Avec tout ce qui s’est passé avant la rencontre, on pouvait s’attendre à des étincelles sur le terrain au cours du match. Finalement, les événements auront été un précurseur à un affrontement entre les Alouettes et les Stampeders de Calgary tout simplement spectaculaire avec un haut niveau d’intensité.

À la blague, j’aime dire que ceux qui ont regardé le match samedi et qui n’ont pas aimé le spectacle, il faut croire que le football n’est pas fait pour eux.

Je me dois de revenir sur la bataille qui a éclaté lors de la période d’échauffement. Ce ne sont pas évidemment des gestes que l’on veut voir. C’est plutôt rare que l’on assiste à une telle situation au football.

Par contre, je ne peux cacher que j’ai apprécié en quelque sorte la réponse des Alouettes dans les circonstances. Comprenez-moi bien, je n’approuve pas de tels débordements, mais les Montréalais ont à tout de moins montré qu’ils n’étaient pas intimidés même s’ils étaient en territoire hostile. Ils se sont défendus et ils n’avaient pas l’intention de se faire brasser.

Un réserviste qui aurait pu coûter cher

Mon plus gros problème dans la situation, c’est que le joueur impliqué du côté des Stampeders, Wynton McManis, n’était pas en uniforme pour cette rencontre. C’est évident que la Ligue va se pencher sur cette situation et peut-être que nous verrons un nouveau règlement en découler, car ce n’est pas normal qu’un joueur en jogging puisse s’en prendre à un partant.

On voyait sur la séquence que Tommie Campbell a été testé pour sa patience et à un moment le vase a débordé et les coups ont été lancés.

La situation ne pouvait qu’être perdante pour les Alouettes. Dès qu’il y a un coup de poing de lancé dans un match, c’est une expulsion automatique. Cependant, on pouvait argumenter ici que c’était avant la rencontre. C’est pourquoi, je m’attends à ce que la Ligue se penche et revoie ce dossier.

Campbell aurait tout de même pu être sanctionné ou se blesser. Après le coup, s’il se fracture la main, les Alouettes perdent un gros morceau en défense. Si la LCF décide aussi d’imposer des suspensions au courant de la semaine, la formation montréalaise encaissera un dur coup. Je trouve donc dommage déjà que de tels gestes surviennent et que ce soit un joueur qui est tenu à l’écart qui lance le bal.

Au final, le football est un sport d’émotions et même si je n’approuve pas, force est d’admettre que les Alouettes n’ont pas reculé. Les Alouettes ont non seulement remporté la bataille avant le match, mais au cours de la rencontre également. C’est évidemment un petit velours pour les joueurs.

Toute cette intensité a eu des répercussions sur le match et tout indique que les Alouettes ont été les meilleurs pour contrôler leurs émotions. Les Stampeders ont écopé de 13 pénalités pour 141 verges et de ce nombre, cinq rudesses ont été commises, dont trois sur le quart en fin de match et en prolongation.

Les Alouettes ont de leur côté été victime de seulement neuf pénalités pour 92 verges et deux rudesses, au premier quart. Toutes les rudesses des Stampeders ont permis aux Alouettes de prolonger leur séquence.

La bagarre éclate avant le match!

Je leur dit bravo d’avoir su écouter leur entraîneur-chef Khari Jones puisque c’était son message à la suite de l’escarmouche lors de la période d’échauffement. Il disait à ses joueurs de garder leur calme et de rester en contrôle sur le terrain.

Avec une telle attitude, on voit que même s’ils n’avaient pas signé de victoire à Calgary depuis 2009, ils allaient uniquement faire acte de présence. D’autant plus qu’il s’agissait pour moi d’un match baromètre.

Je sais que c’est uniquement le huitième affrontement de la saison, mais on est dans le deuxième tiers de la campagne et il est temps de montrer quel genre d’équipe tu veux être. Calgary est une bonne unité de mesure alors que les Stamps sont la meilleure formation de la dernière décennie.

On va donc espérer que cette victoire lance les Alouettes pour la suite de la campagne. Ils peuvent croire qu’ils sont capables de grandes choses. Je le dis souvent, mais la fin de match doit être mise dans une bouteille, la capsuler, et l’ouvrir au prochain match pour reprendre là où ils ont laissé.

Un exemple d'exécution parfaite

Lorsqu’on décortique la fin de cette partie, il fallait une succession de gros jeux pour que les Alouettes parviennent à l’emporter 40 à 34 en prolongation.

Si je reviens uniquement sur la fin du quatrième quart et de la prolongation, on se rappellera qu’avec 2 min 56 à jouer Calgary gagnait par 11 points avec le ballon. La défense des Alouettes avait besoin de redonner le ballon à son attaque et c’est ce qui s’est produit alors que Fabion Foote a réalisé deux bons plaqués pour obliger les Stampeders à dégager.  La défense a donc rempli sa part du mandat à ce moment.

L’attaque reprenait le ballon à sa ligne de 14 et elle a enchaîné avec une séquence de six jeux et 96 verges qui a mené à la passe de touché à Eugene Lewis. Il fallait la transformation de deux points qui a été réalisée par Jake Wieneke.

Il restait ensuite le botté court et même si je n’ai pas la statistique officielle, je serais étonné que le taux de réussite soit au-dessus de 15 %. Mention honorable à Boris Bede pour le botté parfait et à Lewis pour sa combativité afin de récupérer le ballon.

Bede avait ensuite beaucoup de pression pour le placement qui allait égaler la marque et il y est parvenu. Je sais que ce n’était que sur 27 verges, mais l’enjeu était important pour envoyer les

Alouettes 40 - Stampeders 34

deux équipes en prolongation.

Au fil des ans, on a vu le potentiel énorme de Bede, ce qui fait que les attentes vont en conséquences. Il est vrai qu’il a fait preuve d'un manque de constance ce qui lui a amené des critiques. Ça fait partie des réalités du sport professionnel, mais il faut aussi souligner ses excellents coups. Il a terminé ce match avec un taux de réussite parfait sur ses placements (4/4) et son botté court ne pouvait être mieux réalisé.

Il faut se rappeler que tout juste avant, les Alouettes avaient écopé d’une pénalité pour avoir retardé le match. Avec un niveau de stress au maximum, une telle pénalité, il revient avec un botté de cette qualité. Il est donc très fort entre les deux oreilles pour avoir fait fi de ce cafouillage.

Après le touché des Stamps sur la première séquence en prolongation, John Bowman a été en mesure de rabattre la passe de Nick Arbuckle pour empêcher le converti de deux points. Ce jeu a été un élément déterminant, car après le touché des Alouettes, ils ont à leur tour raté la transformation. On poursuivait donc la rencontre au lieu de décerner la victoire à la formation de l’Ouest.

Sur la deuxième séquence en prolongation des Alouettes, touché de Vernon Adams fils, ce qui nous mène à l’unité défensive qui doit freiner les Stamps pour signer la victoire.

Patrick Levels a obtenu un sac du quart pour faire perdre sept verges à l’adversaire. Il a effectué le plaqué sur le jeu suivant et sur leur dernière chance, les Stamps passent très proche avec une passe incomplète ce qui octroie la victoire aux Alouettes. Il faut dire que ce dernier jeu du match était le premier revirement provoqué, en raison du nombre d’essais, par la défense depuis le troisième quart devant le Rouge et Noir le 2 août dernier. Le moment était idéal pour mettre un terme à cette disette.

Je viens de vous énumérer plusieurs jeux, mais pour qu’une telle remontée se produise, il fallait une exécution exemplaire.

Le retour du balancier

Si dans les semaines précédentes, on vantait avec raison que la défense limitait les dégâts et tenait le fort, à Calgary, nous avons eu un parfait exemple que le football est un sport d’équipe et qu’il est primordial que chaque unité demeure solidaire.

Parfois, on pourrait croire que la frustration pourrait gagner les joueurs défensifs alors que l’attaque a connu sa part d’ennuis. Pourtant personne n’a pointé quelqu’un du doigt et samedi, l’attaque a ajusté la situation en sauvant la mise.

La défense s’est dressée en fin de match, mais elle s’est tout de même fait traverser par un réserviste. Arbuckle a conclu sa soirée avec seulement cinq passes incomplètes. Il en a complété 31 pour 370 verges et quatre passes de touché.

Les gros jeux sont venus hanter la défense, un peu comme en début de saison. On se souviendra lors des deux premiers matchs que cette unité avait alloué neuf gros jeux contre cinq lors des cinq dernières sorties. Samedi, les ennuis à ce chapitre sont revenus, alors que les Stamps ont gagné en quatre occasions d’impressionnants morceaux de terrain, dont deux fois lors du quatrième quart.  

Par contre, l’unité défensive a peut-être alloué beaucoup de terrain, mais elle a été solide lorsque l’adversaire arrivait dans la zone payante. À ce titre, les Stamps n’ont inscrit que deux touchés en cinq présences, ce qui inclut la prolongation.

Bob Slovik a donc une opportunité de montrer les éléments sur lesquels l’équipe doit travailler et il pourra faire un petit rappel sur ce qui se produit lorsque le plan de match n’est pas exécuté.

L'effet Vernon Adams

Du côté de l’attaque, c’était le jour et la nuit entre la première et la deuxième demie. Vernon Adams n’avait pas joué depuis la rencontre devant Ottawa, alors qu’il avait raté celui opposant les Alouettes aux Riders, donc il paraissait chercher un peu ses repères en début de rencontre.

C’est bien beau d’élever le rythme à l’entraînement, mais ce ne sera jamais équivalent à l’intensité dans un match. Sa première demie a donc été difficile, alors qu’il a raté une passe pour un touché de 100 verges à Eugene Lewis, en plus d’être victime de deux interceptions.

Il faut dire que son retour s’effectuait dans un environnement hostile et contre une bonne unité défensive.

« Une victoire pour la ville de Montréal »

Je ne sais donc pas ce qui s’est dit dans le vestiaire après les deux premiers quarts, mais à son retour, tout a changé.

Pour mettre en perspective, les Alouettes avaient inscrit six points avec autant de premiers jeux, 184 verges, dont 105 amassées sur deux jeux, et les Alouettes avaient eu le ballon durant 13 minutes lors des deux premiers quarts.

En deuxième demie et en prolongation, les Montréalais ont récolté 34 points, 25 premiers jeux, 370 verges d’attaque, 53 jeux offensifs avec un temps de possession de 20 minutes. J’ai rarement vu un revirement de situation aussi spectaculaire. Les joueurs ont bien fait sur le terrain et les entraîneurs ont su s’ajuster aussi de leur côté.

Ce match est cependant la preuve que Vernon Adams apporte une dynamique différente. Les Alouettes ne sont pas la même équipe lorsque c’est Adams qui est au poste de quart. Il a un bon leadership, est mobile, mais surtout, il apporte un vent d’espoir pour ses coéquipiers.

Avec lui dans le caucus, les joueurs croient qu’ils peuvent gagner. Un tel sentiment n’a pas de prix au sein d’une unité offensive.

Combien de quarts auraient été démolis mentalement après une première demie comme Adams a connu? Ça n’a pas été son cas et bien au contraire alors qu’il est revenu plus fort que jamais au troisième quart.

Il a notamment été bon sur les deuxièmes essais en allant chercher des premiers jeux avec son bras et ses jambes. C’est pour ses jeux qu’un quart est payé. C’est pourquoi on entend souvent en anglais pour décrire un deuxième essai comme étant le « money down ». C’est alors que le quart peut justifier ou va chercher son salaire. Plusieurs fois, samedi sur des longs deuxièmes essais, Adams a trouvé un moyen de faire avancer les chaîneurs.

Il a aussi été fort courageux alors qu’il s’est fait brasser en fin de match. On se rappelle qu’il revient tout juste d’une commotion cérébrale, mais il n’a pas changé son approche. Ses coéquipiers voient sa réaction sur les vidéos par la suite et ils ont envie d’aller à la guerre pour un tel joueur.

Adams amène aussi une amélioration au niveau de la protection de passes, notamment lorsque l’adversaire applique de la pression. Je sais qu’il a été frappé en plusieurs occasions comme je viens de l’écrire, mais c’était souvent de manière tardive ce qui a attiré des pénalités, donc pendant le jeu, la protection a tenu le coup.

Je me doutais que les Alouettes allaient travailler fort sur cet aspect après les deux échappés qui ont résulté en des touchés contre les Roughriders. La fois où le blitz n’a pas été contré, Adams a évité le joueur avec un pivot. Donc même s’il ne bat pas la pression en lançant rapidement, il a une porte de sortie avec ses jambes. Les entraîneurs ont donc été soulagés de voir l’attaque réagir de la sorte devant la pression.

Ce facteur permettait à l’attaque de poursuivre ses séquences. Au final, elle a effectué 75 jeux sur le terrain, alors qu’un bon match devrait en avoir 60 environs. On pouvait voir que les joueurs défensifs des Stampeders étaient épuisés avec les mains sur les hanches. La défense de Calgary avait alloué trois gros jeux en huit matchs et ils en ont concédé trois devant les Alouettes, ce qui montre les ennuis qu’ils ont connus.

Il faut quand même souligner que les Stamps ont aussi apporté des ajustements et les unités spéciales des Alouettes ont écopé à ce sujet. Calgary avait été pourri sur ses couvertures de botté devant les Blue Bombers de Winnipeg, mais ils ont limité Shakeir Ryan à 24 verges pour une moyenne de 3,4 verges par retour. C’est très peu lorsque le rayon d’action pour un retour est de cinq verges avec l’immunité.

On a donc déjà hâte au prochain match et ce sera un test de maturité contre les Argonauts de Toronto. Après une grosse victoire émotive, on voit certaines équipes tomber à plat. Les Argos ont une fiche horrible avec une victoire en huit matchs.

Les Alouettes devront jouer à leur niveau et je crois qu’ils en sont capables avec ce qu’ils nous ont montré à Calgary.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant