Je suis revenu un peu plus tôt cette semaine dans ma précédente chronique sur le départ de Mike Sherman, mais je souhaite me pencher cette fois davantage sur son remplaçant Khari Jones. Tout un défi attend le nouveau pilote des Alouettes avec le coup d’envoi de la saison régulière vendredi à Edmonton.

Je ne peux dire si le changement d’entraîneur va apporter son lot de succès pour les Alouettes, mais je peux déjà vous dire qu'il a eu un effet bénéfique sur l’atmosphère autour de l’équipe. Simplement en regardant l’allure des entraînements sous la main de Jones, on constate une meilleure ambiance.

On sent que les joueurs veulent aller travailler. Lorsqu’on se présente au boulot et qu’on se sent à l’abattoir, c’est loin d’être un sentiment plaisant et ça peut alors transparaître dans ton travail. Je sens maintenant une équipe avec un bon moral, qui sera plus reposé également lors des matchs en raison du nouveau format des entraînements. C’est le jour et la nuit depuis le début de l’ère Jones avec notamment le nombre de répétitions qui a grandement diminué.

Je n’ai pas de boule de cristal et je ne saurai vous dire si cette attitude va se transposer avec plus de victoires au cours de l’année, mais ils vont avoir de meilleures chances que l’an dernier.

C’est évidemment une première pour Jones en tant qu’entraîneur-chef. Par contre, il connaît la dynamique d’un match en raison de sa carrière de joueur. Il devrait donc être en mesure d’avoir les bons mots pour s’adresser à ses troupes comme il a déjà été à leur place.

Quel est le style de Khari Jones

Le premier grand défi pour le nouveau groupe d’entraîneurs est vendredi avec les Eskimos d’Edmonton. Évidemment, vous comprendrez que j’ai plus que jamais hâte au lancement de la saison régulière, non seulement parce que j’aime le football, mais aussi afin de voir ce groupe en action.

De ce qu’on a vu au camp d’entraînement, les Alouettes ont du talent dans leur formation, il ne faut pas être malhonnête. Les receveurs de passes et la tertiaire ont déjà donné des signes encourageants à ce titre. Il faudra voir comment la cohésion va se faire et si le groupe pourra progresser en cours de campagne.

Je veux découvrir vendredi et au fil des prochaines semaines quel genre d’entraîneur est Khari Jones. Pour le moment, on ne sait pas s’il est davantage conservateur ou du style à aller à Vegas et prendre des chances. On va le réaliser lors de certaines séquences au cours de la rencontre.

Par exemple, que va-t-il décider sur un troisième essai et deux verges dans son territoire? Va-t-il opter pour un long botté de précision ou un botté de dégagement? Au tirage au sort tout simplement, que préfère-t-il ? Est-il un adepte des jeux truqués? Sans compter qu’il devra gérer les reprises vidéos et le cadran. Ce n’est qu’un infime échantillon de ses nouvelles tâches au cours d’un match, mais son poste ne se limite pas à sélectionner des jeux comme vous le voyez.

Plusieurs responsabilités pour un groupe réduit

Devant ce portrait, je ne peux pas croire qu’il ne va pas déléguer des responsabilités à ses adjoints. Pensez-y, Jones est le responsable des quarts également, donc lorsque l’attaque va quitter le terrain, il va certainement s’entretenir avec Antonio Pipkin. Pendant ce temps, le jeu se poursuit et la défense tente de tenir le fort. Il ne pourra pas tout voir, donc l’un de ses adjoints va devoir suivre le jeu, s’assurer que quelqu’un peut le conseiller pour les reprises vidéos ou les temps d’arrêts. Il n’a d’autres choix que de partager des responsabilités pour le moment, sinon son assiette sera trop remplie et il risque de faire une indigestion.

J’aurai cette nouvelle dynamique à l’œil tout comme sa propre sélection de jeux. On entend entre les branches qu’il avait quelque peu les mains liées avec Sherman, donc là il n’aura aucune excuse en tant que grand manitou. Ce sera à voir s’il souhaite entamer un match avec un jeu explosif.

Le changement d’entraîneur fait aussi en sorte qu’en ce moment tout le monde est sur la même page. La prise de décision risque d’être plus fluide lorsque vient le temps de préparer la rencontre.

Toutefois, avec les départs, le personnel d’entraîneurs n’est pas très nombreux. L’avantage de disposer de plusieurs entraîneurs, c’est qu’il y en a de la matière grise pour trouver des idées, décortiquer des stratégies. Ce n’est rien contre les personnes en poste actuellement, mais ils vont devoir greffer de nouvelles têtes de football afin d’agrandir le groupe. Il est possible d’avoir 11 entraîneurs, alors les Alouettes doivent s’en approcher, si ce n’est l’atteindre.

Pour illustrer le tout, je me souviens qu’en 2016 avec les Lions, Jones avait fait un excellent travail avec Jonathon Jennings qui avait terminé l’année avec plus de 5000 verges de gain. Je ne compare pas Pipkin avec Jennings, mais mon point est que Jones travaillait étroitement avec Dan Dorazio, qui s’occupait de la ligne à l’attaque, et Marcel Bellefeuille, qui était chargé des receveurs. La symbiose entre les trois hommes avait aidé Jennings à atteindre ce plateau. Je ne serais donc pas surpris qu’on apprenne l’arrivée d’un nouvel entraîneur pour les receveurs, une position névralgique dans le football canadien à trois essais.

Un casse-tête pour les Eskimos

Je ne serai pas le seul à tenter d’en apprendre sur Khari Jones, mais les Eskimos aussi. Le premier match du vrai calendrier est une véritable page blanche. Les entraîneurs dévoilent déjà peu leur jeu lors des rencontres préparatoires, mais les entraîneurs des Eskimos connaissent encore moins les stratégies de Jones.

S’il y en a un qui pourrait surprendre, c’est le coordonnateur défensif Bob Slowik. Ce dernier est un Américain qui en est à ses débuts dans la Ligue canadienne. On en a vu beaucoup avec ce pedigree rater leurs chances, mais je dois dire que son approche est intéressante.

Il ne se gêne pas pour poser des questions. Il n’est pas arrivé avec ses gros sabots, mais avec humilité. Il lui arrive d’interroger des joueurs offensifs afin de comprendre ce qui pourrait les déranger lorsqu’ils affrontent une défense. Un joueur de ligne peut ainsi l’aider sur le style de pression qui donne des maux de tête aux bloqueurs.

Son manque d’expérience n’est pas que négatif, car l’adversaire n’a ainsi aucune information sur lui. Le coordonnateur à l’attaque des Eskimos ne sait pas comment Slowik travaille comme il fait ses premiers pas dans la LCF. Si la défense prend l’attaque de court, il peut en découler des revirements en la faveur des Alouettes. Je m’attends à ce que les Eskimos entament le match avec des jeux simples pour décortiquer la défense et ainsi éviter de se faire prendre au dépourvu.  

Mais le défi sera de taille pour Jones, car il devra découvrir au fur et à mesure les stratégies de l’adversaire. Le premier affrontement en est un au niveau des ajustements. Il doit réagir à ce qui lui est présenté sur le coup. Encore une fois, le petit groupe d’entraîneurs des Alouettes pourrait leur jouer un vilain tour. Jones va réaliser en temps réel l’approche des Eskimos et il devra rapidement modifier son plan de match au besoin afin d’offrir les meilleures chances de gagner aux Montréalais. Les entraîneurs disposent d’une multitude de données et statistiques pour analyser l’adversaire, mais lors du premier match presque tout est à écrire.

Au-delà des statistiques, le football demeure un sport d’émotions et d’intensité, d’émotions et de robustesse. Les deux premiers éléments, je les ai vus à l’entraînement en début de semaine. Pour la robustesse, elle devrait être présente, comme les joueurs seront frais et dispos pour le premier match de la saison. Place maintenant aux choses sérieuses et au premier vrai test avec les Eskimos!

*Propos recueillis par Maxime Tousignant