MONTRÉAL – « Quand Marv Levy est arrivé, les Alouettes étaient pourris ! Il a créé cette stabilité à Montréal. Son impact a été énorme sur la LCF. À cette époque, le football à Montréal, c’était rock’n’roll et Marv Levy était l’auteur de ce qui se passait. »

 

Larry Smith a le droit de le dire, il venait de disputer sa saison recrue, en 1972, avec les Alouettes et il a assisté au vent de changement insufflé par Levy qui arrivait, en 1973, de la NFL.  

 

Marv LevyCe serait réducteur de parler d’un simple vent. Un ouragan de succès a plutôt déferlé à Montréal durant son passage de cinq saisons (de 1973 à 1977) aux commandes de l’organisation. Son influence a permis aux Alouettes de remporter la coupe Grey en 1974 et en 1977. Un troisième championnat a échappé, de justesse, au club en 1975 lors d’une défaite de 9 à 8.

 

On vous parle de cette époque puisque les Alouettes ont déployé de valeureux efforts pour que leur ancien pilote soit élu au Temple de la renommée du football canadien (CFHOF). Puisque non, malgré un parcours si convaincant, Levy n’y a pas encore fait son entrée. Même s’il est encore très solide pour un homme de 95 ans, le temps presse.

 

« C’est le temps que ça se fasse, martèle Smith au RDS.ca. Il faut être affirmatif, dans un sens positif, pour faire réaliser que la contribution de Marv Levy a été historique. Edmonton et Montréal formaient des équipes impressionnantes durant cette décennie et Marv était à l’origine de ça. »

 

Smith se permet de parler d’une décennie puisque l’héritage de Levy ne s’est pas arrêté quand il est retourné dans la NFL. Wally Buono, un autre des piliers de Levy à Montréal, tient également à insister sur ce point.

 

« Oui, Marv a quitté après cinq saisons, mais les Alouettes étaient encore très puissants en 1978 et 1979 alors que l’équipe était bâtie avec ses joueurs », a soulevé Buono en faisant référence aux défaites des siens lors du match ultime.

 

C’est d’autant plus pertinent que cette précision vienne de Buono, car il siège sur le comité de sélection de cette institution qui dévoilera, d'ici 10 jours, sa cuvée 2021.

 

Évidemment, Buono utilise son droit de réserve pour ne pas commenter les détails des récentes délibérations. Cela dit, Smith espère de tout cœur que son ancien coéquipier se montre très persuasif.

 

« Wally doit démontrer sa polyvalence pour influencer les autres. Des fois, dans un Temple, il y a des gens qui ont un peu la tête dure, ils ont une opinion sans avoir toute l’expérience. J’espère que Wally, qui a été le meilleur entraîneur depuis 30 ans, puisse influencer les gens pour leur faire réaliser qu’on doit respecter le travail accompli par Marv », a déclaré Smith.

 

Plus d'humanité et de professionnalisme

 

Pour l’instant, la candidature de Levy a été stoppée car il ne s’est arrêté dans la LCF que pendant cinq ans. Mais il y a quelque chose d’admirable dans la portée de son arrêt en sol canadien. En fait, son approche humaine influence, aujourd’hui encore, plusieurs de ses protégés.

 

« Quand il est arrivé, on a rapidement compris que c’était un homme spécial, il était différent des entraîneurs que nous avions eus. [...] Ce n’était pas un homme disciplinaire, il était ouvert d’esprit, il pensait avant de parler et il avait de l’empathie », a décrit Smith qui n’a pas eu autant de plaisir sous les ordres de son successeur, Joe Scannella.

 

Bien sûr, ça lui arrivait de dire à un joueur de se « fermer la gueule », mais il savait garder une proximité saine avec sa troupe.  

 

« On entend souvent dire qu’un entraîneur a perdu la chambre, mais Marv n’a jamais rien perdu avec nous. Il n’abordait pas les situations en explosant de colère et il n’avait pas peur non plus de démontrer ses émotions à ses joueurs », a vanté Smith.

 

Moins dictatorial que bien des entraîneurs de son époque, Levy ne faisait toutefois pas de compromis sur les ressources fournies à ses hommes. Près de 50 ans plus tard, Buono le remercie encore d’avoir mis fin aux modestes roulottes dans le stationnement de l’Autostade.

 

« Il a déplacé le camp d’entraînement au Collège militaire à Saint-Jean-sur-Richelieu, un très bel endroit avec de l’excellente nourriture. On avait l’impression d’être traité aux petits oignons », a raconté Buono en se rappelant d’une autre histoire.  Larry Smith

 

« En 1974, le match de la coupe Grey était à Vancouver. On arrive là-bas et notre réservation était dans un motel. Marv était si furieux! Il nous a dit qu’il allait s’occuper de régler ce dossier. Dès le lendemain matin, on a déménagé dans un bel hôtel au centre-ville. C’était la classe avec Marv, il ne tournait pas les coins ronds et on a gagné le match », a-t-il ajouté.

 

En retour, Levy s’assurait de l’imputabilité de ses joueurs. Si ceux-ci ne répondaient pas à ses attentes, ils allaient payer le prix. D’ailleurs, les vétérans avaient la permission de Levy pour ramener les fautifs à l’ordre.

 

Pour l’ensemble de son œuvre, Levy a exercé un changement très bénéfique sur l’organisation en succédant à Sam Etcheverry.

 

« Sam était une bonne personne et un bon joueur, mais je ne suis pas certain que c’était sa vocation de devenir entraîneur », a convenu Buono.

 

C'est dans la LCF qu'il a goûté aux grands honneurs

 

Entraîneur durant plus de 40 ans, Levy (qui a inité le retour de Doug Flutie dans la NFL) a vu une tonne de joueurs se défoncer pour lui, mais ils n’ont pas regretté ce dévouement.
 

Marv Levy« Marv n’a jamais oublié ses joueurs que ce soit dans la LCF ou la NFL. Tous ses anciens joueurs disent la même chose à propos de lui. Tu peux sentir le grand respect qu’ils ont pour lui », a insisté Buono qui a été surpris par quelques attentions spéciales comme des billets ou une accréditation pour voir un match hors-concours sur les lignes de côté.

 

« Il m’a donné une copie de son livre (Where Else Would Rather Be ?). Il y avait un passage sur son expérience avec les Alouettes dans la LCF. Marv a toujours dit que les gens comme Wally, Dickie Harris, Glen Weir, Gordon Judges et Larry Smith ont toujours été à la hauteur. C’était juste un petit paragraphe, mais j’ai bien aimé qu’il n’ait jamais oublié les histoires derrière son succès et les gens qui ont contribué à son succès », a témoigné Smith.

 

Ce n’est pas pour rien que les anciens protégés de Levy chez les Alouettes tiennent à ce que la LCF ne l’oublie pas à son tour. Après tout, c’est au Canada qu’il a goûté à l’ivresse d’un championnat puisque ses Bills de Buffalo ont manqué de veine à leurs quatre présences consécutives au Super Bowl.

 

« Chaque fois, je lui ai envoyé un petit message qui ressemblait à ‘Coach, c’est dommage, votre équipe a bien joué. Mais, on a gagné deux fois pour toi à Montréal’. Il me répondait toujours avec humour », a confié Smith en riant.

 

« On était tristes quand il est parti, mais on savait que ce n’était qu’une question de temps. Il était trop bon pour ne pas avoir la chance de monter (comme entraîneur-chef dans la NFL) », a conclu Smith.