Bravo aux Alouettes de Montréal pour leur qualification aux éliminatoires de la LCF.

Ils y sont parvenus samedi en battant les Stampeders de Calgary, champions en titre de la Coupe Grey, dans un match qu’ils devaient absolument gagner.

L’ambiance était survoltée au stade Percival-Molson et ça faisait longtemps que je n’avais pas vu ça ici. Les gens ont brandi leur cellulaire allumé dans les airs comme on le fait dans un concert rock. Je ne me rappelle pas d’avoir déjà vu ça à McGill. C’était incroyable!

Stampeders 17 - Alouettes 21

Par contre, ce qu’on a compris hier, c’est qu’on est toujours à la recherche de ce fameux match de 60 minutes. C’est le deuxième match à domicile de suite où les Alouettes ont l’air dépassé par les évènements en première demie avant de connaître une résurgence en deuxième. On a vu une équipe transformée. C’est l’énigme que Khari Jones, son groupe d’adjoints et les joueurs vont devoir essayer de résoudre.

C’est sûr que c’est une recette spectaculaire, ça fait qu’on a des matchs enlevants jusqu’à la dernière seconde, mais c’est à se demander si à minuit le carrosse va redevenir une citrouille. À un moment donné, ça pourrait les rattraper.

Cela étant dit, peu importe l’allure du match ou le résultat, on voit que l’équipe croit toujours en ses chances. Autant l’équipe adverse sait que le match n’est jamais fini contre les Alouettes, autant les Alouettes savent que ce n’est jamais terminé parce qu’ils trouvent toujours une façon de revenir et de gagner. C’est intéressant.

Défensivement, la première demie a été un vrai pique-nique pour les Stampeders. Bo Levi Mitchell faisait ce qu’il voulait avec son bras et il a accumulé pas moins de 313 verges par la passe. Les Als ont fait beaucoup de défense de zone à la base, le genre de stratégie qu’aime beaucoup le coordonnateur défensif Bob Slowik. Mais le problème, c’est que Bo Levi Mitchell n’est pas joueur par excellence pour rien. S’il n’y a pas de pression, toutes les défenses de zone ont des failles et Bo Levi Mitchell avait beaucoup de temps pour les trouver. Parce qu’il dégaine souvent rapidement, on se demande si on doit gaspiller des ressources pour le presser au risque d’avoir moins de joueurs pour surveiller ses receveurs. C’est un couteau à double tranchant.

On a donc commencé avec une pression à trois avec neuf gars en couverture à cause de ça. Bo Levi Mitchell les découpait parce qu’il n’y a rien qu’il n’a pas vu dans sa carrière en couverture de zone, ça fait tellement longtemps qu’il joue. Comme ça ne fonctionnait pas, les Alouettes ont essayé de mettre de la pression à quatre avec huit gars en couverture de zone, et comme ça ne fonctionnait pas non plus, on a mis de la pression à cinq puis à six. À un moment donné en fin de première demie, les Als se sont aperçus que quand ils faisaient un blitz en surnombre, avec une stratégie qu’on appelle +1, il y avait plus de passes rabattues et de mauvaises passes provoquées. C’est là qu’on a allumé et que Slowik a jeté son plan de match initial. Il y avait en lui un peu de Don Matthews, un ancien entraîneur des Alouettes qui était un sélectionneur de jeu très agressif en défense, et de Chris Jones, le disciple de ce dernier.

Slowik s’est donc dit qu’il ne pouvait pas jouer sur les talons contre Bo Levi Mitchell. Il est sorti de sa zone de confort et a probablement eu des discussions avec ses joueurs et ses adjoints. Ils ont blitzé plus et il y a eu tout un revirement de situation en deuxième moitié, où on n’a accordé aucun point. Le blitz est bien sûr une façon de mettre plus de pression sur le quart adverse et de provoquer des décisions rapides et des mauvaises passes, mais c’est aussi une façon de dicter où va aller le ballon parce que tu sais comment une attaque va réagir face à certains blitz. En anticipant où va le ballon, ne reste plus qu’à réussir le plaqué. Bref, grâce au blitz en surnombre en deuxième demie, outre les deux sacs du quart, il y a eu plus de passes rabattues, on a forcé des mauvaises passes et on a forcé le quart adverse à se débarrasser du ballon ou à lancer trop loin par-dessus la tête de ses vis-à-vis.

La défense propulse les Alouettes en éliminatoires

C’est sûr que quand tu accordes 547 verges d’attaque, ça commence à faire beaucoup. Une chance qu’on a causé cinq revirements, c’était du beau travail. On en avait réussi 18 lors des six premiers matchs, puis seulement 6 lors des sept derniers matchs avant d’en faire 5 samedi. On veut toujours provoquer des revirements, mais ce n’est jamais garanti. Ça a sauvé les Alouettes. Sans ces revirements, ça aurait été un match à sens unique en faveur des Stamps. On s’est réveillé au bon moment.

Bravo donc pour avoir modifié le plan de match, bravo aux joueurs pour l’avoir exécuté et bravo aux remplaçants qui ont dû embarquer dans la rencontre en raison des blessures. Ces blessures expliquent d’ailleurs pourquoi c’était plus sensé de blitzer davantage : la défense de zone demande beaucoup de communication et de cohésion et on venait de perdre notre secondeur du côté court Tevin Floyd et notre demi de coin du côté large Ryan Carter. Avec les petits nouveaux, ça devient un problème.

La bonne nouvelle avec Slowik, c’est qu’il est humble. Il n’a pas de gros ego, il est à l’écoute et il veut apprendre. C’est une éponge. Il pose des questions, il demande l’avis à ses joueurs et ses adjoints. C’est un effort collectif dans les ajustements en défense, tout le monde contribue. Sa plus grande qualité est son ouverture d’esprit. C’est pour toutes ces raisons que les joueurs ont envie de se défoncer pour un gars comme ça.

Il y a des hauts et bas en défense et on gagne malgré le fait qu’on accorde beaucoup de verges. Mais ce qu’on peut dire, c’est que la défense est super physique. On a vu de gros plaqués sur les revirements provoqués hier. Quand les receveurs adverses voient ça sur bande vidéo, ça les met en garde. Ils doivent être prêts à payer le prix. Tu ne peux pas provoquer des échappés comme ça si tu n’as pas un style physique. C’est super le fun à voir.

Les unités spéciales portent bien leur nom

Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu les unités spéciales avoir un impact comme ça dans un match. Il y a eu des matchs où ils n’ont pas aidé la cause de l’équipe et d’autre où ça n’a pas eu trop d’influence, mais hier, on pouvait vraiment les appeler les unités « spéciales ». Pensons au touché de Mario Alford sur un retour de botté de 85 verges qui a donné le ton en deuxième demie et ramené les Alouettes à 17-17. Les Alouettes se sont mis à croire en leurs chances plus que jamais.

Le travail de Boris Bede a été excellent sur ses bottés d’envoi et de dégagement. On a vu en deuxième demie, alors que le match était chaudement disputé, que la bataille du positionnement sur le terrain avantageait les Alouettes. Chaque fois qu’il y avait des échanges de botté de dégagement, les Alouettes étaient gagnants. La moyenne nette (botté de dégagement moins le retour de l’adversaire) de Bede a été de 38 verges, contrairement à 19 dans l’autre clan. C’est énorme comme différence. C’est sûr que le retour de botté d’Alford joue sur la moyenne, mais quand même, c’est non négligeable. Une moyenne nette de 38 verges, c’est excellent, et ce, malgré le fait que Bede a été victime d’un botté dans la zone des buts qui a donné un point. Je ne pense pas que c’est ça qu’on avait voulu faire, mais ce point a quand même aidé la cause des Moineaux en bout de ligne. De la façon que c’est calculé par la LCF, quand tu fais un simple, c’est comme si l’adversaire faisait un retour de 35 verges, parce qu’il doit reprendre le ballon à la ligne de 35. C’est donc venu baisser la moyenne de Bede.

Bref, lui et son unité de couverture de botté ont été excellents. On a grugé du terrain en deuxième demie et l’attaque a ainsi profité de terrains courts. Dieu sait que l’attaque des Alouettes en avait besoin parce qu’elle a connu un match ordinaire.

L’analogie du sandwich

On pourrait comparer l’attaque à un sandwich. La première tranche, c’est la première séquence du match avec 10 jeux et 79 verges qui ont mené à un touché. La dernière tranche, c’est le placement qu’on a réussi à 2:33 de la fin sur une séquence de trois jeux et neuf verges. Entre les deux, il n’y avait pas beaucoup de viande, à part un petit botté de précision à la fin du deuxième quart à la suite de l’interception de Ryan Brown.

Heureusement, les Alouettes ont trouvé un moyen de gagner malgré un gros passage à vide. On a énormément manqué d’opportunisme et on a marqué seulement trois points à la suite des quatre premiers revirements, le dernier revirement étant sur le dernier jeu des Stampeders vu que la victoire était dans la poche. En quatre présences dans la zone payante, on a marqué un touché une seule fois. C’est vraiment décevant. Même si on a eu une attaque anémique et qu’on n’a pas beaucoup obtenu de verges, on est allé quatre fois dans la zone payante. C’est à cause des revirements et des unités spéciales.

Le quart-arrière Vernon Adams n’a certainement pas connu son meilleur match. Il y a eu beaucoup de passes imprécises et de mauvaises décisions. Il a encore une fois été béni, car il y a des passes qui auraient dû être interceptées. Tant mieux pour lui, mais ça pourrait finir par le rattraper.

Il y a d’ailleurs une chose qui me fatigue. J’adore ce que fait Vernon Adams depuis qu’il est avec l’équipe, il a changé la dynamique et il a déjà offert de superbes prestations. Mais il ne faut pas être aveuglé par ça. Oui, il peut être spectaculaire, mais je persiste à dire que l’identité des Alouettes doit passer par William Stanback, Jeremiah Johnson et le jeu au sol. On arrive à l’automne; les conditions changent, il fait de plus en plus froid et il y aura peut-être de la neige en éliminatoires. Le jeu au sol n’est pas assez constant pour moi. On disait que c’était ça l’identité du club en attaque en début de saison. Il ne faut pas être aveuglé par les fins de match spectaculaires de Vernon Adams et les séquences de fou où il a parfois l’air du meilleur quart-arrière de l’histoire. On les prend, mais il faut travailler notre jeu au sol. Il ne faut pas l’oublier. Pour moi, ça va être un élément essentiel d’ici la fin de la campagne.

Les éliminatoires commencent juste au début novembre. Ça veut dire que l’équipe a quatre parties en main pour s’améliorer et se préparer. Ça donne aussi quatre matchs pour vendre des billets. Il n’y a pas de raison pour que le stade ne soit pas plein en éliminatoires. Espérons que les amateurs vont embarquer dans la frénésie et qu’ils vont avoir l’effet du 13e joueur comme ç’a été le cas hier. Il y a eu des pénalités pour procédure inadmissible parce qu’il y avait trop de bruit dans le stade. Si on continue comme ça, ça va devenir encore plus difficile de battre les Alouettes à domicile.

 

Propos recueillis par Audrey Roy