MONTRÉAL – Alors qu’elle sollicite des millions pour assurer sa survie face à la crise de la COVID-19, la Ligue canadienne de football a besoin d’ambassadeurs comme Luc Brodeur-Jourdain pour faire réaliser son impact positif sur la société. 

En plus d’avoir complété des études universitaires de haut niveau grâce à sa passion du football développée sur le tard, Brodeur-Jourdain est devenu un modèle d’implication sociale. Ainsi, ce n’est pas étonnant de savoir qu’il a accepté le rôle d’ambassadeur du programme Blitz contre la faim de Puralotor, une initiative qui lui tient à cœur depuis de nombreuses années et qui s’avère encore plus essentielle présentement. 

À la suite du report du camp d’entraînement et de la saison régulière, la campagne de sollicitation a encaissé un dur coup. Elle profite, en temps normal, de ce contexte pour inciter les partisans à joindre le mouvement d’entraide. 

Brodeur-Jourdain tentera donc de mousser le tout via les Alouettes à l’aide de quelques vidéos et un don personnel. « Chaque dollar compte, peu importe la grosseur du don que vous êtes en mesure de faire. On dit qu’un dollar fournit deux repas (étant donné les économies d’échelle des organismes). Jusqu’à présent, ils ont donné 13 millions de livres de nourriture. C’est un honneur d’y participer », a-t-il exprimé, vendredi, à partir de l’imposant chantier de son domicile familial qu’il agrandit lui-même dans ses temps libres. 

« Je voudrais dire aux gens que c’est maintenant que ça compte. On doit supporter notre région, notre pays. Les problèmes reliés au manque de nourriture ne disparaissent pas, ils s’accentuent en situation de crise », a ajouté LBJ dont la copine oeuvre dans le milieu communautaire. 

Issu d’un milieu très modeste, Brodeur-Jourdain a vu sa mère l’élever – ainsi que sa sœur - dans des conditions précaires ce qui a façonné son altruisme.  

« Elle a accouché de moi à 17 ans et ma sœur est arrivée deux ans plus tard. Ma mère était très jeune avec deux enfants à sa charge. Elle a eu à composer avec bien des défis. Je n’ai pas le sentiment d’avoir manqué de rien, elle a su prioriser notre sécurité. Mais j’ai su dénoter des moments pendant lesquels elle avait de la misère et qu’elle devait tirer les ficelles à droite et à gauche pour arriver. J’en ai gardé certains souvenirs. Voilà pourquoi, avec la COVID-19, je comprends que le Blitz contre la faim peut venir aider énormément de foyers au Québec et au Canada. Si on peut enlever ce stress financier dans des milliers de familles en distribuant de la nourriture, ça va aider les parents », a-t-il plaidé avec compassion. 

« J'ose espérer qu'on va trouver un terrain d'entente »

Se préparer au pire, comme l’enjeu avec la LCF

Ce n’est donc pas uniquement parce qu’il est un homme réfléchi et éduqué qu’il se prépare toujours pour le pire des scénarios tout en s’organisant pour tirer le meilleur de la situation. Ces jours-ci, un parallèle se dresse automatiquement avec le choc qui frappe la LCF.

Celui qui a étudié en finances n’est donc pas tombé en bas de sa chaise – ou de son échafaud présentement – en apprenant que le commissaire Randy Ambrosie a mentionné devant un comité permanent des finances de la Chambre des communes que le scénario le plus probable était celui de l’annulation de la saison 2020. N’oublions pas non plus que le commissaire doit « vendre sa salade » pour convaincre le gouvernement de piger dans les poches des contribuables.

« Je n’étais pas sous le choc, je crois que c’est très important d’évaluer tous les scénarios possibles. L’éventualité de ne pas avoir de match cette année, c’est un scénario plausible et possible. C’est important d’évaluer toutes les possibilités. Quand tu t’adresses au gouvernement pour une demande d’aide financière, ça va de soi. Tu dois expliquer et démontrer les scénarios possibles », a réagi celui qui agit désormais à titre d’entraîneur adjoint à la ligne offensive. 

« Dans l’éventualité que la saison soit annulée, la solidité de la LCF tombe avec un point d’interrogation. C’est donc extrêmement important pour notre gouvernement de comprendre l’importance de la LCF au Canada », a-t-il ajouté. 

Ce qui importe avant tout aux yeux de Brodeur-Jourdain, c’est d’illustrer l’influence positive de la LCF sur la société. En plus du millier d’emplois bien rémunérés des joueurs, des entraîneurs et des dirigeants, le football a été la pépinière de plusieurs carrières enviables grâce au lien qui existe entre ce sport et les études. 

« Je crois, j’estime et je suis sûr que ça va au-delà de la vente de billets, du spectacle et de l’agrément. Ça nourrit de nombreuses générations d’hommes qui vont obtenir des baccalauréats, des maîtrises et même des doctorats. Tout ça grâce au fait qu’ils avaient le rêve, un jour, de jouer dans la LCF. Le rêve de la LCF est beaucoup plus accessible pour les joueurs canadiens que celui de la NFL », a précisé le colosse qui implique parfois les enfants dans son entraînement. 

Brodeur-Jourdain se rassure quelque peu en constatant que les dirigeants du circuit canadien évaluent encore des options moins catastrophiques. Il ne parvient toutefois à retenir un soupir quand un confrère lui demande si c’est toujours réaliste de croire à une saison. 

« Je pense que c’est réaliste… Voilà, je conserve de l’espoir et je pense qu’on peut y parvenir en étant créatifs dans nos solutions. Toute la société s’est ajustée pour continuer de vivre. Bien sûr, ce fut très difficile et l’impact se fera ressentir sur nos vies pendant des années. On tenait le tout pour acquis et on voit que ça affecte grandement nos vies. Mais on doit d’abord s’assurer que la sécurité est présente pour tous les « joueurs » impliqués donc les athlètes, les partisans, les entraîneurs, le personnel des équipes et les journalistes qui courent également un risque », a témoigné l’ancien numéro 58.  Luc Brodeur-Jourdain

Son réservoir d’espoir a sans doute diminué de quelques coches quand l’Impact de Montréal a vu la santé publique lui refuser l’ouverture de son complexe d’entraînement. Pendant ce temps, les choses débloquent enfin – et partiellement – en Ontario et Colombie-Britannique. Bref, le Québec ralentit la relance en raison de l’ampleur de la pandémie. 

« Dans toutes les situations, il y a toujours un top de peloton, un milieu et une queue. C’est décevant de dire que, statistiquement parlant, on est la province la plus touchée au Canada et la ville aussi. […] On ne veut assurément pas que ça continue de se développer au Québec et que ça retarde encore plus la relance, je ne dirai pas économique, mais de la vie », a répondu le volubile intervenant. 

Un nouveau patron immédiat mieux outillé?

Malgré le contexte, on avait hâte de parler football avec Brodeur-Jourdain d’autant plus que les joueurs de ligne offensive sont confrontés à une réalité éprouvante quant à l’entraînement loin des installations de leur club respectif. 

Pour arriver au sommet de leur forme physique, ils doivent s’astreindre à soulever des charges colossales pendant la saison morte. Sans l’équipement d’haltérophilie approprié, c’est tout un défi. 

« On doit aider les joueurs avec leur créativité. J’ai lâché comme blague dans le groupe de ligne offensive qu’une poche de béton en poudre achetée chez un détaillant, ça devient pesant mélangeant le tout avec un peu d’eau. Tu peux t’en faire deux ou trois et tu te crées un gymnase à la maison qui ne coûte pas trop cher », a-t-il raconté. 

Pour les entraînements spécifiques sur un terrain de football, on peut oublier ça pour le moment sauf que tout le monde est dans le même bateau. 

En ce qui concerne les joueurs repêchés, on pouvait craindre pour leurs chances de demeurer avec le club. Brodeur-Jourdain a toutefois été en mesure de déceler un élément positif. 

« On doit encore conclure une entente pour déterminer quand on pourra autoriser la publication de notre cahier de jeux à nos joueurs. En situation de camp d’entraînement, tu dois appliquer les enseignements dès le lendemain et on ajoute des tâches jour après jour. C’est là qu’on voit la capacité d’un joueur à emmagasiner le tout. Bref, peut-être que la réalité actuelle procurera du temps supplémentaire pour l’étude. Cette opportunité peut être avantageuse pour les jeunes joueurs alors que ça va extrêmement vite durant un camp d’entraînement », a soulevé Brodeur-Jourdain en se félicitant de la récolte locale effectué par le directeur général Danny Maciocia qui a « suivi ces paroles ». Peut-être que vous aurez le goût de lire entre les lignes que ça n’a pas toujours été le cas, c’est à votre discrétion. 

Parmi la récolte, on notait un joueur de ligne offensive, Andrew Becker, et un joueur de ligne défensive, Cameron Lawson, qui pourrait, selon ses dires, aider de l’autre côté de la tranchée. 

La vie de Brodeur-Jourdain a également changé avec l’arrivée de Marcel Bellefeuille pour remplacer Paul Dunn comme entraîneur de la ligne offensive. Les échos à propos de Dunn n’ont toujours été les plus convaincants. 

« La différence est quand même considérable. Marcel est un entraîneur avec un très grand et long bagage de football. C’est un ancien entraîneur-chef de la LCF, il a aussi vécu des expériences au sud de la frontière et dans les rangs universitaires canadiens. C’est un privilège pour moi d’évoluer avec lui. Il est extrêmement efficace quotidiennement. Dès qu’on doit refaire quelque chose, ça prend deux secondes et c’est déjà fait. On a développé une très belle relation, on communique bien ensemble. Je comprends mon rôle, c’est Marcel l’entraîneur. Je m’assure d’apprendre, je suis là pour être l’étudiant. Je prends énormément de notes et je suis très privilégié par sa présence », a-t-il conclu avec ouverture d’esprit.