chapitre des départs, alors que Patrick Levels a quitté, même si je souhaitais le voir rester avec l’équipe. Avec Henoc Muamba, il représentait l’autre pierre angulaire de cette unité défensive. Il a su réaliser 86 plaqués la saison dernière et il était aussi capable d’appliquer de la pression sur le quart comme en témoignent ses cinq sacs.

Je penche pour des raisons salariales afin d’expliquer le départ de Levels et j’ai la même hypothèse pour le demi de coin Tommie Campbell. Même si on entendait qu’il avait un certain problème d’attitude dans le vestiaire, son départ risque de se faire ressentir sur le terrain.

Les entraîneurs pouvaient le jumeler sans souci contre les meilleurs receveurs adverses et il était capable de le garder au silence au cours d’un match.

Les Alouettes ont aussi vu Chris Ackie prendre la direction de Toronto pour rejoindre les Argonauts. De leur côté, les plaqueurs défensifs Ryan Brown et Fabion Foote ont aussi quitté le nid, tout comme Bo Lokombo qui a été transigé aux Argos pour un choix au repêchage. On parle tout de même de cinq départs chez les partants.

Dans le cas de Lokombo, il commandait un important salaire, et Taylor Loffler a été préféré à lui. C’était pratiquement impossible de conserver ces deux joueurs au poste de maraudeur. Il reste à voir si Loffler saura se remettre de sa blessure à 100 %. La profondeur n’est plus ce qu’elle était à ce poste avec le départ de Lokombo.

Dans le cas de Brown, ce dernier n’était pas des plus imposants et c’est une position qui laissait place à amélioration. Pour ce qui est de Foote, c’est dommage, car c’était un jeune qui a su démontrer de belles choses l’an dernier.

Ces départs ont ouvert la porte à une vague d’arrivées et on peut dire qu’on voit l’empreinte de Maciocia avec les nombreux anciens Carabins qui arrivent dans le nid.

À ce titre, Junior Luke vient remplacer sans contredit Foote. Si deux joueurs peuvent se comparer, je n’hésiterais pas à opter pour celui qui a été développé au Québec, mais on parle à talent égal.

Le vétéran de la Ligue canadienne et ancien de l’Université de Montréal David Ménard rejoint les rangs pour la ligne défensive. Cet ailier défensif est très efficace sur un terrain donc c’est intéressant comme ajout.

Les rumeurs vont bon train avec le possible ajout d’Adrian Tracy. Il n’y a rien de confirmé encore, mais ce serait toute une prise pour les Alouettes. Maciocia n’avait pas caché qu’il fallait améliorer la ligne défensive et Tracy a très bien fait à cette position avec les Tiger-Cats.

Il pourrait renforcer une position qui a encore misé sur le vétéran John Bowman. Avec la présence d’Antonio Simmons, le groupe commence à prendre forme, mais il faudrait encore des ajouts.

La tertiaire a aussi été solidifiée avec le retour de Ciante Evans qui a montré qu’il pouvait évoluer à plusieurs positions au sein de la couverture de passes. Un ancien des Alouettes est également de retour avec Tyquwan Glass afin d’ajouter une belle profondeur.

L’organisation a aussi annoncé la mise sous contrat de Monshadrik « Money » Hunter. Cet ancien des Eskimos d’Edmonton viendra prêter main-forte à cette brigade.

Dossier réglé avec Alford

En ce qui concerne les unités spéciales, je salue le retour de Mario Alford qui a de loin été le meilleur retourneur des Alouettes. Shakeir Ryan été libéré ce qui n’était pas une surprise dans les circonstances.

J’ai hâte de voir ce qu’apportera l’arrivée du botteur Félix Ménard-Brière. Les Alouettes misaient déjà sur un botteur mexicain pour le programme international, sur Boris Bede, et maintenant sur un botteur canadien.

Il faut dire que Bede a terminé la saison en force et lorsqu’il y a eu une lutte, il a su tirer son épingle du jeu. Il faudrait vraiment que Ménard-Brière connaisse un excellent camp d’entraînement pour venir brouiller les cartes.

Je mets aussi de l’avant l’ajout de Mike Benson comme spécialiste des longues remises, car il succéderait possiblement à Martin Bédard. Ce dernier a passé les 11 saisons de sa carrière avec les Alouettes. C’était un vrai qui n’aurait pas hésité à traverser un mur pour cette équipe et ses coéquipiers.

Ce n’est pas pour rien qu’il a remporté le trophée Jake Gaudaur pour sa persévérance, sa force, son courage et sa contribution dans la communauté. Ça semble être la fin de sa route et on parle de le remplacer par un joueur de seulement trois ans plus jeune. Encore une fois, je ne sais pas quel était le salaire impliqué, mais on parle tout de même d’un joueur qui a rendu de fiers services et qui avait un impact dans la communauté. J’ai hâte d’obtenir des explications pour cette décision.

Finalement, deux autres Québécois se retrouveront sur les unités spéciales avec Alexandre Gagné et Frédéric Chagnon. Des joueurs comme eux, tu n’en as jamais assez en vertu de l’importance de cette unité dans la Ligue canadienne en raison du football à trois essais.

Je le mentionnais au départ, c’est difficile d’émettre un bilan final alors qu’il manque des données. À première vue, je crois que Maciocia a fait du bon travail alors qu’il a solidifié des positions clés tout en renflouant le talent canadien.

C’est maintenant le temps de se préparer pour le repêchage et ensuite sur la recherche de jeunes talents aux États-Unis qui ne coûteront pas trop cher et qui sauront avoir un impact dans la formation.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant