Bien sûr, les victoires morales n’existent pas dans un classement, mais ce serait malhonnête de dire que les Alouettes ne sont pas plus compétitifs depuis quelques matchs. C’est vrai qu’ils ne sont pas plus avancés au niveau du classement et que leur série de défaites s’est prolongée à six matchs, mais c’est clair qu’ils ont mieux joué dernièrement.

On l’admet d’emblée, on attend tous des victoires, mais un petit déclic s’est produit et l’entrée en scène de Jonathan Crompton permet de se demander si les Alouettes n’ont pas trouvé leur quart-arrière pour les prochaines rencontres.

Avec le portrait de la division Est, les Alouettes ne peuvent pas abandonner surtout que les joueurs peuvent remarquer une progression. Si tu peux obtenir de la stabilité et de la production à la position de quart-arrière, tout est possible pour remonter la pente car il reste 7 parties (sur 10) contre des formations de la section Est dont les deux prochains et ils seront disputés à domicile par-dessus le marché.

Bien sûr, nous avons tous hâte de voir la performance lors de ces deux parties qui seront déterminantes en raison de cette domination de l’Ouest qui se poursuit sur toutes les équipes de l’Est - je vous rappellerai que les Argonauts aussi ont encaissé un revers de 41-27 face aux Eskimos à Edmonton.

Quand tu considères que toutes les équipes de l’Est en arrachent contre la section rivale et que je vois les Alouettes demeurer dans le coup jusqu’à la fin dans deux matchs à l’étranger face aux Roughriders et aux Blue Bombers, je considère que l’organisation doit s’accrocher à cet espoir.

C’est définitivement la vraie saison qui s’entame pour les Alouettes avec tous les duels contre les adversaires de l’Est. Tu ne peux absolument pas échapper ces affrontements qui feront foi de tout en vue des éliminatoires.

Personne ne peut nier que l’Ouest domine l’Est, mais au sein de la section Est, je veux voir les Alouettes dominer leurs opposants de section et voilà la mission pour la troupe de Tom Higgins.

Pour ceux qui demeurent sceptiques quant à la progression des Alouettes, j’ai observé le rendement durant les 10 derniers quarts et les Alouettes ont perdu par un total combiné de 43 à 42. Ce résultat survient contre des équipes (Edmonton, Saskatchewan et Winnipeg) ayant une fiche globale de 18-6.

Le contraste frappe avec les 10 quarts précédents (contre Vancouver, Toronto et Edmonton) alors que les Alouettes avaient été lessivés 102 à 18. Il faut donc conclure à une amélioration sur papier comme celle perceptible sur le terrain. Évidemment, ce n’est guère parfait et les Alouettes trouvent des façons de perdre dans les derniers matchs, mais plusieurs raisons de s’accrocher existent.

Jonathan CromptonUn répertoire plus vaste pour Crompton et misons davantage sur Sutton

Revenons plus en détails sur la performance de Crompton. D’abord, je comprends la réaction d’Alex Brink qui n’a pas apprécié céder sa place après seulement un quart, mais il ne faut pas être surpris que les Alouettes aient confié le ballon à Crompton.

À ce moment, la production offensive était vraiment ordinaire même si Brink n’avait pas été très bien servi par la sélection des jeux à mon avis. Les entraîneurs ont décidé de procéder au changement et ça faisait plusieurs semaines qu’ils nous parlaient en bien de cet ancien choix au repêchage des Chargers de San Diego.

Les entraîneurs avaient hâte de le voir et ils voulaient trouver une manière de l’envoyer dans la mêlée. Ils ont donc permis à Crompton de prendre le contrôle de l’attaque puisqu’ils se demandaient si ce n’est pas lui qui possède les meilleures chances de s’établir comme quart pour la fin de la saison.

Dans l’ensemble, Crompton a démontré plusieurs choses intéressantes. Le scénario diffère lorsque tu fais ton entrée pendant la partie puisque tu as le luxe d’avoir observé le plan de match défensif de l’adversaire à partir des lignes de côté. Tu as profité de certains ajustements et tu as pu identifier les nouveautés présentées par l’opposant. J’ai trouvé qu’il dégainait rapidement et qu’il lançait avec une belle vélocité dans les zones intermédiaires et même dans les zones profondes comme sur la passe à Brandon London après une feinte. C’est un atout que nous n’avions pas vu chez Brink. De plus, on l’a envoyé en mouvement en faisant déplacer la pochette ce qui était agréable à regarder.

De l’autre côté, il a manqué de doigté sur des petites passes alors qu’il était probablement affecté par son grand désir d’exceller à sa première chance avec les Alouettes. On ne peut pas oublier qu’il a parfois lancé derrière ses receveurs comme si sa mécanique ne suivait pas ses yeux qui avaient remarqué l’endroit où lancer. En langage imagé de football, on dit que ses pieds n’ont pas suivi ses yeux pour expliquer de telles erreurs.

Alouettes 16 - Blue Bombers 24

D’ailleurs, sur ses trois interceptions, deux passes étaient derrière les receveurs. À la décharge de Crompton, S.J. Green et Duron Carter auraient pu capter ces deux ballons tandis que le dernier était trop difficile à saisir. Tous les receveurs peuvent capter des passes précises, mais ceux qui veulent se démarquer doivent compléter les plus exigeantes. Je pense à Ben Cahoon qui a souvent réussi des tours de force dans ce sens. On pourrait même accoler sa photo au vieux dicton selon lequel tu dois capter le ballon quand tu lui touches.

Marc Trestman parlait souvent des receveurs qui doivent réussir des attrapés contestés. Je ne dis pas que c’est facile pour les receveurs, mais les Alouettes ont besoin que certains joueurs accomplissent des jeux clés.

Ce qui ressort aussi à propos de l’attaque, c’est qu’elle a manqué cruellement d’opportunisme. Par exemple, elle n’a inscrit aucun touché au deuxième quart malgré trois visites dans la zone payante. Ils ont dû se contenter d’un placement et Sean Whyte a frappé le poteau sur une autre tentative. Winnipeg se faisait complètement menotter en attaque à ce moment et les Alouettes auraient pu couler l’adversaire avec une meilleure production avant la mi-temps. Les Bombers venaient de perdre deux matchs et ils évoluaient devant leurs partisans si bien que les huées auraient pu se faire entendre et la pression serait retombée sur leurs épaules.

C’est donc dire que les Alouettes n’ont marqué qu’un touché, celui de Tanner Marsh, en cinq apparitions dans la zone payante. Il faut démontrer de la finition et ne pas oublier ce qui permet de s’approcher de la zone des buts adverse. Il me semble qu’on devrait continuer d’exploiter ce qui fonctionne en utilisant davantage les joueurs qui sont en grande forme.

Dans la dernière séquence de la première demie, c’était intéressant de voir Crompton amorcer une séquence à sa ligne de 20 verges et traverser le terrain en huit jeux pour obtenir un placement à la toute fin. On a joué avec le feu car je me souviens avoir vu Crompton poser les mains sur son casque semblant dire qu’il n’entendait pas les signaux via le système de communication. Il a probablement fait cette poussée avec le bon vieux système de signaux venant des entraîneurs et il a été bon si c’est le cas.

Étrangement, les entraîneurs n’ont pas utilisé de temps d’arrêt pour sauver des secondes dans cette poussée pour profiter d’un ou deux jeux supplémentaires dont afin d’attaquer la zone des buts. C’était encourageant de le voir agir de belle façon dans un moment stressant d’une rencontre.

Poursuivons sur l’attaque et un point qui m’a particulièrement fait suer en première demie. On pouvait remarquer qu’un receveur de passes et un quart-arrière étaient les deux meilleurs porteurs de ballon de l’équipe. Oui, Carter a accompli un beau jeu renversé de 28 verges et Crompton avait cumulé 17 verges, mais on tombait ensuite à Brandon Whitaker avec 8 verges et Tanner Marsh avec 3 verges tandis que Tyrell Sutton (photo) n’avait pas hérité d’une seule course... Tyrell Sutton

Ça me laisse perplexe car je croyais que c’était un match bâti sur mesure pour Sutton et je suis déçu qu’il n’ait pas reçu le ballon plus souvent. Bien sûr, Winnipeg a travaillé fort à l’entraînement cette semaine pour corriger ses lacunes contre la course. Les joueurs avaient alloué plus de 350 verges par la course et ils ont dû se faire engueuler pendant plusieurs jours pour retrouver leurs moyens.

Au final, les Alouettes ont amassé 91 verges par la course, mais 60 verges proviennent des receveurs ou des quarts. Whitaker a terminé avec 25 verges sur 13 portées pour une maigre moyenne inférieure à 2 verges. J’ai de la misère à comprendre pourquoi Sutton n’a pas pu se faire valoir davantage.

Parlant de Sutton, on a vu sa petite passe captée pour filer sur 71 verges sur les lignes de côté. Ensuite, il a réussi une course en puissance au cœur de la défense sur un deuxième essai pour gagner le premier jeu. Il a enchaîné avec un jeu de l’option vers l’avant pour un autre premier essai et il est revenu plus tard, s’étant fait mal sur la séquence.

De mon point de vue, il a été productif sur chaque jeu et je ne l’aime pas uniquement pour sa production. Il dégage un petit quelque chose de spécial dans sa façon de jouer. On sent sa combativité et sa hargne ce qui provoque un effet d’entraînement sur le reste de la troupe. Le meilleur exemple est survenu sur sa longue course sur les lignes de côté quand il a sorti son bras gauche pour repousser un adversaire, c’était de toute beauté. Il ajoute une dimension différente et on savait que les Bombers avaient éprouvé des ennuis face à des porteurs physiques alors je croyais qu’il représentait l’arme idéale.

J’en profite pour faire une parenthèse sur Brandon London qui a déployé tout un effort pour empêcher Troy Stoudermire d’inscrire un touché sur un retour de botté de 64 verges. Ça peut sembler anodin pour certains, mais il faut remettre cela en perspective.

C’est éloquent que le message de l’entraîneur Mike O’Shea a été entendu à la demie car ses joueurs ont bloqué un botté de Whyte sur la première séquence du troisième quart pour ajouter sept points au tableau et ils ont ensuite ramené le ballon sur 64 verges sur le botté suivant des Alouettes. Si London n’avait pas stoppé Stoudermire, les Bombers auraient mené 15-6 au lieu de 8-6 car leur botteur a raté son placement par la suite. Une avance de 15-6 aurait pratiquement été insurmontable pour les Alouettes qui en arrachent offensivement. Je dis donc bravo à London qui a donné la chance à sa défense de protéger sa zone des buts. Ça prend de tels efforts de toute l’équipe.

Kyries Hebert

Rien à reprocher à la défense

En ce qui concerne le rendement défensif, l’unité de Noel Thorpe a joué un fort match en concédant 283 verges provoquant trois revirements. Dans les 10 derniers quarts, la défense montréalaise n’a alloué que deux touchés alors il faut souligner son travail car elle joue assez bien pour donner une chance à l’équipe de l’emporter.

Cependant, ça revient à l’occasion que l’adversaire connaît ses meilleurs moments en fin de partie. Les Bombers ont notamment enfilé un touché sur une course de 26 verges de Nic Grigsby. Ce dernier avait été limité à 10 verges par la course en première demie, mais il s’est repris avec 63 par la suite dont la majorité au quatrième quart.

On a pu remarquer le risque associé au système défensif des Alouettes qui mise sur plusieurs joueurs à la ligne d’engagement dont sur le touché de Grigsby. Dans le fond, ça devient un système à un niveau de protection et ça ne prend que la chute d’un joueur ou un bloc efficace pour créer une énorme brèche. La poursuite devient plus complexe par la suite et ça permet de réussir des jeux d’impact.

Chaque système défensif implique que les 12 joueurs doivent travailler ensemble pour accomplir leur boulot. Cependant, on dirait que cette philosophie comporte encore plus de risques. Tu peux gagner gros en misant de façon audacieuse, mais tu peux aussi payer cher le prix d’un jeu raté.

Arrêter de se tirer dans le pied et conserver la foi

Au moins, tu ne peux pas douter de l’effort des joueurs qui ont continué de se battre. Sans l’ombre d’un doute, ça peut être décourageant d’accumuler les défaites, mais il ne faut pas jeter l’éponge parce que l’équipe demeure dans le coup jusque dans les dernières minutes. Il faut apprendre à conclure en beauté et surtout arrêter de se tirer dans le pied.

Je pense notamment au ratio des revirements dans lequel les Alouettes ont fini à -4 contre Saskatchewan et -2 contre Winnipeg. Les Alouettes ne sont pas assez bons pour se permettre cela et il faut ajouter le cafouillage sur les unités spéciales. Ils ont raté un botté de précision de 23 verges, ils ont obtenu un placement de 15 verges, un dégagement a été bloqué pour mener à un touché sans oublier le long retour de botté... Disons que ça commence à être beaucoup trop.

Je souligne un aspect concernant le système à un botteur. Quand celui-ci rate un jeu, il est seul au bout du banc pour jaser ou être réconforté. Dans une formation à deux botteurs, l’autre peut agir comme un grand frère et remonter le moral quand c’est nécessaire. Quand ton botteur connaît une mauvaise journée au bureau, ça affecte plusieurs facettes d’un match.

Normalement, un botté de 23 verges devrait se retrouver entre les deux poteaux, mais on a constaté que le teneur (Dave Stala) n’a pas fait tourner les lacets si bien que le ballon a quelque peu quitté comme une balle papillon.

Quant au botté bloqué, les protecteurs de Whyte ont trop bougé d’un côté avant de s’avancer de façon exagérée ce qui a permis au joueur des Bombers de couper le coin facilement. Pour le long retour, on a remarqué une « autoroute » au centre du terrain. Ce sont des gros jeux qui affectent le moral d’une équipe tout en gonflant celui de l’adversaire.

Malgré tout, ce n’est pas le temps pour les Alouettes de s’apitoyer sur leur sort. Ils ont des matchs pour se reprendre et, comme toujours, j’ai hâte d’observer l’attitude des joueurs pendant la suite des choses. Certaines décisions des entraîneurs ont été remises en question dernièrement et il ne faudrait pas que les joueurs commencent à douter de leur travail. Le succès repose sur le caractère des joueurs qui peuvent s’encourager par la progression récente.

*Propos recueillis par Éric Leblanc.

Malgré tout, une sixième défaite de suite
Rien ne va plus