Je suis conscient que ce voyage à Edmonton se solde par une nouvelle défaite pour les Alouettes, mais comme ce fut le cas contre le Rouge et Noir d’Ottawa, la semaine auparavant, il y a tout de même des éléments positifs à tirer de ce revers de 40 à 24.

La prestation d’Antonio Pipkin représente justement une bonne nouvelle dans les circonstances. En fait, deux éléments ont retenu l’attention dans nos discussions sur la galerie de presse après le match. Tout d’abord, sa sortie a été une agréable surprise. Il faut se rappeler que le quart est revenu dans le nid il y a seulement deux semaines après avoir participé au camp d’entraînement. Lorsque j’analyse son match, je remarque qu’il a fait preuve de sang-froid et qu’il était en contrôle de la situation. Déjà cette dynamique est intéressante pour un quart. C’est primordial une telle attitude pour un quart-arrière, car dès le caucus, l’attention de ses coéquipiers est rivée sur lui. Son langage corporel parle beaucoup et son calme peut alors rassurer ses coéquipiers.

Une fois lancé dans l’action, on a été en mesure de prendre conscience de la force de son bras et de sa capacité à décocher des passes en mouvement. Vous me direz que ce n’était qu’un match et qu’il n’a complété que 14 de ses 25 passes, je suis d’accord avec vous. Par contre, il faut être aussi honnête et noter qu’il n’a pas été aidé par ses receveurs contre les Eskimos. Un rapide calcul de ma part m’a permis d’au moins entrevoir cinq passes échappées par les receveurs des Alouettes. La plus évidente était celle décochée à T.J. Graham au deuxième quart qui aurait facilement offert un gain de 50 verges aux Alouettes, sans compter les verges supplémentaires qui auraient pu suivre après la réception.

Vous avez déjà vu ces machines à l’entraînement qui lancent automatiquement des ballons aux receveurs (JUGS machine)? J’espère que ces machines vont surchauffer tellement elles seront mises en marche à l’entraînement dans le camp des Alouettes cette semaine. Les receveurs les utilisent souvent avant et après les entraînements, car c’est un moyen facile et rapide de saisir beaucoup de ballons. Il faut absolument que cette situation soit réglée et que les receveurs captent des ballons.

Tout ça pour dire, que si les receveurs avaient épaulé un peu mieux le travail de Pipkin, je parlerais peut-être aujourd’hui dans ma chronique du premier quart des Alouettes cette saison ayant franchi le plateau des 300 verges par la passe au cours d’une rencontre. Il faut remonter à la première semaine pour voir un quart s’en être moindrement approché, alors que Drew Willy avait amassé 281 verges contre les Lions de la Colombie-Britannique. Même si on ne sait pas si Pipkin y serait parvenu avec de l’aide supplémentaire, ça illustre tout de même le bon match qu’a connu le quart des Alouettes dans les circonstances.

Il a lancé une passe de touché, a lui-même franchi la zone des buts et n’a pas commis d’erreur coûteuse. Il est vrai qu’il a été victime d’une interception, mais c’était sur une transformation de deux points. Sauf qu’une telle situation, c’est tout ou rien, donc c’est le temps de forcer le jeu pour obtenir les deux points. C’est l’équivalent d’une interception si vous voulez sur le dernier jeu du match alors qu’un quart tente une passe désespérée dans les zones profondes : il n’a rien à perdre. Je n’ai donc aucun problème avec sa décision de vouloir prendre une chance, au contraire, je vois même qu’il est un compétiteur.

Une fois que la surprise est passée, nous avons eu une autre réflexion. On s’est demandé après le match sur la galerie de presse pourquoi les Alouettes avaient décidé de libérer Pipkin après le premier match de la saison régulière. Ce sont surtout les médias d’Edmonton qui nous ont posé la question après l’affrontement.

Il faut avouer, même s’il ne s’agit que d’un seul match, qu’à la lumière des résultats, la question se pose effectivement. Avec les qualités énumérées plus tôt, on peut s'interroger sur les points qui ont motivé la décision des Alouettes à ce moment. J’imagine que la question sera à l’ordre du jour cette semaine à l’entraînement.

La ligne à l’attaque confirme

Si on a vu des progrès au poste de quart, on en a également vu sur la ligne à l’attaque. C’était la première fois de la saison que les mêmes effectifs étaient dans la mêlée pour deux matchs consécutifs. On pouvait déjà comparer son travail lors du premier match contre la défense des Eskimos à ce qui s’est produit samedi. Plus tôt cette saison, la ligne à l’attaque avait concédé six sacs du quart et samedi elle n’en a concédé que deux, le dernier survenant en fin de rencontre lors des situations évidentes de passes. Les joueurs sont en mode « chassons le quart », donc c’est plus propice à voir la protection éprouver des ennuis.

Je dois glisser un mot sur l’appui de Patrick Lavoie à ses coéquipiers dans les tranchées. Il a véritablement été le héros obscur dans la protection des Alouettes. Souvent, l’ailier rapproché devient un sixième joueur sur la ligne. Selon certaines formations et angles de blocage, Lavoie s’est parfois retrouvé seul dans son duel contre un ailier défensif des Eskimos. C’est tout un mandat!

Son travail a rapporté, car pendant qu’il était confronté à Kwaku Boateng, l’ailier défensif des Eskimos avec le plus de sacs à son actif cette saison, il a tenu bon et Pipkin a pu rejoindre Eugene Lewis pour un bon gain. Je lui lève donc mon chapeau pour avoir relevé ce défi, mais j’espère que ça ne deviendra pas le pain et le beurre de la protection des Alouettes, car à un moment les joueurs défensifs vont tirer avantage de cette confrontation.

On peut donc voir une progression sur ce plan, même s’il reste évidemment du travail à faire. Ce succès n’est pas étranger au fait qu’une cohésion peut finalement s’installer au sein de cette unité alors que les ingrédients sont demeurés les mêmes pour cette partie. On n’est pas à l’abri de blessure, mais on va leur souhaiter de la continuité afin que la ligne à l’attaque puisse s’améliorer.

Des unités spéciales qui font le boulot

Un autre élément positif dans cette défaite est le rendement des unités spéciales. Tout d’abord, on n’a pas été surpris sur le botté court des Eskimos en début de match et elles ont ainsi offert un bon positionnement à l’attaque. Les Alouettes ont su leur faire payer le tout avec le touché d’Eugene Lewis. La sélection de jeu des Eskimos aussi tôt dans la rencontre montrait en quelque sorte que ceux-ci ne craignaient pas les Alouettes. Qui peut les blâmer lorsqu’on regarde la fiche des Montréalais? Mais au moins j’ai apprécié la réponse alors que les unités ont fait avorter le jeu et l’attaque a ensuite enchaîné avec le touché.

Alouettes 24 - Eskimos 40

Lorsque le ballon était botté profondément, on a eu droit à de bons retours de William Stanback, dont un sur une distance de 47 verges.

De leur côté, les couvertures sur les bottés de dégagement étaient excellentes. Les Alouettes sont parvenus à limiter les joueurs des Eskimos à 14 verges surs six retours. Je vous rappelle que dans la Ligue canadienne, il faut respecter une zone de cinq verges autour du retourneur lorsqu’il saisit le ballon. C’est donc rare de voir de telles statistiques autant à l’avantage de l’unité de couverture.

On voit l’impact que peut avoir la puissante jambe de Boris Bede, alors qu’au final, les Alouettes ont fait des gains nets de 48 verges sur les bottés de dégagement (distance du botté moins les verges sur le retour). De leur côté, les Eskimos avaient un tel gain de seulement 32 verges, donc une différence de 16 verges sur les terrains ce qui est non-négligeable.

Cette performance de Pipkin, jumelée au travail des unités spéciales, nous laisse croire que si la défense des Alouettes avaient été en mesure de jouer comme nous pensions qu’elle allait le faire en début de saison, la formation montréalaise aurait eu ses chances.

Encore des ennuis en défense

On ne se le cachera pas, la prestation en défense explique une fois de plus pourquoi cette rencontre s’est soldée par une telle marge au tableau indicateur. Je le répète à chacune de mes chroniques, mais les Alouettes n’ont pas l’attaque pour répliquer coup sur coup et marquer 50 points. La défense se doit donc de tenir le fort et arrêter l’adversaire.

Il faut dire à leur défense que lors des six derniers revers, cette unité a été confrontée à d’excellents quarts et groupes de receveurs. Je ne veux pas leur trouver des excuses, mais il faut quand même être juste et mentionner qu’elle a fait face à Trevor Harris et Mike Reilly à deux occasions, en plus de Bo Levi Mitchell et Jeremiah Masoli. On parle de quatre excellents quarts, donc c’est certain que la commande était énorme.

Pour aider le travail des demi-défensifs, spécialement contre ces quarts, il doit y avoir une pression constante sur le quart-arrière adverse. Il est vrai que Reilly a été rabattu derrière sa ligne de mêlée à cinq occasions, mais si ce sont les seules fois où il y a eu de la pression à son endroit, ce n’est pas suffisant. Voyons le verre à moitié plein en se disant qu’au moins ils ont réussi cinq sacs, mais il faut maintenant tenter de déranger davantage le quart dans sa pochette tout au long du match.

Un peu comme c’était le point avec la ligne à l’attaque, il est difficile pour la tertiaire montréalaise de connaître du succès alors qu’il y a toujours une rotation des effectifs.

Il y a eu plusieurs blessures depuis le début de la saison, mais il faut que l’organisation s’améliore sur ce plan. Avec les camps de la NFL qui sont en branle et les coupures qui vont survenir, il y a là une belle opportunité de pouvoir dénicher des joueurs de talent. Le manque de profondeur est flagrant chez les Alouettes à cette position. La preuve, Branden Dozier a évolué à peu près partout où il était possible de l’envoyer. J’ai beaucoup d’admiration pour ce joueur qui répond à l’appel même si les équipes adverses n’hésitent pas à l’attaquer et avec raison, comme il évolue toujours dans une situation différente, donc il a moins de repères.

Il a joué demi de coin du côté large, du côté court et contre Edmonton il a évolué comme demi-défensif du côté large. Il a déjà évolué au poste secondeur extérieur et comme maraudeur. Je n’ai jamais vu une telle situation, jamais!

Ce scénario fait en sorte qu’il est impossible pour les Alouettes d’avoir un plan de match étoffé en défense, car il y a toujours des changements. La défense est sans cesse obligée de repartir à zéro. Donc pendant que les Alouettes tentent de finir leur CÉGEP, les autres formations complètent leur doctorat. Vous comprendrez que je blague ici, mais en même temps, il est impossible pour cette unité de tenter des stratégies plus complexes, alors qu’elle est obligée de s’assurer que les joueurs soient sur la même page comme ils évoluent à de nouvelles positions. Il est difficile de progresser quand on fait sans cesse du rattrapage.  

Lorsqu’une défense affronte Mike Reilly, elle doit mélanger les stratégies afin de ne jamais lui montrer deux fois la même chose. Ce n’est pas possible de le faire pour les Alouettes car, en raison des nombreux changements, on garde les choses simples. Il est difficile de bien appliquer des défenses de zone puisqu’elles demandent beaucoup de cohésion et de communication. La défense montréalaise se tourne alors avec de une défense du style homme-à-homme comme c’est plus simple à suivre comme stratégie, mais en raison des quarts et du talent des receveurs, les demi-défensifs sont incapables de suivre le rythme imposé dernièrement.

C’est tout un casse-tête et tant que cette situation ne sera pas résolue, la défense sera condamnée à réaliser des revirements. J’en avais glissé un mot dans ma dernière chronique alors qu’on pouvait se demander ce qui allait arriver aux Alouettes si la défense avait de la difficulté à provoquer des revirements : on a eu la réponse cette semaine. Contre le Rouge et Noir, l’unité défensive avait alloué 587 verges d’attaque, mais seulement 24 points en raison de cinq revirements. Contre les Eskimos, on parle de 565 verges d’attaque, mais un seul revirement, ce qui fait en sorte qu’ils ont inscrit 40 points. Je remonte au premier match entre les deux équipes cette saison. Mike Reilly avait mené l’attaque à une récolte de 510 verges et 44 points tout en étant victime d’aucun revirement. La réponse est là, les Alouettes sont condamnées à réaliser des revirements, car ils ne parviennent pas à arrêter l’attaque adverse.

Autre conséquence, la défense passe donc beaucoup de minutes sur le terrain. Il est vrai que l’attaque doit l’épauler en prolongeant ses séquences, mais après une demie, les Eskimos ont complété un impressionnant total de 73 % de leurs deuxièmes essais. Après deux quarts, le temps de possession était déjà de 20 minutes contre 10 à l’avantage d’Edmonton qui avait aussi cumulé plus de 300 verges. Il n’est donc pas surprenant d’avoir eu un tel pointage au final.

Une indiscipline qui n’a pas sa place

Le résultat au terme de la partie s’explique également par le niveau d’indiscipline qui est une réelle source de frustration. On le dit depuis le début de l’année, les Alouettes n’ont pas assez de talent pour se permettre de se tirer dans le pied avec des revirements ou des pénalités.

L'indiscipline coule les Alouettes

Les Alouettes ont été victime d’un total de 14 infractions pour un total de 129 verges. Ce qui est encore plus frustrant, c’est que six de ces pénalités sont survenues avant le début du jeu, ce qui indique un manque de concentration. De ce nombre, trois ont été décernées de manière consécutive sur une séquence en attaque. On ne voit même pas ça dans un match préparatoire! On a eu droit coup sur coup à une pénalité pour formation illégale, suivie d’un hors-jeu avant être pris en défaut pour avoir 13 joueurs dans le caucus. C’est tout simplement inacceptable.

Ce n’est pas tout! Les Alouettes ont aussi écopé de cinq pénalités une fois que le jeu était terminé. On parle donc ici d’un manque de contrôle de ses émotions alors que les joueurs laissent aller leur frustration.  En résumé, il y a donc 11 des 14 pénalités qui ne sont pas liées à une action sur le terrain et qui peuvent donc forcément être évitées.

Une prise de risques qui est nécessaire

Un autre élément me chicote de plus en plus. Les Alouettes ont maintenant une fiche d’une victoire et 19 revers à leurs 20 derniers matchs et un dossier de 1-8 cette saison. Dans une telle situation, je pense que vous serez d’accord avec moi si je dis qu’ils n’ont plus rien à perdre et qu’ils doivent tenter de provoquer des choses pour renverser la situation. Ils doivent lancer les dés à quelques occasions et risqués un peu plus afin d’avoir des résultats positifs.

On regarde la première demie du dernier match et on voit que Mike Reilly est en feu et qu’il sera difficile de l’arrêter. Le moment semble donc propice afin d’y aller plus souvent sur des troisièmes essais ou d’essayer des jeux truqués. Les Alouettes jouent conservateurs afin de limiter les dégâts, mais à un moment, ils vont devoir risquer s’ils veulent signer la victoire.

Le tout m’a sauté aux yeux au milieu du troisième quart alors qu’ils tiraient de l’arrière 34 à 14 et qu’ils se retrouvaient avec un troisième essai et cinq verges à franchir à la lige de 49 dans le territoire des Eskimos. Ils ont décidé de dégager, mais à ce moment, alors que la défense passe déjà beaucoup de temps sur le terrain, j’aurais été tenté d’y aller le tout pour le tout. Au final, le dégagement a atterri dans la zone des buts et il y a eu une pénalité sur le jeu, si bien que les Eskimos ont repris le ballon à leur ligne de 45. Les Alouettes auront été seulement cherchés quatre verges sur ce jeu.

Dans la même veine, j’aurais aimé en fin de première demie que l’attaque tente de remonter le terrain. Au lieu de ça, elle y est allée de deux courses avant de mettre le genou au sol pour retraiter au vestiaire. Je sais que tout joue contre toi alors que tu es à ta ligne de 23 et qu’il reste moins d’une minute à faire. C’est évident que la défense adverse va tout faire pour arrêter le jeu aérien. Je me demande si quelqu’un critiquerait réellement les Alouettes de forcer le jeu dans de pareilles situations même si le résultat est un revirement. Ils ne peuvent pas se permettre d’être conservateurs.

Il faut se le dire cependant, autant il faut de l’exécution, une bonne préparation, de bonnes stratégies, du talent et du travail pour connaître du succès, il faut parfois aussi compter sur des impondérables et jusqu’à maintenant, ils sont rarement en faveur des Alouettes.

À titre d’exemple, pour une fois, la pression s’est rendue à Reilly alors qu’Henoc Muamba l’a solidement frappé au moment où il décochait sa passe. La passe était évidemment imprécise et a manqué de force en plein cœur du terrain. Par contre, le ballon s’est retrouvé dans les mains d’un joueur des Eskimos qui a inscrit le touché. Au lieu d’être une interception, le jeu a tourné en faveur des Eskimos.

Une autre tuile est venue s’abattre sur la tête des Alouettes, alors que Tyrell Sutton s’est blessé durant cette rencontre. On ne connaît pas encore la nature exacte de sa blessure et s’il devra s’absenter.  

Malgré tout, je vois que les joueurs se démènent toujours sur le terrain. On ne se cachera pas qu’il faudra des résultats à un certain moment, sinon le moral pourrait être durement affecté. Les Alouettes ont une chance de remédier à la situation la semaine prochaine alors que les Argonauts de Toronto seront en ville avec leur quart substitut et une unité offensive qui peut sembler moins imposante que celle des Eskimos. La défense a donc un coup à jouer ici afin de rebondir. Il ne faut pas s’emballer trop vite, car on se souviendra de Chris Streveler qui avait connu tout un match contre les Alouettes en début de saison.

On suivra évidemment avec attention l’état de santé de Johnny Manziel, mais s’il n’est pas en mesure de jouer, il est évident que Pipkin s’est mérité un autre départ. Il faudra suivre ce dossier au courant de la semaine.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant