MONTRÉAL – La Ligue canadienne de football fait mentir l’adage selon lequel on n’a qu’une chance de faire une bonne impression. Le cas de Vernon Adams fils l’a prouvé une autre fois et on pourrait ajouter les exemples de Trey Rutherford et Greg Reid.

 

Repêché au deuxième rang par les Alouettes en 2018, Rutherford a fait craindre le pire à l’organisation l’an passé. Il aurait été difficile d’être emballé par son rendement et par son adaptation peu expéditive au football canadien. Il n’en fallait pas plus pour que plusieurs craignent un échec retentissant avec cette sélection hâtive.

 

Quant à Greg Reid, le premier passage du demi défensif à Montréal n’a pas été très impressionnant. Pourtant, cette saison, il affiche un rendement plus que convaincant et une aisance sur le terrain qui avait été difficile à déceler auparavant.

 

Examinons d’abord le dossier de Rutherford qui s’est imposé comme le garde à gauche partant des Alouettes en 2019. Il n’avait pas été en mesure d’en faire autant l’an passé alors que l’ancien des Huskies de l’Université Connecticut cherchait ses repères.

 

« Habituellement, on dit qu’un joueur s’est amélioré sur telle facette ou tel aspect. Dans son cas, j’utiliserais le mot exponentiel », a lancé Luc Brodeur-Jourdain, l’entraîneur adjoint de la ligne offensive qui prend le temps de bien peser ses mots.

 

Flanqué des vétérans Tony Washington et Kristian Matte, Rutherford a permis de miser sur un côté gauche solide.

 

« Ma première année avait été frustrante, a admis Rutherford d’emblée. Mais j’ai pu m’acclimater à mon rôle et j’ai assimilé plus d’enseignement de Paul Dunn (l’entraîneur de la ligne offensive) tout en apprenant des joueurs autour de moi. »

 

Ceci dit, cette évolution n’aurait pas été possible sans un ajustement majeur.

 

« Bien sûr, j’ai également perdu pas mal de poids (autour de 25 livres) et je me sens bien plus efficace sur le terrain », a convenu l’Ontarien de 23 ans.

 

« L’an passé, c’était un joueur habitué au football à quatre essais. Son approche était très traditionnelle. Comme les mœurs du football américain le veulent, c’est important d’être gros et puissant. Mais, dans la LCF, il faut avant tout protéger ton quart-arrière. Ici, tu n’as pas besoin de déplacer des joueurs de ligne défensive qui pèsent 330 livres, ce sont plus des athlètes de 280 à 290 livres. Bref, sa mobilité a changé du tout au tout et ce fut extrêmement bénéfique dans son cas », a évalué Brodeur-Jourdain. 

 

En devant se contenter d’un rôle plus modeste en 2018, Rutherford a été en mesure de parfaire ses connaissances.

 

« Au niveau des apprentissages football, ça s’est amélioré aussi. Avec une année plus sur les lignes de côté, il a davantage étudié le contexte et il est devenu nettement plus efficace dans ses prises de décisions », a repéré Brodeur-Jourdain.

 

Ça tombe bien puisque Rutherford se décrit comme un homme axé sur les détails. Il n’a pas fini d’éplucher les vidéos et de développer ses connaissances.

 

« Je veux être encore plus constant sur l’ensemble de mon répertoire. Ce sont les détails qui font la différence. Quand ça va moins bien, je perds ma concentration sur les petits éléments à surveiller », a expliqué le numéro 66 avec clarté.

 

Son évolution survient au bon moment puisque Rutherford n’aurait pas voulu se contenter d’un rôle de réserviste dans cette équipe dynamisée.

 

« Tout le monde a semblé se regrouper, je sens que les joueurs sont plus connectés. Ça ressemble davantage à un esprit d’équipe. À vrai dire, je sens une énorme différence. L’an passé, on ressemblait à une équipe engourdie. Cette année, tout le monde est énergique », a décrit le garde avec franchise.

 

Parlant de ligne offensive, notons que Matte a profité d’une journée de thérapie mardi pour soigner quelques pépins physiques.

 

Un talent naturel pour attaquer le ballon

 

En tant que joueur de ligne offensive, Rutherford se réjouit quand son travail passe inaperçu. C’est tout le contraire pour Reid qui s’éclate comme demi défensif cette année. Après avoir ravi le poste de partant à un coéquipier, l’athlète de 28 ans a accompli plusieurs jeux clés.

 

Outre ses trois interceptions, son sac et quelques blitz bien déployés, Reid a sauvé la mise sur le dernier jeu du match à Moncton contre les Argonauts de Toronto.

 

Plus que jamais, on le sent en contrôle de son arsenal.

 

« À partir de la minute qu’il a eu sa chance, il s’est illustré. Il a une si belle passion pour le football, pour jouer les matchs, mais aussi pour se préparer. Il est toujours l’un des plus enthousiastes, il parle et s’implique beaucoup. On peut voir à quel point il aime jouer », a louangé le coordonnateur défensif Bob Slowik.

 

Ce qui fascine à son sujet, c’est qu’il excelle pour attaquer le ballon malgré sa petite stature de cinq pieds neuf pouces.

 

« Dans le temps, mes entraîneurs au niveau secondaire et universitaire me demandaient tout le temps si j’avais joué comme voltigeur de centre au baseball. Je répondais que non, que j’avais juste été chanceux d’avoir du talent », a lancé avec le sourire Reid, qui a déjà appartenu à quelques équipes obscures avant de se joindre aux Alouettes, soit le VooDoo de La Nouvelle-Orléans, les Sharks de Jacksonville, le Storm de Tampa Bay, le Steel de Monterrey et le Valor de Washington.

 

Ses habiletés ressemblent à celles d’un joueur de basketball. On aurait perdu un vieux deux dollars en misant qu’il a déjà excellé à ce sport comme son coéquipier Eugene Lewis.

 

« Non, ce fut toujours le football pour moi. Vu que je suis plus petit, je me suis attardé à bien développer mes aptitudes au ballon. Il y a aussi le fait que j’ai effectué des retours de botté, ça m’aide grandement à bien lire les trajectoires. Mais ce n’est pas arrivé du jour au lendemain », a décrit le sympathique numéro 26.

 

Étrangement, Reid ne parvient pas à identifier la cause de son évolution sur le terrain avec les Alouettes. Ce qu’il sait, c’est que le groupe de demis défensifs s’amuse plus que jamais avec lui, Tommie Campbell, Ciante Evans, Ryan Carter et les réservistes.  

 

« On a vraiment créé toute une chimie, c’est difficile à décrire. Ce que je veux dire, c’est que dans un vestiaire de football, tu te piques souvent entre coéquipiers, mais on ne fait pas ça. On s’aime beaucoup et on joue les uns pour les autres. Je suis convaincu que c’est à l’origine de nos succès », a argué Reid.

 

Le fait de se mesurer à l’entraînement, pour quelques répétitions, contre un solide groupe de receveurs composé de DeVier Posey, Eugene Lewis, Quan Bray, Jake Wieneke et Félix Faubert-Lussier représente un autre facteur bénéfique. Soulignons que Kaion Julien-Grant, le choix de deuxième ronde des Alouettes en 2019, se rapproche d’un rôle concret au sein de cette brigade.

 

Si l’ancien directeur général Kavis Reed a essuyé plusieurs critiques, il a, sans l’ombre d’un doute, déniché des joueurs intéressants avant de se faire congédier.