MONTRÉAL – Pour les Alouettes, le rapatriement de Tyrell Sutton à Montréal constitue une bonne nouvelle, un renfort recherché. Mais au-delà du football, le retour dans le nid du demi offensif cache une histoire familiale attachante.
 
Après avoir entamé sa carrière professionnelle dans la NFL, principalement avec les Panthers de la Caroline, Sutton a trouvé sa niche à Montréal. De 2013 à 2018, il s’est avéré l’une des rares valeurs sûres du club alors que l’organisation a éprouvé trop d’ennuis pour qu’on puisse les énumérer ici.
 
Malgré tout, Sutton est demeuré fidèle aux Alouettes et Montréal a gagné son cœur en plus devenir sa maison. Graduellement, il s’est intéressé au français et il s’est intégré à merveille à la richesse culturelle de la métropole québécoise y passant d’ailleurs quelques hivers.
 
En fait, il s’est si bien adapté à son nouvel environnement que c’est ici qu’il a fini par trouver l’amour. Mais pas n’importe où, sa nouvelle femme, Émilie Desgagné, travaille pour les Alouettes à titre de directrice du contenu numérique et créatif.

Vous comprendrez que ça n’a pas été facile pour lui d’être échangé aux Lions de la Colombie-Britannique en septembre 2018. Mais la vie fait parfois bien les choses. Il revient à Montréal juste à temps pour la naissance du premier enfant du couple, un petit garçon attendu le 13 avril.
 
Sutton savait très bien que les Alouettes devaient dénicher un joueur pour épauler James Wilder dans le champ-arrière. Il souhaitait donc ardemment être l’heureux élu, mais il fallait que les conditions soient réunies.
 
« Pour le côté familial, c’était toujours l’idée que j’avais en tête de revenir ici, mais si les choses n’avaient pas fonctionné, j’aurais essayé de trouver une autre formation. Cette idée était dans ma tête même depuis que j’avais été échangé à Vancouver. J’ai toujours souhaité venir finir ma carrière où elle a commencé », a raconté Sutton dans le vestiaire du Stade olympique qu’il connaît si bien.  
 
« Cette magnifique femme a changé ma vie pour le mieux. Je n’aurais jamais pensé évoluer de cette manière, mais de la façon dont les choses se sont placées, c’est la meilleure transformation que j’aurais pu souhaiter », a ajouté le petit bulldozer sur le terrain qui est reconnu pour sa gentillesse au quotidien.
 
Cette transformation qu’évoque Sutton, elle se situe dans sa façon d’approcher la vie. Devenir père, ça fait réaliser à un athlète que ce n’est plus possible d’être l’unique priorité.  
 
« J’ai effectué un gros virage à 180 degrés dans la dernière année et demie dans le sens qu’auparavant je n’avais qu’à penser à moi. Désormais, je dois penser à trois personnes. Avant, je pouvais déménager à l’autre bout du pays pour jouer pour n’importe quelle équipe. Maintenant, je veux établir les fondations pour ma famille. Ce fut une aventure merveilleuse jusqu’à présent », a confié l’Américain.
 
Sutton apprécie énormément la chance de pouvoir boucler la boucle  à Montréal. « C’est un sentiment génial. D’abord, je n’aurai pas à faire déménager ma famille. Ensuite, je pourrai prendre les meilleures décisions pour les deux autres personnes qui feront maintenant partie de ma vie. […] C’est comme de jouer pour l’équipe de ma ville en fait. J’ai établi des racines ici et d’autres racines vont s’ajouter sous peu », a-t-il évoqué avec les mots appropriés.
 
Un peu de Mike Pringle dans le nez

 
Sur le terrain, Sutton devra prouver que la décision des Alouettes est judicieuse. Les doutes de certains partisans peuvent se justifier. Après tout, Sutton ne rajeunit pas à 33 ans et il viendra appuyer Wilder (27 ans) qui souhaite relancer sa carrière à Montréal.
 
« On sait que les Alouettes pouvaient compter sur un duo complémentaire très efficace en (William) Stanback et (Jeremiah) Johnson la saison passée. On essaie simplement de reproduire cette recette et même de la surpasser si possible », a émis le robuste porteur de ballon.
 
Pour le directeur général Danny Maciocia, l’inquiétude ne se manifeste pas.
 
« J’en parlais avec quelqu’un dans nos bureaux, la dernière fois qu’on a eu un champ-arrière avec deux vétérans, c’était en 2003 quand j’étais avec les Eskimos d’Edmonton avec Mike Pringle et Troy Mills et je sais qu’ils nous ont aidés énormément. Ils ont eu un mot à dire dans nos succès avec les Eskimos. On avait justement un jeune quart-arrière à l’époque qui s’appelait Ricky Ray et on mise ici sur un jeune quart-arrière en Vernon Adams fils », a noté Maciocia alors que les Eskimos avaient soulevé la coupe Grey face aux Alouettes.
 
Le geste de Maciocia comporte tout de même une dose de réalisme.
 
« Quand on regarde le match de la coupe Grey l’an dernier, Tyrell a connu une bonne performance (86 verges sur 11 courses avec Hamilton). On ne lui demande pas de nous donner 18 matchs avec 30 portées par match. Ce n’est pas réaliste. S’il peut nous donner 18 matchs avec 12 à 14 jeux par partie que ce soit par la course ou par la passe et que l’on fait la même chose avec Wilder, ça peut seulement nous aider à court terme ou à long terme. En espérant qu’on aura deux porteurs assez en santé en novembre pour pousser en vue des éliminatoires », a maintenu le DG qui prétend avoir assemblé le noyau de l'édition 2020.
 
« Je vois deux partants et deux bonnes présences dans le vestiaire qui vont procurer du leadership. Je suis convaincu qu’ils vont nous aider énormément », a avancé Maciocia en sachant que Sutton peut également aider sur les unités spéciales.
 
En ramenant Sutton à Montréal, Maciocia s’assure de faciliter la vie d’Adams fils grâce à ses qualités de bloqueur. Tout en pesant bien ses mots, il a établi un parallèle intéressant.
 
« Le porteur que j’ai trouvé le plus physique, c’était Pringle. Depuis que j’ai quitté et que je regarde le football de la LCF à la télévision, Tyrell me rappelait un peu de Mike. Avec chaque portée, il devient plus fort. En deuxième demie, au dernier quart, quand il reste deux minutes et que tu dois convertir des deuxièmes essais pour conserver le ballon et mettre fin au match. ll me rappelle beaucoup Mike et c’est la chose dont on a besoin au sein de cette équipe. On obtient quelque chose de similaire avec Wilder », a exposé Maciocia.
 
Il adonne que Sutton a connu Wilder durant son passage avec les Argonauts et il a bien l’intention de le forcer à se dépasser. C’est une certitude qu’il se battra pour le poste de partant.
 
« Absolument ! Wilder sait très bien que je vais toujours essayer de le pousser pour que ses plus grandes qualités ressortent. Mais je n’approche le camp d’entraînement avec l’idée en tête de le vaincre, mais de rendre cette équipe meilleure », a révélé Sutton.
 
Pour votre information, Wilder, un athlète divertissant, adore surnommer Sutton, le « vieux », tandis que ce dernier l’appelle le « jeune ».

L'occasion de se reprendre avec les Alouettes
 
Si le plan des Alouettes fonctionne comme prévu, ces deux ressources procureront plus de temps à Adams fils pour compléter ses passes et générer des verges par la course.
 
Sutton n’espère rien de moins que de concrétiser les attentes de Maciocia. Pour lui, ce serait précieux de savourer du succès collectif avec les Oiseaux.  
 
« J’ai vécu des années laborieuses avec les Alouettes du côté football. Je suis arrivé après les belles années des coupes Grey. Dans ce sens, ç’aurait été facile pour moi de ne pas me sentir dans le groupe parce que je n’ai pas fait partie de cette riche histoire. Mais je poussais vraiment pour rétablir ce rendement de haut niveau », a-t-il déclaré l’homme qui rêve de vivre de grands moments avec son entraîneur de position et proche ami, André Bolduc.
 
Après une stabilité appréciée avec les Alouettes, il a vécu l’adversité de se promener des Lions, aux Argonauts et aux Tiger-Cats.  
 
« Je n’utiliserais pas le mot difficile, je dirais plutôt que ce fut une expérience d’apprentissage », a réagi Sutton qui a fini par penser que la retraite pouvait être arrivée quand il s’est retrouvé sans contrat de juillet à septembre après avoir été libéré par Toronto.
 
« Ouais, un peu, sans doute vers le milieu de la saison. Ce n’est pas que je pensais que je n’étais plus capable de jouer, mais c’est parfois le football qui n’a plus de place pour toi. Je me suis accroché et j’ai gardé confiance », a reconnu Sutton qui a été récompensé en se rendant au match ultime pour la première fois.
 
Ainsi, on le comprendra d’aborder la suite de sa carrière une année à la fois.
 
« J’adore le football et j’y joue depuis longtemps. Mais, parfois, quand tu as la chance de quitter un sport de la bonne manière, il faudrait peut-être que je saisisse cette chance. Je traverserai le pont quand je serai rendu à la rivière », a conclu Sutton qui aura le privilège de prendre son fils dans ses bras sur le terrain de football avant d’accrocher ses crampons.