Je vous propose aujourd’hui une liste de cinq éléments sur lesquels je porterai une attention particulière en ce début de saison 2019 des Alouettes de Montréal.

1- À quand l'annonce des nouveaux propriétaires?

Le dossier le plus épineux et le plus crucial n’a rien à voir avec ce qui se passera sur le terrain. Je parle bien sûr ici de la situation des futurs propriétaires. Tout le monde est quelque peu pris en otage dans la situation actuelle, et c’est le cas depuis quelques mois déjà. Au début du mois de février, on apprenait que des groupes étaient en discussions avec la Ligue canadienne de football pour faire l’acquisition des Alouettes. La famille Wetenhall tente de travailler avec la ligue et les différentes parties intéressées.

L’annonce récente de la vente de l’équipe de la LCF était-elle positive? Était-ce plutôt une étape vers l’arrivée de nouveaux propriétaires ou était-ce simplement rendu nécessaire en raison des problèmes financiers de l’équipe? Car on sait que depuis quelques mois, les propriétaires des autres clubs du circuit aident à financer les activités des Alouettes.

À ce stade-ci, pratiquement chaque semaine, de nouveaux noms surgissent comme des acheteurs potentiels. Mais rien ne semble se concrétiser, et ça montre qu’on est peut-être plus loin d’un dénouement qu’on le pense. Et tant et aussi longtemps que ce dossier ne sera pas réglé, bien des choses resteront en suspens dans l’organisation. On ne prendra pas de décisions importantes quant à l’administration de l’équipe et aux opérations football (je parle ici du statut de Kavis Reed), ni quant à la construction éventuelle d’un complexe d’entraînement.

On dit que les choses suivent leur cours normal dans l’entourage de l’équipe, et je les comprends. Mais ce n’est vraiment pas une situation facile à vivre. On a hâte que ce soit une histoire du passé pour passer à une nouvelle ère chez les Als.

2- Khari Jones aux commandes

Très peu de décisions d’envergure ont été prises depuis longtemps chez les Alouettes, mais l’équipe a quand même décidé de limoger l’entraîneur-chef Mike Sherman et de le remplacer par un instructeur déjà en poste en Khari Jones. Ce dernier assurera l’intérim.

On avait amené Sherman dans le giron de l’équipe parce qu’il était censé relancer l’attaque. On parlait de lui comme d’un gourou offensif. Ça ne s’est pas concrétisé, loin de là. Jones, qui était coordonnateur offensif, devra tenter de faire fonctionner l’offensive, tout en chapeautant le reste des unités, et en s'occupant d’un paquet de dossiers administratifs spécifiques au travail d’un entraîneur-chef dans un club professionnel. C’est une charge de travail très imposante.

D’une part, on peut espérer que Jones appréciera d’avoir les coudées franches en sélectionnant les jeux qu’il veut avec son attaque. Ou bien on peut présumer un scénario dans lequel la charge de travail qui l’attend deviendra trop lourde, et dans lequel il aura de la difficulté à opérer efficacement chacune des facettes qu’on lui confie. Ça reste à voir, et ça sera à surveiller en début de saison.

J’espère qu’on apportera de l’aide à Jones, car non seulement Sherman a-t-il quitté, mais le responsable des receveurs de passes André Barboza. Mentionnons que la ligue a imposé cette année un plafond salarial pour les membres du personnel d’entraîneurs. On a imposé un nombre maximal d’instructeurs par équipe, qui est de 11. La fin de semaine dernière, les Alouettes en ont perdu deux, sans annoncer de nouveaux ajouts pour l’instant...

3- L'éternelle quête d'un quart de concession

Après toutes ces années, les Alouettes sont toujours à la recherche de leur quart-arrière de concession. Le point positif, c’est que l’équipe a une certaine continuité, avec les retours en 2019 d’Antonio Pipkin, Vernon Adams Jr et Matthew Shiltz. Ajoutons à cela l’arrivée d’Hugo Richard, le quart canadien du groupe.

C’était une deuxième année pour Pipkin. On a récemment annoncé qu’il allait amorcer la campagne en tant que quart no 1. Et ce qu’on comprend, c’est qu’on le voit comme un choix prudent : il protège mieux le ballon qu’Adams et possède un profil ressemblant plus au prototype d’un quart partant dans la LCF. Il a les outils pour réussir, c’est-à-dire qu’il est doté d’un bon bras et qu’il a de bons attributs en termes d’athlétisme et de mobilité. D’ailleurs, il s’est présenté au camp en ayant perdu du poids. Pipkin est un bon leader que ses coéquipiers apprécient, mais malheureusement, ça ne s’est pas traduit jusqu’à maintenant en un bon ratio touché-interception. Ça n’a pas donné les résultats escomptés jusqu’à présent, mais on lui tend une autre chance.

S’il bousille cette nouvelle opportunité, les trois autres noms mentionnés attendront de pouvoir se faire valoir. Mais espérons pour le bien de l’équipe qu’on ne verra pas se dessiner un autre carrousel des quarts. Avec un jeu au sol qui devrait être potable et une unité défensive respectable, ça aiderait les Oiseaux à offrir un bon spectacle.

4- Deux points d'interrogation en défense

Je viens d’en glisser un mot : la défense des Alouettes devrait être solide en 2019. Logiquement, ça devrait être une fois de plus le pilier de l’équipe.On a mis sous contrat le maraudeur canadien Taylor Loffler. Dans quelques jours, on devrait assister aux débuts de Ciante Evans avec l’équipe. Il y aussi eu l’acquisition de Patrick Levels, des Stampeders de Calgary, et celle de Boseko Lokombo, en plus des retours sur la ligne défensive de Woody Baron et de Ryan Brown.

Cela dit, il y a deux points d’interrogation majeurs à mon sens dans l’unité défensive. Dans un premier temps, la position d’ailier défensif est très fragile. Antonio Simmons est une recrue qui obtiendra du temps de jeu digne d’un partant, tandis que le vétéran John Bowman – malgré toutes ses qualités – n’est plus, à 37 ans, aussi explosif qu’il l’était. Derrière eux, il n’y a pas grand-chose, et c’est comme ça depuis quelques saisons déjà. Il faudra souhaiter que Simmons progresse vite dans la LCF.

Dans un deuxième temps, j’ai bien hâte de voir comment s’en sortira le coordonnateur défensif Bob Slowik. Cet Américain est un ami de Mike Sherman. Il n’a pas dirigé dans une équipe de football professionnel depuis 2013. Il s’amène sans la moindre expérience dans le football canadien, et ça, c’est inquiétant étant donné les nombreuses différences par rapport à ce qu’on voit au Sud de la frontière. Les règlements, les dimensions du terrain, les motions permises aux receveurs à la ligne de mêlée sont tous différents. Il y a beaucoup d’ajustements à faire pour Slowik, et généralement, c’est rare qu’on voit un coordonnateur arriver dans de telles conditions et connaître du succès immédiatement. Il va faire face à d’excellents coordonnateurs offensifs et d’excellents quarts-arrières dès le début de la saison, donc il sera lancé dans le bain très rapidement.

Après avoir exprimé mes doutes, je dois quand même dire que j’ai apprécié ma rencontre avec lui durant le camp d’entraînement. Slowik m’a l’air d’un instructeur humble et prêt à apprendre. Il est hyper content d’être à Montréal et ne donne pas l’impression d’être au-dessus de ses affaires. Je crois qu’il est enthousiaste, dans la soixantaine, de s’attaquer à ce nouveau défi dans un nouveau pays, une nouvelle ville et une nouvelle ligue.

5- Dernier tour de piste pour deux vétérans?

Finalement, il est permis de se demander si la saison 2019 représente un dernier tour de piste pour plusieurs des membres de l’équipe.

D’abord, parlons de Chip Cox, un nom qui a été très peu mentionné durant les derniers mois. Au moment d’écrire ces lignes, Cox est toujours joueur autonome. Il affirme à qui veut l’entendre qu’il veut et peut encore jouer, mais l’équipe n’a pas cru bon de lui offrir une nouvelle entente. On parle quand même du meneur pour le nombre de plaqués dans l’histoire de la concession.

Les deux autres noms qui me viennent en tête sont John Bowman et Luc Brodeur-Jourdain. Est-ce leur dernière année? Ce sont deux gars qui ont vécu les années de la gloire, dont la dynastie Trestman, et qui sont restés à bord contre vents et marrées depuis que la chute drastique des Alouettes s’est entamée. Bowman et Brodeur-Jourdain connaissent la formule gagnante et ont le logo des Als tatoué sur le cœur. À chaque jour de la saison, ils se présentent devant les médias et le public – même dans les moments de turbulence – pour défendre et représenter fièrement leur équipe.

Bowman a avoué que 2019 était fort probablement sa dernière saison, tandis que Brodeur-Jourdain a été relégué à un rôle de substitut. Ce dernier est néanmoins capable d’offrir de valeureux services comme réserviste et comme mentor. Je souhaite à ces deux joueurs de pouvoir vivre une dernière fois l’expérience des matchs éliminatoires à Montréal.

* propos recueillis par Maxime Desroches