Au point où les Alouettes sont en ce moment, avec une seule victoire en 19 rencontres si on remonte à l'an passé, il est vrai qu’avec le match de samedi contre le Rouge et Noir d’Ottawa, on est en droit de parler d’une victoire morale.

J’ai vu une équipe travailler et se battre jusqu’à la fin avec les éléments en place. Si dans le discours d’avant-match, Mike Sherman a fait allusion au mot « fierté », les joueurs l’ont compris et ont suivi ses directives, car ils en ont eu sur le terrain malgré la défaite de 24 à 17.  

Il faut au moins leur donner et le souligner, c’est la deuxième fois cette saison qu’après une sévère défaite à domicile, les Alouettes parviennent à rebondir avec une bonne prestation à l’étranger. On se souviendra de la dégeler de 56 à 10 contre Winnipeg lors du premier match à domicile de la campagne. Ils ont enchaîné avec une victoire du côté de la Saskatchewan. La semaine dernière, les Montréalais ont encaissé un dur revers de 50 à 11 devant les Tiger-Cats de Hamilton et oui, ils perdent ensuite 24-17, mais le touché victorieux est survenu avec 15 secondes à faire au match.

Je ne peux m’empêcher de dire que malgré une saison difficile au niveau des résultats, les joueurs n’abandonnent pas et se battent jusqu’à la fin. Cette fois en plus, Mike Sherman a dû composer avec l’absence de quelques vétérans supplémentaires ennuyés par des blessures.

Avec une fiche de 1-6 en arrivant à Ottawa, après un cuisant revers à la maison et une liste des blessés qui s’allongent, l’équipe aurait eu les moyens de se trouver des excuses, mais ça n’a pas été le cas.

Tout n'est pas qu'une histoire de revirements

Malgré ces points, il faut demeurer réaliste. C’est vrai qu’on a vu des signes encourageants lors du match contre le Rouge et Noir, mais on ne doit pas se mettre la tête dans le sable. Il faut être honnête et faire face à la réalité, il y a encore plusieurs points à améliorer.

L'équipe était bel et bien dans le coup jusqu’à la fin, l’attaque a montré de belles choses par moments et la défense a généré cinq revirements, mais il ne faut pas se voiler la face.

Encore une fois, l’unité défensive a été généreuse en ce qui concerne les verges accordées, alors que l’attaque du Rouge et Noir en a amassé un total de 587. Elle a été en possession du ballon durant 36 minutes, a réalisé 80 jeux et a eu 34 premiers essais, tout en convertissant 65 % de ses deuxièmes essais. On ne peut pas dire que tout était beau de ce côté et il faut être réaliste.

Il est vrai que la défense a provoqué cinq revirements et je lui lève mon chapeau. Si dans les dernières semaines, je disais notamment que la défense devait trouver des moyens de redonner le ballon à l’attaque, elle y est parvenue samedi. Je ne lui enlève aucunement ce qu'elle a accompli, mais il faut être prudent. On cherche toujours dans un match à générer le plus de revirements possible, mais s’il y a bien un élément au football qui n’est pas garanti, c’est celui-là. Il faut alors se demander : que serait-il arrivé s’il n’y avait pas eu cinq revirements?

C’est vrai que les joueurs en défense en ont réussi cinq et c’est ce qui a fait en sorte que l’équipe était dans le coup jusqu’à la fin. C’est justement pourquoi il faut être conscient que sans ces revirements, le match aurait sans doute été tout autrement, alors que le Rouge et Noir n’a inscrit que 24 points malgré près de 600 verges d’attaque.

Je me permettrai une analogie avec le hockey. C’est évident qu’une équipe espère obtenir le plus d’avantages numériques dans un match, car plus elle a d’occasions avec un homme en plus, meilleures sont ses chances de marquer des buts. Par contre, à un certain moment, elle devra être bonne à cinq contre cinq, car rien ne lui garantit qu’elle aura droit à plusieurs avantages numériques au cours d’un même match. Ce facteur varie d’un match à l’autre et c’est pourquoi les plans de matchs ne peuvent être établis en fonction du nombre d’avantages numériques qui seront obtenus.

C’est la même chose dans ce sens avec les revirements au football. Les entraîneurs ne peuvent se préparer en se disant que la défense parviendra à réaliser trois revirements dans un match. Ils en veulent, mais ils doivent s’assurer que l’unité pourra connaître du succès même si aucun revirement n’est créé. C’est pour cette raison que je maintiens qu’il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et voir le travail qu'il reste à faire.

Même son de cloche pour l'attaque

Ce que je viens d'avancer pour la défense est tout aussi bon pour l'attaque des Alouettes. Il est vrai de dire qu’on a eu droit à un meilleur match de cette unité que lors de la rencontre devant les Tiger-Cats. Manziel a mieux paru et n’a pas été victime d’interception, alors que la ligne à l’attaque l’a bien mieux protégé qu’à sa première sortie. Comme c’est le cas pour l’unité défensive, il ne faut pas se mentir non plus, alors qu’elle n’a au final inscrit qu’un seul touché malgré les cinq revirements.

Du positif dans la défaite

Dans un premier temps, on a vu une belle progression de la part de Manziel, alors qu’il paraissait plus calme dans sa pochette et plus en contrôle. Le jeu semblait se dérouler moins vite devant lui, mais ce n’est pas encore Neo dans le film La Matrice. Blague à part, il savait davantage où il allait avec le ballon et on a eu de belles mises en scène pour le voir gagner plusieurs verges avec ses jambes. Il est vrai qu’il y est arrivé par moments sur des jeux improvisés, mais j’en ai noté où clairement le scénario était planifié. C’est drôlement intéressant, car cette facette amène une autre dimension dont l’attaque peut se servir pour connaître du succès. Si une défense adverse concentre ses énergies afin d'enlever le jeu de passes, les Alouettes peuvent s’ajuster et prévoir des jeux d’attirer du quart comme on l’a vu. Ça me rappelait mes belles années avec Doug Flutie au poste de quart, alors que nous avions recours à cette stratégie.

Si la défense s’ajuste pour contrer l’attaque, elle va forcément amener quelque chose, comme un demi-défensif de plus, à sa formation. Par contre, elle doit en contrepartie enlever un élément également, par exemple un secondeur, ce qui ouvre alors la porte pour le jeu au sol. En s’ajustant ainsi, la défense choisit en quelque sorte son poison, car l’attaque peut cibler où est le déséquilibre.

On l’a bien vu contre le Rouge et Noir : lorsque Tyrell Sutton quittait le champ arrière pour devenir un receveur, un secondeur le suivait. Manziel regardait dans la direction de son demi-offensif ce qui attirait du même coup un autre secondeur et le quart des Alouettes avait alors la voie ouverte pour courir et c’est ce qui s’est produit. On se retrouvait alors avec cinq joueurs de ligne offensive contre autant de joueurs de la ligne défensive. Comme vous voyez, il n’y a plus personne pour prendre le quart-arrière si tout le monde parvient à tenir son homme. On a même vu parfois des cinq contre quatre à l’avantage de l’attaque.

C’est une dimension que les unités adverses devront respecter à l’avenir. Si elles s’ajustent en conséquence, elles ne pourront plus doubler certains receveurs qui pourront se libérer plus facilement. Ce jeu du chat et de la souris devient donc intéressant pour les Alouettes et c’est une carte de plus dans la manche du coordonnateur à l’attaque Khari Jones.

Cette stratégie a d'ailleurs mené à l'un des touchés des Alouettes, alors que Manziel a trouvé une brèche et s’est rendu à la porte des buts où il a été solidement plaqué, perdant même le ballon, mais Kristian Matte l’a récupéré pour enregistrer le majeur.

À ce propos, je dois vous avouer que j’ai été surpris que le quart des Alouettes soit en mesure de rester dans le match. Le contact a été sévère sur la séquence et il me semblait sonné. Alors qu'on fait tout pour protéger les joueurs en ayant recours à des protocoles pour vérifier les commotions cérébrales, j’ai été étonné de le voir revenir dans la rencontre. Il y a un angle sur une reprise où on voit notamment après le contact que Manziel est resté étendu au sol et ne réagissait pas pour reprendre le ballon ce qui est pourtant la réaction que l’on voit habituellement. Tant mieux pour lui et les Alouettes s'il a été jugé en bonne condition pour renouer avec l'action.

Je ne sais pas si ce n’est qu’une coïncidence, mais par la suite, les choses ont commencé à se compliquer pour Manziel. Après ce contact, le quart des Alouettes n’a complété que quatre de ses huit passes pour 28 verges. De celles-ci, 16 verges ont été accumulées sur le tout dernier jeu du match alors que les dés étaient jetés. On peut donc dire qu’il a été trois en sept pour un maigre total de 12 verges.

De plus, après le touché, l’attaque des Alouettes n’a jamais été en mesure d’obtenir de premiers jeux, alors que ses séquences se sont limitées à deux jeux suivis d’un botté de dégagement. Il y a donc eu une importante baisse de régime, mais ça n’empêche pas que le quart a connu une bien meilleure rencontre qu’à sa précédente.

Ses receveurs auraient également pu lui donner un coup de main par moments en réalisant de gros attrapés. C'est aussi lui qui ratait ses receveurs ce qui le frustrait, car c’était un manque de précision. Encore là, je peux y trouver des signes encourageants parce que les jeux étaient présents. Il ne prenait pas de mauvaises décisions, mais il s’agissait d’un manque d’exécution ce qui pourra être corrigé avec des répétitions lors des entraînements.

Un manque d'opportunisme

Lorsqu’on regarde le match de l’attaque dans son ensemble, elle n’a tout simplement pas été en mesure de profiter des cadeaux de son unité défensive. Il doit y avoir un travail complémentaire entre les différentes unités, mais l’attaque n’a pas tiré avantage des revirements générés par la défense.

Alouettes 17 - Rouge et Noir 24

La défense a même senti le besoin de prendre les choses en main lorsque Chris Ackie a lui-même franchi la zone des buts après son interception. Outre ce revirement et celui survenu en fin de demie après avoir arrêté le Rouge et Noir sur un troisième essai, il ne restait plus assez de temps au cadran pour faire quoi que ce soit, l’attaque montréalaise n’a pas su s’imposer après les revirements.

Si on décortique ce qui s’est produit après les trois autres revirements, on a eu droit à un botté de dégagement trop long qui a terminé sa course dans la zone des buts pour un point, un échappé d’Adarius Bowman et un botté illégal de Boris Bede. Au total, les Alouettes n’ont inscrit qu’un seul point à la suite de ces séquences. Ils doivent être plus opportunistes et remercier le travail de la défense avec des points au tableau.

Sur la feuille de match, on voit que l’attaque n’a réalisé que 46 jeux, a eu la possession du ballon durant 24 minutes, dont seulement neuf en deuxième demie. Les deux équipes s’étaient divisé le tout de manière sensiblement égale lors des deux premiers quarts, mais tout a été à l’avantage du Rouge et Noir par la suite. Il devient donc difficile pour Manziel et l’attaque de trouver du rythme.

Si je vais encore plus loin, sur les 46 jeux réalisés, un seul est survenu dans la zone payante soit à l’intérieur de la ligne de 20 dans le territoire d’Ottawa et c’est à ce moment que le touché a été inscrit. Ils ont gagné des verges, mais en milieu de terrain principalement.

Alors que les Alouettes ont eu l'avance lors de la majorité du match, je m'attendais à ce que le jeu au sol soit davantage présent en deuxième demie.

Tyrell Sutton a dû se pincer à la demie lorsqu’il a vu que les Alouettes menaient 9 à 5. Il devait se dire qu’il allait encore faire partie du plan de match ce qui était moins le cas au cours des dernières rencontres alors que l’équipe était forcée de jouer du football de rattrapage. L’équipe avait l’avance au troisième quart et elle était encore dans le coup en fin de match. Sutton devait bien se dire qu’il allait être celui qui pourrait faire la différence, mais ça n’a pas été le cas.

Il faut dire que mon côté joueur de ligne fait sans doute en sorte que j’ai un penchant pour les équipes qui prônent le jeu au sol en fin de rencontre. Le Rouge et Noir l’a très bien fait avec William Powell. Il a terminé le match avec un total de 104 verges en 17 courses. En deuxième demie, il a enregistré 12 de ses courses pour 88 verges, mais il en a eu huit au quatrième quart pour 65 verges, dont le touché victorieux.

C’est le scénario que j’aurais aimé pour Sutton en fin de match. Tout était en place pour suivre ce plan de match et c’est dommage, car ce n’est pas arrivé souvent dernièrement. Cette formule a fait ses preuves. Je me souviens des bonnes années de Mike Pringle où il écoulait le quatrième quart presque à lui tout seul en courant avec le ballon et où on avait la chance de marteler le front défensif pour l’épuiser. C’était une occasion pour Sutton, mais finalement c’est Powell qui l’a eue et on a vu que la défense des Alouettes n’avait plus de gaz dans le réservoir.

Un tremplin pour Edmonton

J’espère que ce match sera un tremplin pour la suite de la saison. Les entraîneurs peuvent se servir de ce match pour créer des bandes vidéos et motiver les joueurs en leur montrant qu’ils peuvent réussir. Il y a plusieurs bons jeux qui ont fonctionné et dont ils pourront s’inspirer à l’avenir.

La semaine prochaine les Alouettes retrouvent Mike Reilly et les Eskimos d’Edmonton. Lors du dernier passage des Eskimos, Reilly avait lancé pour 415 verges et quatre passes de touché. Cette fois, les Alouettes vont à Edmonton, alors ce sera d’autant plus important de resserrer les rangs. Comme je le mentionnais, on vise toujours d’avoir beaucoup de revirements, mais si certains correctifs ne sont pas apportés et qu’aucun revirement n’est provoqué cette fois, ce pourrait être très difficile.