Le camp des Alouettes montre beaucoup de profondeur et de batailles intéressantes, mais pas nécessairement beaucoup d’ouvertures de postes.

Plusieurs joueurs de qualité se démarquent et ça va être tout un casse-tête pour les entraîneurs. Presque tout le monde a bien joué dimanche contre Ottawa, et même les jeunes qui ont eu la chance d’embarquer sur le terrain ont en général réussi à faire de beaux jeux et à performer. Je les en félicite.

L’effort et l’intensité étaient clairement au rendez-vous dans le clan montréalais contrairement au Rouge et Noir. Ce sont deux facteurs particulièrement faciles à juger à travers les unités spéciales, qui ont avalé tout rond l’adversaire, que ce soit sur les couvertures de bottés ou sur les retours de bottés.

C’est certain qu’il ne faut pas s’enflammer tout de suite car ce n’était que le premier match préparatoire, mais on sait que dans les dernières années, ç’a été une des faiblesses des Alouettes. Les entraîneurs disaient toujours à quel point les unités spéciales sont importantes, encore plus au football canadien avec trois essais. Pourtant, durant plusieurs années après le début de l’ère Trestman, les Als n’avaient pas de coordonnateur des unités spéciales à temps plein, ce qui était plutôt contradictoire. Ça a paru aussi car ils ont connu des problèmes à ce chapitre. Cette année ils sont finalement passés de la parole aux actes en embauchant le très expérimenté Kavis Reed, qui est un ancien entraîneur-chef dans la LCF avec les Eskimos en plus d’un ancien coordonnateur défensif et des unités spéciales. C’était le fun de voir les joueurs aller hier, les couvertures étaient excellentes et les retours ont été très productifs.

Alouettes 26 - Rouge et Noir 9

En moyenne, Ottawa a gagné 2,25 verges par retour de botté de dégagement, le plus long ayant été de 5 verges. Les Als, eux, ont en moyenne gagné 12,5 verges et le plus long retour a été de 34 verges. En comparant, on constate qu’à chaque échange de retour de dégagement Montréal avait un avantage de 10 verges sur le terrain, donc un premier essai de plus sans même que l’attaque fasse quoi que ce soit. C’est la preuve que les unités spéciales sont primordiales au niveau du positionnement. Quand on repense aux déboires passés, comme les deux touchés de Brandon Banks en finale de l’Est l’an dernier, ça fait du bien.

J’ai beaucoup aimé le travail de Stefan Logan. Ce qui est dommage, c’est que la première fois où il a touché le ballon à son premier match avec les Moineaux, son touché a été annulé par une pénalité. Malgré tout, cela laissait entrevoir une étincelle, ça laissait croire qu’il a peut-être quelque chose de spécial, qu’il peut aller marquer n’importe quand. En moyenne, il allait toujours chercher au moins un premier essai. J’ai toujours demandé ça à un retourneur de botté de dégagement : tu peux aller chercher un touché de 80 verges, on va le prendre, mais si tu peux me donner en moyenne 10 verges par retour toute l’année, ça va être exceptionnel.

C’est aussi difficile de passer sous silence l’excellente performance de Boris Bede. Grâce à celle-ci, il demeure dans la discussion en mettant de la pression sur Sean Whyte, car on sait que ce dernier a des carences au niveau de la longueur de ses bottés de dégagement et d’envoi. Bede a été excellent dans toutes les facettes, réussissant un botté de précision et une transformation de 32 verges. Il a rempli sa mission. Cependant, tout ce qu’il a réalisé hier pourrait être entaché s’il ne réussit pas une autre performance de la sorte jeudi. Si tu veux déclasser le « champion », il faut que tu sois aussi bon que lui sinon encore meilleur. Même si Bede a une jambe nettement plus puissante, Whyte a l’avantage d’avoir un plus long CV. Les Als savent à quoi s’attendre de lui et ont démontré au fil des années qu’ils sont capables de composer avec ses lacunes. Ce n’est pas un mauvais joueur, il est excellent sur les bottés de précision, mais on aimerait qu’il soit plus explosifs sur les autres types de bottés. Bref, Bede devra égaler le même niveau lors du deuxième match préparatoire et faire preuve de constance. Il devra bien performer malgré la pression et les attentes grandissantes.

Une valeur sûre

La défense va encore une fois être la force et l’identité de l’équipe. J’aime beaucoup la ligne défensive, mais ça va être un beau casse-tête car il y a là aussi beaucoup de compétition et de profondeur, autant chez les ailiers défensifs que les plaqueurs. Parmi les plaqueurs, il y a de méchantes bêtes, des gars qui ne sont pas plaisants à affronter car ils sont rapides, gros et forts. Ça complique la tâche des joueurs de ligne à l’attaque quand ils sont confrontés à des gars qui, en plus d’être gros, sont rapides.

J’ai évidemment aimé le travail de Khalif Mitchell, comme bien d’autres. On voit que quand il a la tête à la bonne place et qu’il se décide à jouer, il peut être dominant et prendre le contrôle d’un match. J’aime aussi beaucoup Corvey Irvin, qui est un joueur recrue, et l’ailier défensif Markell Carter. Sans oublier Gabriel Knapton et John Bowman qui sont incroyables. Avec ce qu’on a pu observer hier, on comprend mieux la décision de remercier Scott Paxson alors qu’on compte déjà sur Alan-Michael Cash, Mitchell, les Canadiens Michael Klassen et Jeffrey Finley, ainsi que l’Américain Irvin. Je ne suis toutefois pas certain qu’on va pouvoir garder tout ce beau monde.

Autre point positif : la profondeur dans la tertiaire. On n’a pas pris beaucoup de pénalités malgré le nouveau règlement de la Ligue canadienne qui stipule qu’on ne peut pas toucher au receveur après cinq verges. Les vétérans ont fait de beaux jeux et les petits nouveaux aussi. Jonathan Hefney, un ancien des Bombers et des Stampeders, a fait sentir sa présence en réussissant notamment une interception. Ce joueur vedette dans la LCF a eu des problèmes hors du terrain, mais les Alouettes lui ont offert une deuxième chance. Il est toujours impliqué et proche du ballon, et c’est difficile de ne pas le remarquer. J’aime aussi le travail d’Avery Cunninghan et d’Anthony Coady. Ce dernier est un maraudeur qui couvre beaucoup de terrain et qui va appuyer les demis de coin et demis défensifs.

Un bémol

Même si je sais que ce n’était que le premier match préparatoire et qu’on devait appliquer un nouveau système, avec de nouveaux receveurs, un homme a peut-être mêlé les cartes, mais pas dans le bon sens. Jonathan Crompton a connu une performance un peu décevante car on s’attendait à plus de lui. On vante son leadership et on dit que c’est son poste à perdre, mais il ne l’a pas solidifié. Il a réalisé beaucoup de passes imprécises, pris de mauvaises décisions, ou même pas de décision du tout car il gardait le ballon dans ses mains trop longtemps, menant ainsi à un sac du quart. Match préparatoire ou pas, c’est la base. Point de vue des statistiques, il a été 2 en 6 pour 17 verges et n’a amené aucun rythme en attaque lorsqu’il était aux commandes. L’attaque n’a obtenu que 62 verges sur 13 jeux, dont 45 au sol. Trois fois sur cinq, la séquence a pris fin après le deuxième essai et il s’en est suivi un dégagement. Sa dernière séquence, sa meilleure de la soirée, a engendré des gains de 29 verges sur quatre jeux mais s’est terminée par un botté de précision en raison d’un mauvais choix de jeu. Sur le jeu précédent, Crompton avait tenté une passe à Samuel Giguère qui n’a abouti à rien alors que Dobson Collins était complètement libre avec un tracé en diagonale qui aurait mené à un touché facile.

Brandon BridgeTout ça survient alors que Dan LeFevour, qui vient tout juste de revenir à l’entraînement, n’a pas joué, tout comme Tanner Marsh qui est toujours blessé. C’était une opportunité pour Crompton de démontrer qu’il est le shérif en ville. Je pense plutôt que bien des partisans et même certains dans l’entourage ont hâte à jeudi dans l’espoir de voir LeFevour jouer.

De tous les quarts-arrières qui ont été envoyé dans la mêlée dimanche, c’est Crompton qui a eu l’air le plus instable et le moins certain de savoir où lancer, alors que c’est pourtant le vétéran. Les deux autres jeunes ont été excellents, même s’il faut admettre qu’ils n’ont pas affronté les meilleurs joueurs adverses. Ce que j’ai apprécié de Brandon Bridge, un quart très athlétique et capable de courir, c’est qu’il n’a pas couru une seule fois et qu’il s’est appliqué à compléter des passes. Souvent, quand les jeunes trouvent que l’action se déroule trop vite, ils se rabattent sur la course comme soupape de sécurité. Combien de fois a-t-on vu Adrian McPherson faire ça? Bridge a tout fait pour passer. Il a été calme, il a pris de bonnes décisions, il a bien lancé et on a vu qu’il était capable de faire de bonnes lectures du jeu. Il ne s’est pas assis sur ses qualités athlétiques pour faire des jeux, il a fait un effort pour faire fonctionner le jeu par la passe.

Même chose pour Rakeem Cato, qui a lancé avec rythme. Il a fait des prises de décisions ultra rapides, il savait exactement ce qu’il voulait faire. Il a d’ailleurs eu beaucoup de doigté sur sa passe de touché qui était très impressionnante. Il a démontré de belles aptitudes.

Les deux jeunes ont sauté sur l’occasion. Chaque fois qu’ils faisaient de bons jeux, tout le monde allait les féliciter. On sent que même les vétérans apprécient leur contribution. En tant que joueur, il faut saisir l’opportunité quand elle se présente et s’arranger pour compliquer la décision des entraîneurs. C’est ce que les joueurs ont fait de façon générale.

Des coupures sont attendues aujourd’hui. Elles ne devraient pas être trop difficiles à faire, mais la prochaine et dernière vague s’annonce très corsée. Il va y avoir de bonnes discussions autour de la table quand viendra le temps de mettre sur papier la formation finale.

*Propos recueillis par Audrey Roy