Nous nous doutions tous dans l’état actuel des choses que les Alouettes ne participeraient pas aux éliminatoires cet automne. C’est désormais confirmé après le revers de 12-6 face aux Stampeders de Calgary lundi.

Ça fait maintenant quatre saisons de suite que les Montréalais ratent le rendez-vous éliminatoire. Disons que ça fait mal, et ce de plusieurs façons. Quatre saisons sans éliminatoires, c’est long, surtout lorsqu’on considère que la LCF est une ligue à neuf équipes dans laquelle six clubs accèdent aux matchs d’après-saison.

Bref, c’est encore une année à oublier pour les Als.

Puisqu’il faut évoquer les éléments intéressants à retirer de la rencontre face aux Stamps, parlons du remarquable travail de l’unité défensive en premier.

Ça faisait un bout de temps que je n’avais pas vu la défense montréalaise dominer un adversaire de la sorte. Elle avait devant elle l’attaque la plus productive du circuit, une unité qui inscrivant en moyenne 31 points par partie avant de se présenter au Stade Percival-Molson. Déjà, d’allouer 19 points de moins que leur moyenne est un succès digne de mention.

Il faut le dire cependant, les meneurs au classement général n’avaient pas gagné à Montréal à leurs quatre visites précédentes. Est-ce parce qu’ils ne prennent pas les Alouettes au sérieux? Ou sont-ils distraits lorsqu’ils sont de passage à Montréal? Toujours est-il que les performances des Stamps ne sont pas reluisantes chez nous depuis 2014. Lundi, ce fut tout aussi vrai malgré le pointage final. Après tout, c’était 6-0 pour les hommes de Mike Sherman après trois quarts.

Ce que j’ai aimé du boulot accompli par la défense, c’est qu’elle a attaqué férocement les receveurs. Il y a plusieurs manières de nuire à l’efficacité d’un quart-arrière, et c’est de manière détournée que les Als l’ont fait dans ce match, en étant physiques auprès des receveurs de Bo Levi Mitchell et en les suivant pas à pas dans une couverture serrée. Leur synchronisme a été déréglé, et ils ont été intimidés, de sorte qu’ils arrivaient en retard à la fin de leur tracé.

Forcément, Mitchell a dû tenir le ballon plus longtemps dans ses mains, s’il ne se résignait pas à tenter une passe plus risquée vers sa cible. Et lorsque les passes étaient attrapées, rarement a-t-on vu les receveurs de Calgary engranger plusieurs verges une fois le ballon capté.

On a vu le quart des visiteurs se montrer hésitant à décocher ses passes. Soit ses receveurs ne s’offraient pas en cible, soit il ne décelait pas les stratégies défensives se présentant à lui. Toujours est-il qu’on l’a contraint à tenter plusieurs mauvaises passes. Celle qu’a intercepté Brandon Dozier est un exemple flagrant. Mitchell a été contraint à tenter sa chance en double couverture. Puis, la deuxième de trois interceptions réussies par les Alouettes a été attribuable à la belle pression exercée par le front défensif sur le blitz.

Tout cela mis ensemble a fait que pour la première fois en 2018, Bo Levi Mitchell n’a pas décoché une passe pour le majeur dans un match.

Avec un tel bulletin pour ce match, que peut-on reprocher à la défense des Alouettes, sinon qu’elle n’a pas elle-même inscrit des points au tableau? Évidemment, je plaisante, mais c’est là où nous en étions rendus lundi tellement l’attaque ne générait rien!

Une des rares « erreurs » de la défense est survenue lorsque Tommie Campbell a manqué d’instinct du tueur sur une passe de Mitchell en retard dans le flanc. Si le demi défensif sécurisait ce ballon, il le ramenait pour une récolte de six points. C’eut été la quatrième interception dont aurait été victime le quart de Calgary. Qui sait quel genre d’impact aurait eu un tel jeu sur le dénouement de l’affrontement?

Je n’ai pas aimé non plus la qualité des plaqués tentés sur Terry Williams sur le jeu de course menant à l’unique touché de la rencontre, qui donnait les devants 7-6 aux Stamps au quatrième quart. Trop souvent au football, les joueurs tentent de freiner leur adversaire en appliquant un gros coup d’épaule spectaculaire, à la manière d’un hockeyeur. C’est une stratégie qui convient au hockey, mais au football, il faut utiliser ses bras pour encercler les jambes du joueur offensif. Sur cette séquence, deux plaqués ont malheureusement été bousillés; un à la ligne d’engagement, le second tout près de la ligne des buts.

La prochaine étape pour l’unité défensive montréalaise – un peu comme celle des Roughriders de la Saskatchewan, qui se rapproche des 10 touchés défensifs cette saison – est d’elle aussi franchir la ligne des buts lorsqu’elle réussit une interception ou qu’elle recouvre un ballon échappé.

Du côté offensif, ai-je besoin de vous rappeler que les joueurs des Als ont offert une performance anémique? C’était absolument épouvantable.

Ce qui est vraiment dommage de cette situation, c’est qu’on croit avoir la solution pas très loin aux interminables problèmes rencontrés à la position de quart depuis le départ d’Anthony Calvillo, mais que la situation est loin d’être idéale pour que cela se concrétise. On croit qu’entre Johnny Manziel et Antonio Pipkin, on possède au moins un joueur pouvant rivaliser avec les meilleurs de la LCF.

D’ailleurs, Manziel a réalisé de beaux jeux lundi. Sa passe de 52 verges à l’intention d’Eugene Lewis au deuxième quart était de toute beauté. À un autre moment, sous pression, l’Américain est rentré dans sa pochette protectrice avant de rouler à sa droite et de décocher une passe sublime vers T.J. Graham sur les lignes de côté. Lorsqu’il nous présente ce genre ce jeu, on voit qu’il a le potentiel d’être un quart spécial dans le football canadien.

Sauf qu’avec le bon, il y a aussi le mauvais. Il lui arrive de faire de mauvaises passes, souvent parce qu’il garde le ballon trop longtemps entre ses mains. Parfois il ne figure pas ce que la formation défensive lui propose dans le feu de l’action, parfois ses receveurs sont tous couverts (j’y reviendrai plus tard). Finalement, il lui arrive aussi de quitter la pochette trop tôt car il ne fait pas confiance à sa ligne à l’attaque... et on peut le comprendre, avec 28 sacs concédés lors des cinq derniers matchs.

C’est difficile d’évaluer précisément ce qu’un quart-arrière peut accomplir lorsque les éléments qui l’entourent ne font pas le travail ou ne possèdent pas le talent nécessaire, et c’est ce qui est déplorable de la situation actuelle. C’est tout un casse-tête...

En ce moment, c’est la chaise musicale pour l’attaque. Sur un jeu, c’est le quart qui commet l’erreur. Lors du suivant, ça pourrait être la ligne, et sur le troisième, un receveur ou un porteur pourrait être fautif. C’est ce qui rend l’évaluation si difficile.

Quand une unité décide du dénouement d'un match

J’ai trouvé intéressant d’entendre Mike Sherman rappeler avec raison que le football a beau être un sport complémentaire, une unité peut parfois changer à elle seule l’issue d’un match. Lundi, ce fut le front défensif des Stampeders qui a porté ce chapeau (ou par la bande, la ligne offensive des Als, si on veut le voir avec cynisme!)

Les statistiques l’illustrent très bien : la ligne défensive des visiteurs a cumulé six sacs du quart, créé cinq autres situations où Manziel a dû improviser une  course au lieu de lancer, provoqué une pénalité pour avoir retenu contre la ligne offensive, forcé le quart montréalais à se débarrasser du ballon deux fois et rabattu deux passes près de la ligne d’engagement. En plus, la ligne défensive a cumulé 13 plaqués. On s’entend que le qualificatif « dominant » s’impose ici.

Parfois, les Montréalais utilisaient sept joueurs pour contrer le blitz à quatre des Stamps, et néanmoins, il arrivait régulièrement que ceux-ci se rendaient rapidement et sans trop de mal. Peut-être est-ce attribuable au talent ou à des erreurs d’affectation, mais se peut-il que les joueurs saisissent mal les schémas de jeux? Il semble y avoir un gros manque de clarté quant au mandat de chacun. Si tu ne comprends pas ce qui tu es attendu de toi, comment peux-tu être efficace? Tu seras en mode « réaction » au lieu d’être en mode « action ». Et ça, c’est le mandat des entraîneurs, car la guerre des tranchées fait foi de tout.

Oui, Manziel a encore beaucoup à apprendre dans le football canadien. Plusieurs aspects de son jeu sont sujets à amélioration, et il n’est pas garanti qu’il connaîtra du succès à long terme dans cette ligue. Mais dans l’environnement actuel, je vois mal comment on pourrait tirer des conclusions trop définitives.

Tout cela pour dire qu’un quart-arrière qui doit se méfier continuellement d’où arrivera la pression ne peut se concentrer sur la qualité de ses passes.

Les receveurs : gênante deuxième demie

Quant au groupe de receveurs de passes, c’est décevant car la première demie avait été franchement plus que correcte. Ils s’étaient démarqués et avaient effectué des attrapés contestés.

Mais en deuxième moitié de match, ç’a été tout le contraire. Plus personne n’arrivait à trouver de l’espace pour semer son couvreur. Quand Manziel courait dans toutes les directions pour échapper à la pression et étirer le jeu, je ne voyais pas ses receveurs effectuer des changements de direction brusques pour lui donner des options. Je ne les voyais pas courir leurs tracés à 100 milles à l’heure, préférant plutôt le jogging.

Ce que je viens d’exposer devrait pourtant être le strict minimum pour un receveur de passes, à défaut de quoi il est possible de présumer un important manque de fierté. La révision des bandes vidéo ne mentira pas, et éventuellement, il faudra que ce manque de zèle soit pénalisé.

Rapidement, ça découle sur les opérations football. Les entraîneurs font-ils leur travail en n’identifiant pas ces lacunes, ou est-ce réellement un manque de talent à la position qui fait en sorte qu’on ne se tourne pas vers d’autres options?

Nous sommes présentement dans la période de l’année où le nombre de joueurs permis sur les équipes d’entraînement passe de 10 à 15. C’est drôle que Calgary, avec sa fiche de 11-2 avant de mettre les pieds en ville, arrive avec le maximum de joueurs permis par le règlement, tandis que les Alouettes, à 3-11, ne comptaient  que 11 joueurs sur l’équipe d’entraînement (selon la liste officielle remise aux médias avant la rencontre). Personnellement, j’en aurais 15, et je n’en garderais probablement le même nombre à l’hôtel, près à saisir l’opportunité si elle se présente.

C’est le temps ou jamais de dépenser pour des billets d’avion et d’évaluer le potentiel des jeunes joueurs faisant partie de la liste de négociation. Peut-on les emmener et analyser s’ils ont ce qu’il faut pour tirer leur épingle du jeu dans la LCF, s’ils ont des mains fiables, une belle précision dans leurs tracés? S’ils ne valent pas un contrat, retirons-les de la liste et dénichons-en d’autres. Bref, je trouve cela frustrant.

Les Alouettes doivent déjà être en mode « 2019 ». Et puisque la ligue a annoncé la fin des camps printaniers à compter de l’an prochain, c’est une occasion de moins de rassembler des joueurs et d’évaluer tant du côté physique que tactique s’ils sont prêts à contribuer. Ça devient encore plus impératif de bien utiliser son équipe d’entraînement en fin de calendrier, n’est-ce pas?

Le seul côté positif de se faire éliminer aussi tôt, c’est celui d’avoir la chance de préparer à l’avance la prochaine saison. La moindre des choses, c’est d’attraper au vol cette chance. C’est prioritaire.

Je vous soumets un exemple en terminant. L’équipe compte sur un jeune bloqueur de 23 ans du nom de Na’Ty Rogers. À la suite d’une blessure récente à un bloqueur, trois permutations ont été effectuées au lieu de donner l’opportunité au jeune homme de se faire valoir.  Ces décisions, dont celle de confier la position de centre à un athlète de 36 ans qui en est fort probablement à sa dernière saison, sont faites en quelque sorte au détriment de l'avenir. Il y a de quoi réfléchir!

* propos recueillis par Maxime Desroches