Les Alouettes nous ont finalement annoncé la nouvelle tant attendue avec l’embauche de l’entraîneur-chef Mike Sherman.

Ma première impression est très positive. Ce n’est pas un nom que j’avais en tête et c’est une belle surprise. C’est un gros nom, ce qui signifie qu’il a de la crédibilité dans l’univers du football. Une personne qui a suivi les activités du football américain dans les dernières années a très certainement entendu parler de Mike Sherman, donc c’est très positif.

C’est certain que lorsqu’on regarde son curriculum vitae, on y voit une longue feuille de route. En partant, il va gagner le respect des joueurs au début de son règne en raison de cette vaste expérience. De plus, il est un spécialiste de l’attaque et, ce n’est un secret pour personne, cette facette du jeu a été une grande lacune des Alouettes dans les dernières saisons.

En ayant dirigé au niveau de la NCAA et de la NFL, j’ose croire qu’il a un bon réseau de contacts. Cet élément pourrait permettre aux Alouettes de mettre la main sur certains joueurs de talent, comme l’a également relevé mon collègue Matthieu Proulx. C’était selon moi l’un des plus gros problèmes de Kavis Reed. De l’extérieur, il ne semblait pas être celui qui avait le plus de contacts aux États-Unis. C’est vrai que pour trouver des joueurs, il y a le dépistage, mais c’est souvent un ami, un entraîneur ou un ancien joueur qui appelle et suggère des noms de joueurs à surveiller. Avec Sherman en poste, il y a peut-être des joueurs qui vont être portés à regarder du côté de la LCF.

D’entrée de jeu, c’est vrai qu’il n’a pas d’expérience dans la Ligue canadienne. On dirait que les Alouettes veulent recréer ce qu’ils avaient été en mesure de faire avec Marc Trestman. La situation est similaire, alors qu’on parle de deux entraîneurs américains avec une bonne feuille de route. D’ailleurs, celle de Sherman me paraît encore plus impressionnante que celle de Trestman au moment où il avait décroché le poste avec les Alouettes. Sherman a déjà été entraîneur-chef dans la NFL, avec les Packers de Green Bay, ce que Trestman n’avait pas encore été.

Par contre, lorsque je regarde le tout, j’ai le goût de lancer à la blague que Marc Trestman est devenu en quelque sorte une malédiction pour ses successeurs. Je le dis ainsi parce qu’il a tellement bien fait, il a connu du succès et il a été tellement aimé, mais, depuis qu’il est parti, l’équipe a connu des moments très difficiles.

On s’entend que Trestman a été plus que positif pour l’organisation montréalaise, mais je dis que c’est presque une malédiction, car c’est cette formule qu’on essaie de recréer. Chaque fois qu’un nouvel entraîneur est arrivé, il a été comparé à Marc Trestman. Les Alouettes veulent retenter cette recette et on emprunte encore la même route avec un entraîneur américain qui fera ses débuts dans la LCF. Il semble qu’on veut recréer cette magie.

Faire attention aux comparaisons

On peut comparer en quelque sorte leur parcours, mais les comparaisons doivent s’arrêter là. La situation de Sherman au moment où il arrive avec les Alouettes est loin d’être la même que celle de Trestman en 2008. Avec tout le respect que j’ai pour l’ancien entraîneur des Alouettes, car il a connu beaucoup de succès avec l’équipe, il a quand même hérité d’une bonne équipe à son arrivée à Montréal.

« Une très très belle prise »

Il faut se rappeler qu’en 2006, les Alouettes avaient participé à la Coupe Grey, l’année suivante malgré l’absence d’Anthony Calvillo qui ne jouait plus en raison des problèmes de santé de sa femme qui était aux prises avec un cancer, les Alouettes ont tout de même participé aux éliminatoires. Trestman arrivait en 2008 dans ce contexte avec une équipe qui avait les éléments en place pour connaître du succès, dont Anthony Calvillo.

Un autre contraste évident entre les deux situations. Dès son arrivée à Montréal, Trestman a indiqué que Calvillo était son quart. Il a d’ailleurs eu la même approche à son arrivée à Toronto en mentionnant que Ricky Ray était son homme. C’est facile à faire lorsque tu disposes de quart de premier plan.

Dans le cas de Sherman, il ne commence pas au même endroit. Tout d’abord, il ne dispose pas d’un quart numéro un établi et il a sous les mains une équipe qui n’a pas participé aux séries au cours des trois dernières années.

Sherman a d’ailleurs souligné qu’il y aurait de la compétition au poste de quart lors du camp d’entraînement. On voit que même si on veut recréer la recette avec Sherman, il faut être prudent, car celui-ci ne dispose pas des mêmes ingrédients.

On va voir cependant s’il a en lui l’ingrédient spécial pour connaître du succès dans la Ligue canadienne. En effet, l’un des ingrédients les plus importants pour les entraîneurs américains qui débarquent dans la Ligue canadienne, c’est l’humilité. Il doit comprendre d’entrée de jeu que c’est un football différent. Parfois certains débarquent croyant tout savoir sur le football, mais ils doivent arriver avec de l’ouverture d’esprit. C’était d’ailleurs l’une des forces de Trestman.

Il a rapidement été confronté à ces différences entre les deux sports pratiqués de chaque côté de la frontière. Il s’était d’ailleurs inspiré de l’une de ces leçons pour son dicton : " 57 + 3 ". Trestman avait été surpris lorsqu’il avait vu que son équipe avait perdu un match dans les trois dernières minutes de la rencontre. Il avait alors réalisé que la gestion d’un match dans les trois dernières minutes de celui-ci est complètement différente entre le football américain et canadien.

Prochain défi des Alouettes

C’est évident que Sherman devra avoir à ses côtés un bon groupe d’adjoints. C’est la prochaine étape et c’est l’une des plus importantes. Est-ce qu’il va être en mesure de faire un mélange entre des entraîneurs d’expérience de la Ligue canadienne et certains de ses hommes, car je pense qu’il va vouloir s’entourer d’hommes de confiance. Je verrais mal Sherman arriver dans une réunion et qu’aucun des entraîneurs autour de la table n’ait été choisi par lui. Il faut savoir que les entraîneurs passent énormément de temps ensemble. Si on ajoute en plus la notion que les bureaux au fin fond du Stade olympique n’ont pas de fenêtre, ils ont intérêt à s’entendre et à être compatibles, car sinon le temps va être longs. On verra les noms que Kavis Reed va lui suggérer, mais ça devra cliquer avec Sherman qui va très certainement amener de ses hommes.

Les Alouettes embauchent Mike Sherman

Je pense que les postes de coordonnateur défensif et des unités spéciales sont les plus difficiles dans la Ligue canadienne. Je verrais quelqu’un avec de l’expérience à ce poste. À l’inverse, un poste comme celui d’entraîneur de la ligne à l’attaque ou des porteurs de ballon, ne demande pas une très grande période d’ajustements. Je ne dis pas ici qu’il y aura des changements à ces postes chez les Alouettes, mais ce sont des exemples de fonction ou la transition du football américain au football canadien peut se faire plus aisément. Ce sont deux exemples afin d’illustrer des positions où on pourrait retrouver des hommes de confiance de Sherman.

L’unité défensive est définitivement un rôle difficile à combler pour quelqu’un qui arrive du sud de la frontière en raison notamment de la dimension du terrain et du nombre de joueurs.

On voit qu’il reste encore beaucoup de travail, mais c’est un pas dans la bonne direction. Je trouve ça intéressant qu’un homme avec une aussi bonne feuille de route décide de venir à Montréal. On ne se le cachera pas, à 63 ans, je ne pense pas qu’il était obligé de venir diriger les Alouettes. Il est ici sûrement par défi et par amour du football. Après tout, un entraîneur un jour, un entraîneur toujours.

On a eu un aperçu de sa personnalité en conférence de presse alors qu’il n’avait pas peur de dire ce qu’il pensait et il nous a montré son côté humain. Il a parlé de sa femme et de combien il était fier de ses enfants.

Lorsqu’il a mentionné que sa femme lui a donné le okay pour le poste, il m’a bien fait rire, car ça m’a fait penser à l’expression : " Happy wife, happy life " . Je l’ai donc trouvé drôle par moment et on a vu qu’il était à l’aise devant les médias.

Être la femme d'un entraîneur de la NFL, c’est une vie qui n’est pas toujours facile, car il y a souvent des déménagements. Il faut avoir le cœur solide et être prêt à affronter les difficultés, alors je suis heureux qu’il ait pris le temps de la remercier.

Il a même dit que sa fille voulait aller visiter l’Université McGill. En plus, il a glissé un mot sur le Canadien de Montréal. On s’entend ça ne nuit pas de parler un peu du Canadien lorsqu’on arrive au Québec, alors je l’ai trouvé bon de ce côté.

Je pense que c’est encourageant, car on voit qu’au niveau de la feuille de route et de l’attitude, il se rapproche beaucoup plus de Marc Trestman que de Dan Hawkins.

L’embauche de Sherman était la première mission de Kavis Reed en vue de la prochaine saison et je pense qu’on peut lui donner une bonne note. La deuxième est maintenant de trouver le groupe d’entraîneurs et à partir de là, identifier le genre de joueurs que les Alouettes voudront dans l’organisation l’an prochain. Cette mission est des plus importantes, car Sherman a beau être le meilleur stratège, si les joueurs ne sont pas capables de l’exécuter, ça ne sert à rien. À l’inverse, j’ai pour dire que si un entraîneur dispose de joueurs talentueux, même s’il n’a pas le meilleur plan de match, l’équipe a toujours une chance de gagner. On ne peut pas aller trop loin dans nos analyses, mais la sélection de Sherman à la barre de l’équipe est très intéressante.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant

Mike Sherman se présente aux médias de Montréal
« C'est une bonne première impression »