Les Alouettes de Montréal se sont inclinés 45-20 à leur premier match préparatoire jeudi contre les Argonauts de Toronto.

Il faut toujours faire attention quand on analyse des matchs préparatoires, il y a toujours de gros bémols. Il faut prendre ça avec un grain de sel car on ne jouait pas à forces égales. Au moment de prendre l’avance 20-0 au premier quart, les Argos jouaient avec leurs premières unités offensive et défensive pendant que les Alouettes jouaient avec beaucoup d’individus qu’on voulait évaluer. Probablement que plusieurs d’entre eux ne seront même plus avec l’équipe quand la saison régulière va débuter.

Il y a toutefois des points intéressants à aborder. Ce match était un rappel de ce que les Alouettes doivent éviter de faire pendant le calendrier régulier. À voir la façon dont le match s’est déroulé, c’est une recette qui ne peut pas fonctionner. Les victoires des Als devront plus que jamais être des victoires d’équipe.

Qui prendra les rênes de l’attaque?

En regardant la position de quart-arrière dans les dernières années, on peut prévoir que ce ne sera pas l’attaque la plus explosive. D’entrée de jeu, ce qu’on a appris avec le match d’hier qui peut se transposer dans un vrai match, c’est que quand tu n’as pas une attaque explosive, tu ne peux pas te permettre de tirer de l’arrière par 20 points après un quart, même si sur les 12 joueurs présents dans la première unité défensive, il y avait au moins 8 réguliers potentiels qui manquaient à l’appel. On s’entend que pour l’instant, les quarts des Alouettes ne sont pas des grandes vedettes qui peuvent changer l’allure d’un match à eux seuls et lancer pour 400 verges chaque semaine. Donc quand tu n’as pas une attaque explosive et que tu as un quart-arrière qui est là pour complémenter l’attaque plutôt que de la transporter, tu ne peux pas gagner seulement 0,9 verge en situation de premier essai et 10. La production en premier essai devient capitale. Ça prend du jeu au sol, et jusqu’à preuve du contraire, les quarts montréalais n’ont pas démontré qu’ils peuvent avoir du succès dans des situations évidentes de passe. Quand tu gagnes seulement 0,9 verge en premier essai, ça veut dire que tu passes toute la rencontre en deuxième et 9 et ce n’est pas une situation gagnante. Tu ne peux pas travailler sur un long terrain pendant tout le match. Ce n’est pas vrai que dans le football canadien à trois essais, tu peux envisager de traverser le terrain à coup de cinq verges. Ce n’est pas impossible, mais c’est extrêmement difficile parce que ça prend tout un niveau d’exécution et ça prend toujours des gros jeux. Si tu n’as pas une attaque explosive et que tu travailles toujours sur un long terrain, tu vas clairement avoir de la misère à marquer des points.

Alouettes 20 - Argonauts 45

Les Alouettes ont nettement perdu la bataille du positionnement sur le terrain hier. En première demie, pour donner un exemple, les Alouettes ont pris le ballon en moyenne à leur ligne de 25, comparativement à 44 pour Toronto. C’est pas mal plus facile de jouer quand tu pars avec le ballon presque à la mi-terrain plutôt que profondément dans ton territoire. Aussi, quand tu n’as pas une attaque explosive, la défense ne peut pas se permettre d'allouer beaucoup de points ou de longs jeux, et ç’a pourtant été compliqué hier à ce chapitre avec notamment un touché de 45 verges, un jeu de 62 verges et un touché de 79 verges. Les six quarts des Argos ont lancé pour 455 verges et six passes de touché au cumulatif. Ils ont complété 71 % de leurs passes (27 en 38), ce qui veut dire 17 verges par passe complétée. C’est énorme!

En bref, le gâteau ne lèvera pas chez les Alouettes si ce genre de choses se reproduit.

En attaque, il manquait des morceaux sur la ligne partante des Moineaux et dans le groupe de receveurs partants, pendant que Toronto jouait avec ses réguliers. On a vu un résultat décevant. Les quarts n’ont pas fait preuve de beaucoup de précision. Ils ont complété 50 % de leurs passes pour 166 verges : Antonio Pipkin (1 en 5), Jeff Matthews (4 en 5 mais seulement 23 verges), Matthew Shiltz (3 en 5 pour seulement 18 verges)... Dans le cas de Shiltz, c’est toutefois intéressant de rappeler qu’il a marqué un touché de 32 verges sur un jeu d’attiré du quart-arrière et c’était une belle stratégie. En match préparatoire, je ne veux pas voir les quarts courir, je sais qu’ils sont mobiles. Je veux les voir lancer, mais ils n’ont pas été constants à ce niveau. Vernon Adams a amené une petite étincelle mais il a aussi été victime d’une interception sur une très mauvaise décision dans sa zone des buts. Malgré tout, il a complété quelques belles passes, dont la seule passe de touché des siens.

En bout de ligne, personne n’a ressorti du lot et c’est ce qui est frustrant pour les Alouettes. Il faut qu’un des quarts prenne les rênes de l’équipe.

Ç’a aussi été difficile du côté de la ligne à l’attaque sans tous ses éléments. On n’a pas été très solide en protection et on ne peut pas dire qu’on a été dominant pour le jeu au sol. Ce n’était pas convaincant. Les gars ont alloué trois sacs, mais surtout beaucoup de pression, donc les quarts n’ont pas bénéficié de beaucoup de temps pour travailler. Il y a eu de belles courses en deuxième demie, mais encore là, c’est dur à évaluer car les Argos jouaient désormais avec leurs réservistes. Sur les 122 verges de gains au sol, il y a quand même eu 54 verges sur des courses du quart et ça vient gonfler les statistiques. Parmi les receveurs, peu se sont signalés à part le grand receveur canadien de l’Université de Carleton Malcolm Carter, qui a gagné le plus en attaque hier. C’est lui qui a attrapé la passe d’Adams et complété le seul touché de son équipe, au dernier quart, sur long jeu de 46 verges. Il s’est quand même démarqué et c’est positif car on sait que les Alouettes aimeraient dénicher un bon receveur d’ici pour les aider dans leur ratio canadien. En contrepartie, on a vu trop de receveurs échapper des passes. Je comprends Mike Sherman de dire qu’ils ont manqué de constance. On a du travail à faire.

Trois éléments ressortent en défense

Les Alouettes ont alloué beaucoup trop de gros jeux, ont mis trop peu de pression sur les quarts adverses malgré trois sacs et n’ont pas fini leurs jeux.

Le manque de pression, c’est mortel. Les Alouettes voulaient identifier les demis défensifs capables de faire des couvertures homme à homme. La couverture homme à homme, combinée au fait qu’il n’y a pas de pression sur le quart adverse, ça devient un méchant casse-tête. En plus, il y a de jeunes demis défensifs n'ayant jamais joué dans la LCF qui ont dû affronter en début de match des gars comme S.J. Green et Derel Walker. Le coordonnateur à l’attaque torontois Jacques Chapdeleine savait précisément que les Oiseaux allaient toujours faire du homme-à-homme car ils sont en mode évaluation, donc c’est plus facile de sélectionner des jeux quand tu sais ce que la défense va te donner. En plus, Chapdelaine a fait du tempo rapide avec peu de caucus, alors ç’a mis encore plus de pression sur la défense des Alouettes qui n’a pas eu le temps de se revirer de bord après chaque jeu. Enfin, on n’a pas fini nos jeux. Sur le premier touché des Argos, on était pour une des rares fois rendu au quart. On ne l’a pas rabattu au sol, il s’est échappé et a lancé une passe de 45 verges. Sur un autre jeu, on se rend au quart, on ne peut le rabattre au sol, il s’échappe, gagne le premier jeu, et deux jeux plus tard, il lance une passe de touché. Ensuite, il y a eu une interception qui a filé entre les mains d’un demi défensif. Quand les jeux sont là, il faut les faire. Bref, ç’a été une belle initiation pour le nouveau coordonnateur défensif des Als Bob Slowik, ce n’était pas une commande facile.

Les unités spéciales n’ont pas non plus contribué, il y a eu du cafouillage et on a perdu la bataille du positionnement sur le terrain. Sur le premier jeu du match, on a bafouillé sur le retour du botté d’envoi. Le retourneur a mal jugé la trajectoire du ballon, ce qui a fait en sorte qu’on a dû commencer à notre ligne de 11. Le premier botté de Boris Bede a aussi été raté. Sur le premier retour de dégagement des Argos, on a concédé 22 verges, et sur le premier retour de botté d’envoi des Argos, 31 verges. On a eu des ennuis sur les unités spéciales.

En général, les Argos semblaient mieux préparés avec une attaque rapide sans trop de caucus. C’est intéressant comme niveau de préparation quand je compare aux Alouettes qui semblaient avoir un plan de match moins défini et je trouve ça un peu bizarre.

Tout ça pour dire qu’on va attendre à jeudi prochain pour le deuxième et dernier match préparatoire. On aura alors l’occasion de voir les partants. Cela dit, dans le clan du Rouge et Noir d’Ottawa, j’ai l’impression qu’on ne se présentera pas avec tous nos meilleurs éléments et l’évaluation risque une fois de plus d’être compliquée. On ne partira pas en peur, on va laisser le camp se dérouler. Ce qui est important, c’est le premier match de la saison le 14 juin contre les Eskimos d’Edmonton. On tentera de présenter à ce moment la meilleure équipe possible.

* Propos recueillis par Audrey Roy