J’espère que personne n’a été surpris de ce qui a été annoncé jeudi lors du bilan de la direction des Alouettes pour la saison 2018. J’ose croire que si un communiqué est envoyé mentionnant la présence de Patrick Boivin, Kavis Reed, et Mike Sherman, ce n’est pas pour que l’un d’entre eux soit congédié en direct. Ce n’est pas de la télé-réalité.

D’entrée de jeu, on pouvait donc lire entre les lignes, mais je comprends que certains soient déçus. Si on regarde la fiche des Alouettes sous le règne de Reed à titre de directeur général de l’équipe, l'équipe présente un dossier de 8-28 ce qui est forcément un constat d’échec. Il pouvait donc être difficile de croire qu’il allait être de retour, mais c’est la décision qui a été prise par la direction.

Je ne veux pas passer au peigne fin toutes les décisions avec lesquelles je n’ai pas été en accord, mais les Alouettes ont opté pour la stabilité et la continuité. L’organisation entrevoit une bonne fondation et une progression au cours de l’année. Elle continue de suivre le plan et si je me fie à ce qui a été dit, Boivin a lancé un défi à Reed et Sherman, soit qu’il faut plus de victoires. Il a mentionné au début de son discours : « c’est bien beau la progression, mais il faut qu’elle se traduise en victoires ». Il n’a pas voulu donner de chiffres, mais je pense que le but ultime est de participer aux éliminatoires.

Lorsqu’on regarde le portrait d’ensemble, on voit que Boivin a réitéré son vote de confiance à l’endroit de son directeur  général. Ils sont ensemble dans cette aventure, donc si l’an prochain les résultats ne sont pas plus encourageants, j’ai l’impression que les Alouettes pourraient devoir se chercher un président, un directeur général et un entraîneur-chef.

Il y a bien des décisions qui ont été prises qui m’ont fait sourciller au cours de l’année, mais une chose est certaine, et qu’on aime ça ou pas, ils croient en leur plan et je respecte ça. Même si on est parfois en désaccord, force est d’avouer qu’ils ne dérogent pas de leur plan initial et il faudra voir si les résultats vont suivre. Ils acceptent ainsi de mettre leur tête sur le billot.

Je mentionnais en ouverture de ma chronique qu’il n’y avait pas de raison d’être surpris de ce qui est ressorti du bilan, car si vous étiez sur nos ondes lors de l’avant-match de la dernière rencontre à domicile des Alouettes contre les Argonauts de Toronto, Boivin et Reed ont tenu sensiblement le même discours sur le plateau. Il ne manquait que Sherman, mais on pouvait alors déjà entrevoir les grandes lignes du bilan et c’est ce qu’on a vu effectivement.

Une progression à comparer à travers la LCF

Les trois hommes s’étaient évidemment parlé avant de monter sur l’estrade alors qu’ils ont tous tenu à remercier les partisans pour leur patience et qu’ils comprenaient leur déception. Sherman a d’ailleurs maintenu qu’il avait été déçu de ne pas avoir offert de meilleurs résultats surtout à domicile. Ils ont ensuite enchaîné sur la progression qu’a connu l’équipe à partir notamment de la deuxième moitié de la saison.

Kavis Reed a vidé le noyau de l'équipe

La progression est un concept qui peut être évalué sous différents angles. C’est certain qu’on peut noter une amélioration à certaines positions et dans certaines facettes du jeu si les Alouettes se limitent à s’autoévaluer. Pourtant, une progression doit aussi être analysée en se comparant avec le reste de la ligue. De ce côté, je ne suis pas certain qu’il y a véritablement eu une progression.

L’attaque figure au neuvième et dernier rang pour les verges et les points, alors que la défense figure au huitième échelon dans ces deux catégories. Peut-être qu’il y a du progrès à l’interne, mais les Alouettes se situent toujours dans les bas-fonds selon les standards des bonnes équipes à travers la LCF. C’est en se comparant avec les meilleurs qu’on peut juger d’une progression ou pas et c’est sur cet aspect que je demeure un peu sur mon appétit.

On peut se consoler en s’autoévaluant sur le fil d’une saison, mais pour avoir un portrait honnête et juste de la situation, il faut se comparer avec les autres formations. Pour le moment les Alouettes étaient au neuvième rang en attaque et huitième en défense, ce qui ressemble sensiblement au bilan de l’an dernier également.

Des transactions qui doivent rapporter

Lorsque Kavis Reed a pris la parole, il a pris ses responsabilités, mais encore là il n’y avait pas de réelles surprises dans cette approche. Il a une fois de plus mentionné qu’il avait conclu des transactions en raison des blessures survenues en cours de saison et ce point me chicote toujours. Est-ce que ça veut dire que dès qu’une blessure survient, il est prêt à se départir de joueurs pour aller en chercher d’autres, car il y a un manque sur le plan de la profondeur. C’est une pensée à court terme, mais le rôle d’un directeur général est de mettre une bonne équipe sur le terrain pendant plusieurs années. Un entraîneur doit gagner dans l’immédiat, mais un DG doit regarder sur le long terme également.

Je reviens encore une fois sur cette transaction, impliquant Ryan Bomben et TJ Heath. Les Alouettes ont senti le besoin de se départir de Bomben pour aller chercher un demi-défensif de 31 ans. La même situation s’est présentée lorsqu’il a été question de faire l’acquisition de Johnny Manziel. Au final, on réalise que les Alouettes ont donné beaucoup d’actifs pour un retour qui est souvent incertain. Si ce n’est pas un vétéran comme Heath, les Alouettes ont mis la main sur des joueurs avec du potentiel et des choix au repêchage. Si on met de côté Tony Washington, les Alouettes ont mis la main sur Manziel qui a encore ses preuves à faire et on ne sait pas ce que deviendront les choix au repêchage. Si jamais certains ne deviennent pas des joueurs établis, ce sera un autre constat d’échec.

Si on veut se comparer, l’exemple parfait pour moi dans ce dossier, ce sont les Stampeders de Calgary. Ils ont eu de nombreuses blessures au poste de receveur, mais on ne les voyait pas conclure des transactions pour pallier à leurs absences. On a vu l’importance de leur profondeur au sein de l’équipe, leur équipe de pratique et leur liste de négociations. Ce sera encore plus important d’avoir les ressources au sein de l’organisation avec l’arrivée d’une nouvelle ligue, Alliance of American Football.

La présence de Wetenhall aurait été appréciée

Alors qu’on assistait au bilan de la direction, je dois avouer que j’ai été déçu de ne pas voir le propriétaire Andrew Wetenhall sur place et aussi prendre part à l’exercice. Si on veut des opérations football efficaces et productives, c’est évident qu’il faut jouer dans le budget. Il aurait ainsi pu éclairer la situation, car on ne connaît pas les outils qui sont à la disposition de Kavis Reed pour mener à bien son projet.

« Je n'ai jamais voulu remplacer Kavis »

Au final, c’est le propriétaire qui a le dernier mot en ce qui concerne le budget. Sans connaître les rouages des opérations football, est-ce qu'ils ont le budget adéquat pour remplir leurs fonctions? J’ai beau m’interroger et espérer que Kavis Reed évalue plus de joueurs chaque semaine, mais s’il n’a pas les fonds nécessaires pour y arriver, c’est donc impossible. Éventuellement, il faudra attirer des joueurs qui pourront faire briller la LCF et vendre des billets alors que d’autres ligues professionnelles vont venir la concurrencer. Pour développer un réseau, faire appel à des dépisteurs et faire venir des joueurs dans les installations, il faut un propriétaire qui est prêt à dépenser. Je sais que dans le passé, les Wetenhall n’avaient pas d’inconvénients de ce côté, mais est-ce que la donne a changé au cours des quatre dernières années alors que la situation est plus difficile? Le robinet a-t-il été coupé? C’est pourquoi il faut faire attention avant de porter des conclusions trop hâtives alors qu’on n’est pas à l’interne pour savoir tout ce qui se passe. J’aurais donc aimé que le propriétaire soit sur place pour nous donner un portrait de la situation.

Après le président et le directeur général, Mike Sherman a lui aussi dressé un bilan de sa première saison à la barre des Alouettes. Il a souligné qu’il allait faire une évaluation complète de son personnel d’entraîneurs et à la vue des résultats, je n’ai d’autres choix que de me tourner vers le coordonnateur à l’attaque Khari Jones et l’entraîneur de la ligne à l’attaque Paul Dunn alors qu’il y a eu plusieurs ennuis de ce côté. Je sais qu’on ne peut attribuer les fautes à un seul homme, mais Sherman n’a d’autres choix que d’évaluer ces positions alors que l’équipe a eu la pire attaque et la ligne à l’attaque est celle qui a concédé le plus de sacs du quart.

Un autre point que Sherman a dit et qui m’a fait réfléchir, c’est lorsqu’il a été question du niveau de préparation de Manziel. Sherman a paru hésitant à répondre, ce que je trouve particulier. La position de quart-arrière est névralgique. C’est lui qui mène par l’exemple, qui est censé être le premier sur le terrain et le dernier à le quitter. Il a laissé entendre que tous les quarts pouvaient s’améliorer et mieux se préparer. Avec la technologie aujourd’hui, rien n’empêche Manziel de faire de l’étude des vidéos chez lui à la maison, mais si on lit entre les lignes, on sent que c’est un point à surveiller pour l’an prochain.

Sherman a d’ailleurs souligné qu’il voulait une compétition au camp d’entraînement au poste de quart et c’est ce que font les bonnes équipes habituellement. Ce sera le travail de Kavis Reed de s’assurer qu’il y aura de la compétition, mais pas uniquement entre Manziel et Pipkin, mais à toutes les positions.

C’est certain qu’avec une fiche de 8-28 au cours des deux dernières années, la marge d’erreur est très mince et j’ai déjà hâte au camp d’entraînement et au premier tiers de la saison pour entrevoir si cette progression se traduit bel et bien en résultats.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant