Finalement! Finalement les Alouettes ont signé une belle victoire devant leurs partisans. Finalement, ils ont dominé leurs adversaires, les Argonauts de Toronto. Finalement l’équipe a inscrit 40 points au tableau. Finalement, les trois facettes du jeu ont contribué. Je pourrais poursuivre de la sorte encore longtemps, alors que les Alouettes ont offert une dernière belle prestation à leurs partisans avec cette victoire de 40 à 10.

On va être honnêtes, les Argonauts n’étaient pas des plus motivés pour ce match sans réel enjeu qui était disputé sous la pluie et au froid. Par contre, n’enlevons rien aux Alouettes, ils ont fait ce qu’ils avaient à faire. Ils ont brassé les Argos d’entrée de jeu pour leur faire comprendre que leur après-midi allait être long et misérable.

Avant de me pencher sur les statistiques et les stratégies déployées pour cette rencontre, je tiens à mettre en lumière la domination physique des Montréalais. Ce n’est pas la première fois que j’en parle, mais au-delà des chiffres, le football est un sport émotif où la robustesse a son mot à dire.

Les Alouettes étaient sans doute ceux qui avaient le plus à prouver avec cette dernière confrontation de la saison à domicile et ils voulaient sans doute offrir un beau spectacle aux partisans qui s’étaient déplacés malgré les conditions qui étaient loin d’être favorables.

Les joueurs ont pris cette rencontre à cœur et on ressentait la fierté qu’ils dégageaient à servir une telle volée aux Argonauts.  

Pour avoir une bonne idée de la domination d’une équipe sur le plan physique, les unités spéciales représentent généralement un bon indicateur du portrait de la situation. Celles des Alouettes ont brassé celles des Argonauts. On avait donc de bons indices pour la suite des choses.

Un autre concept qui a été en faveur des Alouettes et de loin, c’est la guerre des tranchées. La ligne défensive a dominé la ligne à l’attaque des Argos. Lorsqu’on compile les statistiques de cette unité des Alouettes, on obtient 11 plaqués, trois sacs du quart sur les cinq enregistrés, un échappé provoqué et deux récupérés. John Bowman a également inscrit un touché, alors que Woody Baron a bloqué un placement. Tous ces faits d’armes sont attribuables à la ligne défensive montréalaise.

Mais la domination en ce qui concerne la guerre des tranchées ne s’est pas arrêtée à la défense, alors que je dois féliciter le travail des bloqueurs sur la ligne offensive devant Johnny Manziel et Antonio Pipkin. Elle n’a accordé aucun sac du quart et l’attaque a enregistré 180 verges au cours de la rencontre avec une impressionnante moyenne de 7,5 verges par course. Pas besoin de vous dire qu’avec de telles statistiques, il est évident la ligne à l’attaque a dominé non seulement le premier, mais aussi le deuxième niveau. La tâche revenait donc aux demis défensifs d’effectuer les plaqués ce qui n’est pas une mince affaire devant des porteurs de ballon physiques comme William Stanback et Lawrence Pittman.

À noter que ce groupe de joueurs n’a écopé que d’une seule pénalité tout au long de ce duel. La discipline était au rendez-vous chez les Alouettes avec un faible total de cinq pénalités pour 45 verges.

En somme, on peut parler d’une prestation presque parfaite de cette unité et c’est rafraîchissant, alors qu’elle a été souvent pointée du doigt cette saison à la suite des ennuis qu’elle a connus.

Enfin, des unités complémentaires

Il faut évidemment saluer la prestation de 40 points des Alouettes. Par contre, il ne faut pas s’emballer trop vite, car lorsqu’on décortique le travail de l’unité dans son ensemble, on réalise qu’il y a encore des points à améliorer. Je ne veux pas faire de l’ombre à cette belle victoire d’équipe, mais tout comme lors des défaites il y avait des éléments positifs à en tirer, l’inverse est tout aussi vrai dans les victoires.

Tout d’abord, ce que ces 40 points m’indiquent, c’est un exemple parfait de la contribution des trois unités : la défense, l’attaque et les unités spéciales.

Les 40 points ne peuvent être uniquement attribuables au travail de l’attaque comme cette unité n’a été sur le terrain que pour 49 jeux et 27 minutes, ce qui n’est pas beaucoup. Ce qui est intéressant dans cette palette de jeux, c’est qu’il n’y en a pas de négatifs, des sacs ou course, et aucune interception.

On s’aperçoit qu’il y a encore du travail à faire et je veux relever deux statistiques pour illustrer mon propos. Il y a les présences dans la zone payante alors qu'en cinq occasions, les Alouettes n’ont pu inscrire qu’un seul touché. Imaginez si l’attaque avait été opportuniste dans cette portion du terrain au lieu de se contenter de placements, ce n’est pas de 40 points dont il serait question, mais bien de 50.

L’autre élément qui attire mon regard, c’est le taux de réussite sur les deuxièmes essais qui était pour ce match à 32 %. C’est difficile dans cette situation de poursuivre les séquences.

Parmi d’autres points à surveiller, j’ai noté le 52% de passes complétées. Habituellement, on vise un minimum de 65 % dans la Ligue canadienne comme la plupart des passes sont courtes et c’est aux receveurs ensuite de gagner des verges après l’attrapé.

L’attaque a enregistré que 246 verges par la voie des airs, mais il faut mettre ça en perspective également. De ce total, il y a un touché de 61 verges, un autre de 42 verges et un jeu de 39 verges. À ces trois jeux seulement, on retrouve 58% de la production offensive aérienne des Alouettes. Ces statistiques me laissaient croire que Manziel allait rester dans la rencontre, question qu’il continue à trouver son rythme et sa constance, au lieu de laisser sa place à Antonio Pipkin après deux quarts. D’ailleurs, comme nous avons déjà vu Pipkin lors de cinq matchs cette saison, je m’attendais à ce que Matthew Shiltz soit celui qui allait être mis à l’épreuve en relève. Il faudra voir si les entraîneurs voudront l’évaluer la semaine prochaine à Hamilton.

Au final, c’est une performance honnête de l’attaque, comprenez-moi bien, mais il ne faut pas s’emballer trop vite, car il y a des éléments à travailler. Je suis certain que les entraîneurs sont conscients de la situation.

Si l’attaque a connu sa part de succès dans cette rencontre, les unités spéciales ont bien porté leur nom alors qu’elles ont bel et bien été spéciales. Il y a évidemment le gros jeu avec le placement bloqué par Baron et récupéré par Bowman, mais Boris Bede a aussi connu une bonne sortie.

C’est vrai qu’il a été parfait sur quatre placements, et que son plus long n’était que de 33 verges, mais on va lui souhaiter qu’il puisse rebâtir sa confiance après un match difficile à Toronto.

Malgré tout, j’ai été véritablement impressionné par l’unité de couverture de bottés de dégagement. Les Alouettes ont enregistré 42 verges nettes sur ces bottés réalisés par Bede. Lorsqu’une équipe s’approche de 40, c’est excellent, mais là les Alouettes ont dépassé ce seuil. Sur six retours de bottés de dégagement, les joueurs des Argos n’ont amassé que neuf verges. Je ne me souviens pas de la dernière fois que j’ai vu une telle prestation, surtout dans la LCF où vous savez, le retourneur dispose d’un cinq verges d’immunité.

Si les unités spéciales ont été à la hauteur, il en va de même pour la défense. Le décompte va comme suit : cinq sacs, deux revirements, un touché marqué, l’adversaire n’a converti que 33 % de ses deuxièmes essais et elle n’a alloué que deux longs jeux, dont une course improvisée de James Franklin pour 27 verges. L’autre gain important des Argos était une passe de 41 verges en direction de Llevi Noel. La défense peut dire mission accomplie.

Vous voyez ce qui peut se produire lorsque le travail des différentes unités est complémentaire. Chacune doit se nourrir du travail de l’autre pour donner l’avantage à son équipe. On en a eu une belle preuve au deuxième quart alors que sur trois jeux consécutifs, chacune des unités s’est illustrée.

Tevaughn Campbell a habilement rabattu une longue passe de Franklin afin de forcer les Argonauts à tenter un placement alors qu'il restait sept minutes à faire avant la demie. Le botté a cependant été bloqué par Barron et c’est Bowman qui s’est retrouvé avec le ballon dans les mains. Dès le jeu suivant, les Alouettes ont fait preuve de créativité avec une remise de Manziel à Eugene Lewis qui a rejoint par la suite George Johnson pour le touché. J’ai souvent dit cette saison que les Alouettes devaient faire preuve de créativité et c’est ce qu’on a vu sur ce jeu truqué de 61 verges. Ces trois jeux réalisés coup sur coup illustrent parfaitement ce qui peut se produire lorsqu’une équipe joue du football complémentaire.

De bons souvenirs pour Bowman et LBJ

Je ne peux passer sous silence dans cette victoire les performances des vétérans Luc Brodeur-Jourdain, John Bowman et Chip Cox. Si ce dernier ne semble pas près d’accrocher ses crampons à la lumière de ses commentaires après le match, il faudra voir quelles seront les décisions de Brodeur-Jourdain et Bowman. Celui-ci a affiché de belles statistiques avec un sac, deux échappés récupérés et un touché. Si jamais il s’agissait de son dernier match à domicile avec les Alouettes, ce serait une belle façon de remercier les partisans.

Dans le cas de LBJ, c’est vrai qu’il n’y a pas vraiment de statistique individuelle disponible, mais si on regarde le travail de la ligne à l’attaque dans son ensemble, on réalise que c’était le meilleur match de la saison de ce groupe de joueurs. Brodeur-Jourdain pourra dire qu’il a fait partie de ce groupe alors qu’il a été au poste de centre durant tout le match. Ce serait donc une fin en beauté aussi dans son cas si c’est la direction qu’il choisit.

Il reste un match à cette saison. S’il était bien vu que ces vétérans puissent disputer le dernier match à domicile, et que la victoire sera évidemment ciblée contre les Tiger-Cats de Hamilton pour clore l’année, j’ose espérer que les entraîneurs vont en profiter pour évaluer les jeunes. Certains ont évolué dans le giron de l’équipe toute la saison et ils devraient avoir leur chance afin d'être évalués.

Cette rencontre peut être perçue comme le premier match préparatoire en vue du camp d’entraînement en 2019. D’autant plus qu’il ne faudrait pas se surprendre de voir les Tiger-Cats reposer certains partants pour cette rencontre comme le sort est joué pour eux aussi. Ils pourraient être tentés d’amener la première unité à l’attaque sur le terrain afin de travailler le synchronisme puisque cette équipe a eu plusieurs blessés au poste de receveur récemment. Hamilton aura donc une décision à prendre pour ce match, mais du côté des Alouettes, je m’attends à ce que les jeunes aient une occasion de se faire valoir.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant

Enfin du positif pour le dernier match
Argonauts 10 - Alouettes 40