Le calendrier préparatoire des Alouettes s’est terminé samedi après-midi par un deuxième revers en autant de rencontres, et même si la prudence est de mise quant aux conclusions qu’on peut tirer de matchs présaison – parce qu’il est vrai que ça ne compte pas et que ça ne veut rien dire – je ne peux cacher ma déception par rapport à la deuxième moitié du duel face aux Tiger-Cats de Hamilton. Je suis persuadé que la deuxième demie a laissé un goût amer dans ce vestiaire.

N’ayons pas peur des mots : après 30 minutes de football encourageantes avec les partants dans la mêlée, les réservistes ont pris le relais et ce fut tout laborieux, voire même catastrophique.

Ce n’est plus du tout le même club quand la première équipe quitte vers les lignes de côté, et cela pointe vers un manque de profondeur évident relativement aux autres clubs.

Face au Rouge et Noir d’Ottawa, les remplaçants des Alouettes ont été dominés 19-1 au tableau indicateur. Et samedi? Pire encore : ils ont inscrit un point et en ont concédé 30 aux Tiger-Cats. C’est le genre de chiffre qui renforce l’idée que l’équipe de Mike Sherman doit demeurer en santé pour être compétitif en 2018.

Un autre chiffre gênant pour le groupe de réservistes est le nombre de verges gagnées par l’attaque contre Hamilton. Sur 25 jeux, ils ont réussi à engranger des gains de 27 verges! C’est famélique...

Une victoire aurait fait du bien

Je suis de ceux qui croient qu’une équipe fragile comme les Alouettes, qui n’a pas goûté aux matchs éliminatoires depuis trois ans, qui n’a remporté que trois parties la saison dernière et qui n’a obtenu que neuf victoires (contre 18 revers) devant ses partisans depuis le début de sa séquence sombre, doit gagner des matchs le plus rapidement possible pour changer son état d’esprit.

Je veux commencer à voir des joueurs avec le sourire accroché au visage, qui savourent les succès du groupe, qui célèbrent ensemble leurs réussites. Ces rituels très importants dans une équipe sportive, les Als n’ont pas pu les mettre à exécution depuis belle lurette; c’est-à-dire 11 matchs d’affilée pour être exact. J’aurais souhaité voir les Montréalais gagner leurs matchs préparatoires – même s’ils ne signifient rien au classement – pour que les joueurs puissent se relâcher un peu.

C’est un exercice difficile d’analyser en profondeur ces matchs car les entraîneurs n’en dévoilent pas trop sur leurs stratégies et qu’on tente des expériences. Les ajustements effectués à même un match ne sont pas les mêmes qu’en saison régulière. Néanmoins, je choisis de m’accrocher au positif en repassant sur les faits marquants de la rencontre face aux Ti-Cats.

Les partants ont été convaincants

À l’avant-plan, il y a la qualité du jeu démontré par la première unité des Oiseaux. Lorsqu’elle était sur le terrain contre Ottawa, elle a eu les devants 6-0 pendant environ huit à neuf minutes. Puis samedi, contre Hamilton, les unités offensive et défensive partantes ont permis à Montréal de se donner une priorité de 13-0. C’est donc dire qu’en combinant les deux matchs, les joueurs qui sauteront sur le terrain pour débuter la saison 2018 auront blanchi leurs rivaux jusqu’à présent.

Il faut évidemment ajouter un bémol important, puisque les visiteurs se sont présentés au Stade Percival-Molson sans plusieurs des vétérans qui feront partie de leur effectif à compter de la première semaine d’activités. Il y avait beaucoup de joueurs des deuxième et troisième équipes parmi la formation de départ.

Tiger-Cats 30 - Alouettes 15

Sachant que c’était un premier contact avec les partisans montréalais cette année et que les Ti-Cats n’arrivaient pas avec l’artillerie lourde, il aurait fallu se dire : « On s’impose dès le début. On les sort du match et on les fait abdiquer ». Ce n’est pas vraiment cette mentalité que j’ai observée. Même si les partants n’ont rien à se reprocher, je n’ai pas senti l’instinct du tueur, et plusieurs points ont été laissés sur le terrain.

J’ai trouvé particulièrement encourageant de voir les nouvelles acquisitions de Kavis Reed en défense se signaler avec des jeux d’impact. Jamaal Westerman a réalisé un sac du quart, tout comme Henoc Muamba, qui était partout sur la surface de jeu. Ce dernier a totalisé cinq plaqués durant sa courte utilisation samedi. C’était la première occasion de montrer au public montréalais leur savoir-faire, et ils s’en sont bien servis.

Durant ces deux matchs préparatoires, les partants de l’unité défensive n’ont pas concédé de point à leurs rivaux. Que demander de mieux de leur part?

Ces deux parties ont permis de clarifier une chose : c’est la défense qui devra donner le ton en 2018 en gardant le fort, en espérant qu’un soir donné, l’offensive arrivera à prendre ses aises et produire.

Un autre élément positif, dans le contexte actuel, est que Drew Willy n’a pas cherché à trop en faire durant les minutes de jeu qui lui ont été données, ce qui est exactement ce qui est demandé de lui. Il faut se l’avouer : Willy n’est pas un quart qui regorge de talent. Le point le plus important à retenir est qu’il n’a pas été victime d’un revirement. On souhaiterait tous pouvoir se fier à un quart qui, semaine après semaine, menace d’engranger 400 verges de gains aériens et de décocher trois passes de touché. Ce n’est pas la réalité à laquelle sont confrontés les Alouettes à l’heure actuelle.

L’instructeur Sherman doit se contenter d’attentes plus modestes envers Willy. Il est une facette complémentaire de l’attaque, avec un jeu au sol efficace, et surtout, des performances à la hauteur des membres de la ligne offensive.

Des raisons de douter de la ligne offensive

D’ailleurs, parlant de cette fameuse ligne, j’ai remarqué à l’entraînement de la semaine dernière que la position de bloqueur est encore loin d’être coulée dans le béton. Il y avait de nombreuses permutations, ce qui m’indique que les expériences se poursuivent, et qu’aucun joueur parmi ce jeune groupe n’a réellement mis son empreinte sur un poste disponible. Ça s’est ressenti contre les Ti-Cats : la ligne à l’attaque en a arraché. C’est là que se situe mon inquiétude, car si tu mises sur le genre de stratégie offensive qui n’en demande pas trop à son quart, il faut bien que la ligne à l’attaque soit dominante. Si ce n’est pas le cas, la porte s’ouvre pour toutes sortes d’ennuis. On devra surveiller ça de près à l’approche du premier match de la saison.

Ça pourrait aisément ramener à l’avant-plan la décision de l’état-major de libérer le vétéran Jovan Olafioye le mois dernier, avant le début du camp. Quand on regarde le jeu sans conviction de la ligne offensive durant ce court échantillon, ça ne fait pas trop bien paraître les Alouettes. Cependant, je suis conscient qu’il y a des facteurs qui ont motivé cette décision, tels que l’état de santé d’Olafioye et la place occupée relativement au plafond salarial.

Je trouve cocasse qu’Olafioye entamera sa saison 2018 avec les Lions de la Colombie-Britannique, qui recevront... les Alouettes samedi prochain. Nul besoin de dire que ça fera jaser encore plus si le joueur de ligne devait disputer un match du tonnerre contre John Bowman, Westerman et compagnie.

Si la ligne offensive représente une déception jusqu’à présent, je me dois de mentionner dans la même veine les prestations sans éclat du receveur Ernest Jackson. L’Américain de 31 ans a été visé à quatre reprises en deux matchs, et n’a toujours pas un attrapé au compteur (0 en 2 dans chacun des matchs). Oui, c’est un petit échantillon et la qualité des passes dirigées vers lui n’était pas toujours parfaite, mais je veux le voir en donner plus car c’est un gros salarié de l’équipe. Jackson doit se présenter et faire la différence avec le salaire qu’on lui consent.

Il n’est pas le seul joueur d’expérience à avoir erré durant le match de samedi. Comment passer sous silence le ballon échappé bêtement par Stefan Logan, ou bien les deux bottés de placement très réalisables (sur 33 et 43 verges) qu’a manqués Boris Bede? Ce sont deux vétérans de l’équipe qui commettent des impairs qui changent la dynamique du match.

L’an dernier, deux aspects du jeu expliquaient à mon sens en grande partie les déboires des Alouettes : une propension pour l’indiscipline et une manie de continuellement perdre la bataille des revirements. On aborde 2018 en espérant que ce refrain va changer, mais en deux matchs préparatoires, les Montréalais ont été l’équipe la plus punie les deux fois, et le ratio des revirements a été défavorable aux Als les deux fois aussi.

Si on veut oublier les Alouettes de 2017, ça commence par une amélioration nette dans ces phases du jeu. Il faut arrêter de redonner le ballon à l’adversaire et de se tirer dans le pied. Les Oiseaux ne sont pas assez dominants en ce moment pour faire des cadeaux ici et là aux équipes rivales.

Attendons quand même jusqu’à samedi à Vancouver avant de se former des opinions plus informées envers les performances de l’équipe. Je souhaite voir une équipe compétitive qui reste bien présente dans les matchs en deuxième demie, au quatrième quart, dans les deux dernières minutes. Trop souvent, ce ne fut pas le cas en 2017. Si on peut emprunter cette direction, il y aura des raisons de croire que l’équipe progresse et que la saison 2018 contiendra son lot de moments de réjouissance.

* propos recueillis par Maxime Desroches