La saison 2018 des Alouettes s’est terminée samedi soir avec une victoire de 30-28 au domicile des Tiger-Cats de Hamilton.

Puisqu’il y a peu d’intérêt à analyser de fond en comble un match disputé face à une équipe B, j’irai plutôt avec un commentaire sur l’étrange décision des Montréalais d’envoyer tous leurs partants dans la mêlée au Tim Hortons Stadium.

Pour un club dont le mot d’ordre devrait être « Vivement 2019 » depuis quelques semaines, j’ai trouvé difficile à justifier le choix de ne pas se tourner vers la jeunesse pour cette dernière rencontre sans signification.

Je comprends que c’était plaisant de terminer sur une bonne note, d’ajouter un deuxième gain d’affilée, de compléter le calendrier avec deux victoires de plus que l’an dernier (5 contre 3). On voulait boucler la boucle avec un certain enthousiasme, et je comprends cette mentalité.

Cela dit, était-ce la meilleure chose à faire pour 2019?

À mon sens, la rencontre à Hamilton était l’occasion tout désignée pour évaluer les jeunes membres de l’organisation. On ne l’a pas fait du tout, à l’exception de la rotation entre trois quarts-arrières durant le match.

Ce sont les soi-disant partants offensifs et défensifs qui sont restés sur le terrain de la première à la dernière minute.

Ça m’a chicoté, je vous l’avoue. Dans une ligue où il n’y a que trois semaines d’entraînement au printemps, qui ne compte que deux matchs préparatoires au calendrier, et dans laquelle le camp printanier a été aboli, les opportunités d’évaluer les joueurs sont extrêmement limitées.

Être éliminé depuis plusieurs semaines, c’est dommage. Mais ça te donne le luxe de jeter les fondations en vue de la saison 2019. D’évaluer si les jeunes joueurs de l’organisation ont ce qu’il faut pour passer à l’étape suivante.

C’est aussi l’occasion de remercier des jeunes joueurs qui ont bûché tout au long des derniers mois comme réservistes. Ces jeunes ont joué le rôle des joueurs adverses à l’entraînement pour préparer l’unité partante. Certains se sont défoncés sur les unités spéciales match après match, en attente d’une chance de se faire valoir à l’attaque ou la défense.

Cette manière de procéder m’a agacé, et ça m’a encore plus chicoté quand j’ai observé les autres équipes de la LCF pour lesquelles le match de la fin de semaine n’avait aucun enjeu précis donner du temps de jeu à leurs deuxième et troisième unités.

Comme je l’ai dit, ça permet d’évaluer et remercier ces jeunes joueurs. Ça permet de juger l’étendue de leur progression. Peut-être leur niveau de jeu est-il tout près du joueur dont ils sont le réserviste, à un salaire moindre? Il y a donc aussi une implication financière.

De voir les Alouettes faire jouer ainsi leurs partants lors de la 18e semaine m’amène aussi à me demander s’ils ont l’impression de manquer de profondeur.

Si tu ne donnes pas le moindre temps de jeu à tes jeunes, est-ce parce que tu considères qu’ils n’ont pas ce qu’il faut pour jouer au niveau professionnel? Ou bien est-ce un désaveu envers tes entraîneurs et tes recruteurs?

À quelque part, si la réponse est qu’ils ne sont pas prêts à obtenir du temps de jeu après avoir passé l’année dans l’entourage de l’équipe, il faut trancher : est-ce un problème de talent ou un problème de développement?

À la fin d’une saison de misère, une victoire peut évidemment donner à tout le monde des raisons de sourire. Mais n’oublions pas que les Oiseaux étaient à un placement raté en fin de match de s’incliner devant le groupe de réservistes des Ti-Cats (leur équipe B à bien des positions, et même l’équipe C en ce qui a trait aux receveurs).

Les hommes de Mike Sherman jouaient contre un quart recrue qui avait décoché cinq passes dans la LCF avant ce départ. Le jeune homme a amassé plus de 300 verges aériennes contre les partants montréalais.

C’est donc à mon sens une victoire à saveur de défaite compte tenu des circonstances.

Le malaise entourant Martin Bédard

J’ai remis en question la présence de profondeur dans l’équipe en début de chronique. Si la situation relative à la jeunesse de l’équipe ne vous en a pas persuadé, que dire de la situation du spécialiste des longues remises Martin Bédard?

Victime d’une blessure à un genou – c’est du moins ce que ça nous semblait être –, Bédard a passé la dernière portion du match à boiter. Je suis conscient que je ne connais pas tous les éléments et ce qui se dit sur les lignes de côté, mais tout de même. Je n’étais pas fier des Als d’avoir procédé ainsi. C’était absolument clair qu’il ne jouait que sur une jambe dans une partie sans enjeu.

Je connais peu de joueurs de football qui se sortiront eux-mêmes d’un match lorsqu’ils se blessent. Il est donc possible que Bédard ait insisté pour jouer en dépit de la douleur. Que le médecin de l’équipe lui ait suggéré de jouer s’il arrivait à tolérer la douleur. Qu’on lui ait garanti qu’il n’aggraverait pas la blessure en poursuivant.

Mais je me dis que dans un cas comme dans l’autre, peu importe. Si je suis entraîneur et que je vois ça, j’envoie quelqu’un d’autre prendre la place de Bédard. Il n’y a pas de chance à prendre alors que la victoire ne veut strictement rien dire.

Le problème? Vous l’aurez peut-être deviné : les Alouettes n’ont pas de réserviste pour Martin Bédard depuis qu’ils ont échangé Patrick Lavoie le 10 octobre dernier. Lorsqu’on dit que la préparation est une affaire de détails, en voici une preuve assez évidente.

Il faut croire que depuis près d’un mois, les Als évoluaient sans plan de rechange advenant une blessure à leur spécialiste des longues remises. Est-ce pour cette raison qu’on a tenté une transformation de deux points au deuxième quart? Est-ce pour ça que l’attaque a tenté sa chance par la passe sur un troisième essai à la fin de la demie? Ça fait un peu amateur de ne pas avoir de réserviste... C’est une situation tout à fait inacceptable que j’arrive mal à m’expliquer, et qui d’un point de vue extérieur, fait mal paraître l’organisation.

Dans les équipes pour lesquelles j’ai joué, l’entraîneur des unités spéciales demandait toujours au groupe si un de nous avait, à un moment ou un autre dans son parcours dans le football, effectué des longues remises. Quelques mains se levaient, et les joueurs en question prenaient quelques minutes ici et là durant la saison pour s’exercer, juste pour s’assurer que l’équipe ait une bouée de sauvetage au besoin.

Quand tu termines la campagne avec un dossier cumulatif de 5-13, c’est ce genre de détails sur lesquels on accroche qui ressortiront dans l’évaluation de la performance d’équipe.

Je félicite Martin Bédard pour son courage d’avoir continué à jouer dans ces circonstances, même si la situation est déplorable.

Les unités spéciales : philosophie et personnel

L’état-major des Alouettes s’apprête à faire son bilan jeudi, alors il est possible que certaines de nos interrogations trouvent réponse à ce moment.

En attendant, je vous invite à lire la chronique de mon collègue Bruno Heppell, qui évalue avec beaucoup de justesse les décisions qui devraient être prises quant à l’effectif offensif et défensif.

Pour ma part, j’ajouterai à l’analyse de Bruno qu’il faut évaluer les unités spéciales aussi. Le botteur et le retourneur doivent faire partie de cette évaluation.

Le coordonnateur des unités spéciales, Mickey Donovan, est jeune. Il vient de terminer sa première année. Il ne peut que s’améliorer après une saison d’adversité, mais il faut tout de même déterminer avec certitude s’il est l’homme de la situation. C’est trop important, surtout avec une attaque qui depuis plusieurs saisons ne produit pas de manière satisfaisante.

Lorsqu’il faut aller chercher trois points sur un botté, il faut que ceux-ci soient garantis. Lorsqu’il faut dégager le ballon, il faut s’assurer que celui-ci ne nuise pas à notre positionnement. Et ainsi de suite pour le retour de botté. En 2018, les Als n’ont pas eu ça assez suffisamment de constance. C’est donc une autre facette qui doit être passée au peigne fin, tant dans le personnel que dans sa philosophie.

Je prends l’exemple des Stampeders de Calgary et du Rouge et Noir d’Ottawa. On a là les deux équipes classées au premier rang de leur association respective. C’est drôle, ces deux clubs-là ont pris la décision d’inclure deux botteurs dans leur formation, quitte à compter un réserviste de moins à autre position. Peut-être est-ce un hasard que ces deux clubs soient au sommet, mais c’est simplement pour démontrer que ça se fait ailleurs dans la LCF.

Les unités spéciales sont trop importantes pour amorcer l’année dans l’incertitude qu’un botteur ne peut livrer la marchandise à lui seul. C’est pourquoi je dis que la philosophie des unités spéciales doivent être revue, et pas seulement les joueurs qui les composent.

* propos recueillis par le RDS.ca