C’est toujours une expérience plaisante que de revenir à Edmonton pour une coupe Grey. Pour moi, cette ville revêt une grande importance puisque c’est là que j’ai effectué mes débuts dans la LCF.

Ce sont les Eskimos qui ont vu quelque chose de spécial dans le jeu d’un petit Québécois et qui l’ont repêché en 1987, à une époque où les joueurs issus de notre province n’étaient pas monnaie courante.

J’ai aussi eu l’occasion d’y remporter ma dernière coupe Grey avec les Argonauts de Toronto, dix ans plus tard.

Pour ce 106e match de championnat, on ne peut que se souhaiter que la rencontre entre le Rouge et Noir d’Ottawa et les Stampeders de Calgary ressemblera à celle que les deux équipes nous avaient servie il y a deux ans, alors que le match avait été remporté de façon spectaculaire par Ottawa, 39-33 en prolongation.

Je m’en voudrais ne pas souligner ce qu’a accompli le Rouge et Noir depuis son entrée dans la ligue. C’est absolument phénoménal que cette équipe ait atteint la finale du football canadien à trois reprises en cinq ans d’existence! On ne peut que leur lever notre chapeau, car c’est une organisation solide de haut en bas, des propriétaires jusqu’au gérant de l’équipement. Il y a véritablement du talent dans tous les paliers de l’organigramme.

Et à travers tout ça, la communauté est complètement embarquée aussi, avec la « RNation ».

Bref, si la LCF va de l’avant avec son plan d’implanter une 10e équipe dans les Maritimes, le Rouge et Noir sera certainement un exemple à imiter.

Als-Stamps : un parallèle notable

À voir les Stampders aller depuis quelques saisons, ils me font penser aux Alouettes des années 2000. Dominants durant ces années-là, les Als se sont présentés régulièrement au match de la coupe Grey et ont échappé plusieurs – en 2003, 2005, 2006 et 2008 – avant d’en remporter deux de suite, en 2009 et 2010.

Cette dynamique est en train de se dessiner du côté des Stamps, qui ont participé au duel décisif lors des deux dernières années sans le remporter. Il faut rappeler cependant qu’une de ces parties a été perdue en prolongation et que la deuxième, face aux Argos, l’a été par une différence minime de trois points (27-24). Cela dit, c’est évident qu’une autre défaite encaissée en étant si près du but serait démoralisante pour ce groupe. On remettrait en doute leur habileté à remporter les matchs quand ça compte.

C’est ce qui fait que le football peut être cruel par moments. Ce n’est pas un format « quatre de sept ». Pas le temps de connaître une moins bonne performance : ce sont 60 minutes qui décident tout. S’il avait fallu que les éliminatoires soient un « quatre de sept », disons que les Stamps auraient vu leurs chances de gagner grimper exponentiellement, sachant à quel point ils ont excellé en saison régulière, en 2016 et 2017.

La situation de 2018 est différente, toutefois. Oui, les Stamps ont présenté le meilleur dossier de la ligue à 13-5, mais ça n’a pas été la même dynamique. Les hommes de Dave Dickenson ont dû bûcher, faire face à l’adversité, composer avec de multiples blessures à des joueurs d’impact... Disons que les hauts et les bas se sont succédé, et que ça pourrait faire en sorte qu’on verra une équipe mieux préparée à faire face à des imprévus dimanche.

C’est certain qu’il y aura encore de la pression sur les épaules de Bo Levi Mitchell, nommé joueur par excellence de la saison régulière. Il n’aura pas le choix de performer au même niveau que lors des 19 premiers matchs qu’il a joués cette année. Le quart vedette est passé à l’histoire récemment en devenant le premier quart à amasser 5000 verges aériennes sans compter sur un seul receveur ayant cumulé 1000 verges. Il a dû composer avec beaucoup de changement avec les blessures, il s’en est acquitté à merveille.

En 2016, Mitchell avait connu un match en dents de scie. Rappelons qu’il avait vu trois de ses passes être interceptés par Ottawa, alors qu’il n’avait été victime que de huit interceptions en calendrier régulier.

Contre Toronto, il n’avait pas joué un mauvais match. Il avait amassé 373 verges par la voie des airs, complété 73 % de ses passes et décoché deux passes de touché. Mais en fin de rencontre, il avait forcé le jeu et lancé une interception qui avait scellé l’issue de l’affrontement.

C’est un peu la même chose pour Dickenson. C’est bien beau aligner les victoires en saison régulière, mais il faut que ça mène à des championnats pour que ça soit significatif. Il n’a pas été à l’abri des critiques en 2016 lorsqu’en toute fin de quatrième quart, il avait utilisé Jerome Messam, un véritable rouleau compresseur sur deux jambes, comme ailier rapproché au moment où un touché aurait offert la victoire aux Stamps. À la place, ils avaient remis le ballon au quart réserviste et s’étaient contenté d’un botté de placement, avant de perdre en temps supplémentaire.

Largement à l'avantage de Calgary en saison

Si on revient à la saison 2018, les deux clubs finalistes se sont affrontés deux fois. C’était en début d’année, et les Stamps s’étaient imposés de manière convaincante. Le Rouge et Noir avait connu des ennuis à marquer; pas un seul touché marqué en deux matchs, et 17 points au total.

Trevor Harris n’avait pas connu de grandes performances, mais il est important de mentionner qu’il s’était blessé assez sérieusement en match préparatoire face aux Alouettes. J’ai l’impression qu’il a traîné cette blessure avec lui en début de campagne. C’est non-négligeable comme facteur.

N’empêche qu’avec une récolte de trois points, de 13 premiers essais et de 150 verges nettes d’attaque dans la deuxième confrontation de l’année, le Rouge et Noir n’avait rien fait qui vaille. Ce sont carrément les pires chiffres compilés cette année dans la LCF.

Dans ces deux duels, les Stamps avaient affiché un ratio de +7 au chapitre des revirements (10 contre trois), et de +6 dans les sacs du quart (7 contre un).

C’est également particulier de constater que Harris n’a toujours pas gagné contre Calgary, la seule équipe qu’il n’a jamais vaincue. Sa fiche en huit départs contre la formation albertaine est de 0-6-2.

Sauf que le Trevor Harris qui s’amène à la coupe Grey joue de l’excellent football. À ses sept derniers départs, il a complété 77 % de ses passes et décoché 17 passes de touché (dont six contre Hamilton la semaine dernière) contre deux interceptions.

On peut aussi dire que les finalistes d’équipe jouent mieux collectivement par les temps qui courent. À leurs huit derniers matchs, ils n’ont été victime que de neuf revirements, et à leurs trois dernières sorties, ils n’ont alloué qu’un total de deux sacs du quart. Il semble qu’il y a le Rouge et Noir de la première moitié et celui de la seconde, et que c’est un club bien différent.

Disons que la barre est haute pour Harris s’il veut égaler ce qu’avait servi Henry Burris lors de la conquête du Rouge et Noir en 2016. Pour ceux qui l’auraient oublié, Burris s’était fait mal au genou durant la période d’échauffement. C’est Harris qui s’était rendu au centre du terrain pour le tirage au sort, mais Burris était revenu à temps pour le début du match, et dans un scénario digne d’un film hollywoodien, il avait lancé pour 461 verges, lancé trois passes pour le majeur et couru jusqu’à la zone des buts deux fois pour mener les siens à la conquête du titre.

Ottawa doit embêter Mitchell

Un des défis du Rouge et Noir, ce sera d’augmenter son nombre de sacs aux dépens de Bo Levi Mitchell. Dans les deux duels de saison régulière, il n’en avait totalisé qu’un seul, bien qu’on ait réussi à le brasser à quelques reprises. D’ailleurs, dans un des matchs, il avait été rudoyé et n’avait pas pu prendre part à la deuxième demie. Il faudra exercer une pression soutenue sur lui dimanche.

Ottawa peut bien joueur défensivement sans obtenir une tonne de sacs, et on l’a vu la semaine dernière dans la victoire face aux Tiger-Cats de Hamilton en finale de l’Est. Un seul sac a été obtenu, mais les trois interceptions dont a été victime Jeremiah Masoli étaient le résultat d’une pression accrue.

Sous Noel Thorpe, le Rouge et Noir présente une défense qui génère de la pression plus par des schémas et des stratégies que par des batailles à un contre un. À ce chapitre, ce n’est pas l’unité la plus redoutable, mais Thorpe présente des blitz sous différentes formes, et cela va mettre au défi la cohésion de la ligne offensive de Calgary.

Thorpe aime attaquer le quart en défiant la protection du porteur de ballon. En ce sens, il sera intéressant de suivre le travail des secondeurs Kyries Hebert et Avery Williams, parce que Don Jackson n’est pas le plus gros des demis offensifs. Il est mieux d’attacher son casque bien serré!

Après toute cette analyse, si je devais choisir une unité qui ressort du lot et qui devrait faire la différence dimanche, je choisirais sans contredit la défense des Stampeders. C’est une unité dominante pour les touchés, les verges au sol, les verges par la passe allouées, les revirements causés et les sacs du quart. Elle vient au premier rang dans toutes ces catégories statistiques.

Si le dicton voulant que la défense remporte des championnats tient la route, disons que Calgary est en voiture!

On n’a qu’à revenir à la finale de l’Ouest pour le constater. La puissante attaque des Blue Bombers de Winnipeg, qui compte sur une ligne offensive très solide, a été complètement menottée. Pas une seule fois, elle s’est présentée dans la zone payante. Aucun jeu explosif n’a été réalisé, et elle n’a obtenu que 245 verges offensives. C’était toute une performance de l’unité défensive des Stamps!

La recette défensive des Albertains n’est pas bien compliquée : elle est talentueuse et disciplinée, et elle maîtrise bien les « fondamentaux ». Et surtout, c’est une défense qui excelle dans les plaqués, une phase du jeu qu’on prend souvent pour acquis. Calgary plaque très bien dans des situations corsées, comme des situations à champ ouvert.

Lorsqu’on considère que le Rouge et Noir crée beaucoup d’attaque avec de petites passes, se fiant aux qualités athlétiques de leurs joueurs pour engranger des verges après l’attrapé. Bref, la défense des Stamps ne se complique pas la vie, et ça donne des résultats impressionnants.

Je ne vous cacherai pas que le Rouge et Noir forme une équipe pour laquelle j’ai un faible. J’aime ce qu’ils ont construit et le fait qu’ils comptent sur plusieurs joueurs anciens Alouettes. Ça donne un cachet spécial, c’est certain.

Donc, mon cœur est avec Ottawa, mais la logique me ramène à l’ordre, et c’est pourquoi je prédis que la troisième fois sera la bonne pour les Stampeders dimanche.

Un honneur que je souhaite partager

Un mot en terminant au sujet de l’honneur que m’a réservé la Ligue canadienne de football jeudi. C’est avec beaucoup d’humilité que j’accepte cette belle reconnaissance.

Lorsqu’on m’a appris la nouvelle il y a quelques semaines, j’ai trouvé ça très flatteur. Mon réflexe a été de faire mes recherches pour savoir qui avait été les précédents récipiendaires. Quand on voit des noms comme Wally Buono et Ron Lancaster, on s’aperçoit qu’on est en très bonne compagnie!

Le fait d’obtenir ce prix m’a porté à réfléchir sur tout le parcours réalisé depuis mes débuts dans le football, et s’il y a une chose que ce sport m’a démontré au fil des ans, c’est que c’est impossible d’offrir de grandes performances en étant seul. De là l’importance d’être bien entouré, que ce soit par des coéquipiers, des entraîneurs ou des collègues de travail.

C’est un honneur que j’aimerais partager avec tous ceux et celles qui m’ont épaulé depuis le début de cette belle aventure, et aussi avec les amateurs de football, sans qui rien de tout ça n’aurait d’importance. Que ce soit au stade, dans la rue ou sur le RDS.ca, j’apprécie toujours de discuter football avec des passionnés tout comme moi!

* propos recueillis par le RDS.ca