Le mardi 12 février à midi, le marché des joueurs autonomes va s’ouvrir dans la Ligue canadienne de football.

La période des échanges sera cette année plus intéressante que d’habitude pour plusieurs facteurs.

On sait que la LCF est en renégociations avec l’Association des joueurs pour une entente sur la convention collective puisque la présente va se terminer avant le début du camp d’entraînement.

Ça fait en sorte que beaucoup d’équipes et beaucoup de joueurs ont signé des contrats d’une durée d’un an seulement récemment. En conséquence, il y a plus de joueurs autonomes que jamais cette année. En moyenne, les neuf équipes en comptaient 33 chacune. C’est du jamais vu. C’est quand même particulier, mais s’ils ne signent pas d’ici le 12 février, on pourrait voir pour une rare fois trois quarts-arrières qui sont parmi les meilleurs tester le marché : Mike Reilly (Eskimos d’Edmonton), Bo Levi Mitchell (Stampeders de Calgary) et Trevor Harris (Rouge et Noir d’Ottawa). Des no 1, il n’en pleut pas des tonnes, donc souvent les équipes vont s’arranger pour les garder et régler ces dossiers rapidement avant la date limite pour s’assurer de solidifier cette position.

Avec les négos, on ne sait pas quel sera le plafond salarial. C’est difficile pour les joueurs de savoir s’ils veulent se commettre ou risquer d’avoir moins d’argent que prévu. Certains pourraient préférer patienter pour voir quel sera le plafond.

La situation des Alouettes

Du côté des Alouettes de Montréal, il y avait au départ 31 joueurs autonomes et c’était clair qu’ils n’allaient pas tous revenir. Certains ont déjà été libérés et on ne les reverra plus, par exemple le quart Drew Willy. D’autres ont été libérés pour leur donner l’opportunité de tenter le coup dans la NFL, comme le demi de coin Tevaughn Campbell qui a signé avec les Jets de New York.

Les Alouettes ont quand même été actifs jusqu'à présent, on a prolongé les contrats de quelques joueurs qui étaient prêts à signer tout de suite. Il y a eu des prolongations de contrat intéressantes comme celles de Tony Washington et de Kristian Matte, deux joueurs de ligne à l’attaque, ainsi que celle d’Eugene Lewis, un bon jeune receveur qui a démontré de belles choses l’an dernier. Avant les Fêtes, on a prolongé les contrats de Glenn Love et Branden Dozier, qui sont de bons joueurs qui font partie du noyau de l’équipe. On a aussi mis sous contrat le spécialiste des longues remises Martin Bédard. Dans son cas, c’est plus une marque de respect, parce que rien ne pressait. C’était écrit dans le ciel qu’il voulait rester avec les Alouettes, étant un gars de la région. Quand même, c’est intéressant de voir que les Als ne l’ont pas fait languir.

La seule chose qui est plus difficile à comprendre pour moi, c’est qu’on ait mis Ernest Jackson sous contrat aussi rapidement. C’est un peu un mal-aimé depuis qu’il a quitté le Rouge et Noir et signé avec les Alouettes. C’est sûr qu’il n'a pas joué dans le même système offensif et avec la même qualité de quart-arrière, mais sa production a tellement baissé et c’était une déception. Même s'il n'était pas seul dans l’équation, je ne sais pas pourquoi on lui a ouvert notre portefeuille aussi rapidement étant donné qu’il y avait d’autres options comme receveurs, des jeunes qu’on ne connaît pas encore et d’autres joueurs autonomes disponibles. Dans ma tête, rien ne pressait et personne n’allait se précipiter sur lui le 12 février pour l’acquérir, mais je peux me tromper...

Il faut d’ailleurs renflouer la position de receveur de passes. Il y a Lewis que j’aime beaucoup et B.J. Cunningham. Ce dernier manque de constance mais c’est un gars qu’on pourrait ramener. Étant donné qu’il n’a pas signé tout de suite, ça veut peut-être dire qu’il veut aller ailleurs. Ça se peut que les Alouettes veuillent passer à un autre appel parce que Cunningham est capable du meilleur comme du pire, ce n’est pas le plus constant. Par contre, si tu es receveur de passe et que tu regardes les Alouettes, ce n’est pas ce qui a de plus attirant. On n’a pas un gros système offensif, on est instable au poste de quart et le jeu au sol fonctionnait mieux que le jeu de passes l’an passé.

Ceux que j’aimerais revoir à Montréal

Parmi ceux que j’aimerais revoir avec les Alouettes, il y a le joueur de ligne à l’attaque Philippe Gagnon. Je lui souhaite d’en arriver à une bonne entente, autant pour lui que pour les Als. Il en a pris une pour l’équipe l’an passé. J’ai vu un gars qui est revenu au jeu trop rapidement, qui semblait jouer sur une jambe mais qui a été très courageux. J’espère que les Alouettes vont prendre en considération le sacrifice qu’il a fait pour l’équipe. Pour moi, il n’était clairement pas à 100 % à son retour au jeu. Comme il n’était donc sûrement pas à son plein potentiel, j’espère qu’on en a fait une évaluation juste pour un contrat juste. J’ai bien hâte de voir la suite de ce dossier.

Également, si John Bowman veut revenir pour un an, je n’ai pas de problème avec ça. C’est un vétéran et une bonne présence dans l’équipe qui peut encore offrir du bon football. Ce sera à lui de décider.

Ensuite, il y a ceux que j’appelle mes bons soldats canadiens, soit Jesse Joseph, Jean-Samuel Blanc, Nicolas Boulay et George Johnson. Ça prend un bon noyau, des gars sur les unités spéciales et du talent canadien. Encore plus avec Joseph, Blanc et Boulay, car ce sont des gars d’ici, ça a une valeur ajoutée.

Trois positions ciblées

Quand on regarde les besoins des Alouettes, ça ressemble pas mal à l’an passé. Ça prend des ailiers défensifs pour chasser le quart en plus de John Bowman. Ça prend aussi des demis défensifs et des receveurs.

D’ailleurs, ce qui est intéressant quand tu regardes l’effectif des Als, c’est qu’il y a neuf nouveaux receveurs dans le groupe qui n’étaient pas avec l’équipe l’an passé ni dans la ligue canadienne, en plus de cinq joueurs défensifs. Clairement, ça nous dit ce que les Alouettes ciblent comme talent.

Je me suis amusé à regarder les joueurs de qualité qui sont disponibles et que je trouve intéressants.

Comme receveurs, il y a Naaman Roosevelt, Derel Walker, Bryan Burnham, Greg Ellingson, DeVier Posey, Eric Rogers et Nic Demski. J’ajoute aussi Félix Faubert-Lussier, qui est présentement avec les Tiger-Cats de Hamilton. Je le mentionne parce que c’est un bon joueur de football polyvalent qui peut aider les unités spéciales, qui peut être un botteur remplaçant, et c’est un talent local. Ça vaut quelque chose même si je comprends que ce n’est pas tout à fait le même niveau de talent que les autres joueurs sur la liste.

Si je parle des demis défensifs, il y a T.J. Lee, Ciante Evans, Jamar Wall, Delvin Breaux, Rico Murray, Anthony Orange et Taylor Loffler. J’ajoute Adam Thibault, un ancien du Rouge et Or de l’Université Laval. Il est excellent sur les unités spéciales et il vient d’ici.

Enfin, quand on pense aux ailiers défensifs, il y a Willie Jefferson, Ja’Gared Davis, Adrian Tracy, Tristan Okpalaugo et Arnaud Gascon-Nadon. Ce dernier est aussi un ancien du Rouge et Or. Il a déjà été partant, c’est un gars qui peut te donner de la profondeur à cette position, qui est polyvalent et qui est également un autre talent local. C’est non négligeable quand tu es une équipe qui veut reconnecter avec la communauté. Ce ne sont pas juste des Québécois, ce sont des Québécois qui peuvent aussi amener quelque chose sur le terrain de football à leur manière.

Tout ça pour dire qu’il y en a du talent, mais il faut mettre en marche une opération séduction. Il faut vendre ce que tu as à offrir au niveau des contrats, de la valeur, de l’équipe, du système, de la ville et plein d’autres choses.

En 2018, lorsque la période des joueurs autonomes avait débuté, les Alouettes avaient donné un grand coup en partant, surtout sur le plan défensif, en allant chercher l’ailier défensif Jamaal Westerman en plus de quatre demis défensifs (Tommie Campbell, Mitchell White, Joe Burnett et Dominique Ellis). Du lot, le demi de coin Tommie Campbell est le seul qui est toujours là. On a échangé Westerman pendant la saison, Ellis n’a pas eu du succès, alors que Burnett et White ont été blessés. Ça n’a pas été la meilleure cuvée.

C’est surtout particulier d’avoir échangé ta plus grosse acquisition, Jamaal Westerman. Ça fait bizarre, ça ne fait pas la meilleure des publicités. Les joueurs qui s’en viennent vont peut-être avoir des doutes, vont se demander s’ils peuvent se fier à ce qu’on leur dit. Ils ne veulent pas s’installer à Montréal pour être aussitôt échangés.

Mettez-vous dans la peau d’un joueur défensif. On ne connaît pas bien le coordonnateur défensif Bob Slowik car il n’a pas d’expérience dans la LCF, et en plus, il n’y a pas encore d’entraîneur des demis défensifs. Ça peut faire peur. On sait qu’il y a un nouveau plafond salarial pour ce qui est des opérations football, on ne peut avoir plus de 11 entraîneurs et les Alouettes en ont présentement 11. J’espère que ce n’est pas la liste finale car on ne voit pas d’entraîneur de demis défensifs. À moins qu’on m’apprenne que le coordonnateur défensif s’acquittera également de cette tâche, mais ça ferait beaucoup pour quelqu’un qui n’a pas d’expérience. Deux des entraîneurs actuels des Moineaux ne sont pas des priorités pour moi : l’adjoint à l’entraîneur-chef Mike Sherman qui est son fils, Ben, et un adjoint aux unités spéciales. Je préfèrerais avoir un entraîneur des demis défensifs avant ça. Il ne faudrait pas se surprendre de voir un petit remaniement de personnel, ce serait essentiel.

Les trois entraîneurs de position particulièrement importants dans la Ligue canadienne sont l’entraîneur de ligne à l’attaque, l’entraîneur des demis défensifs et le coordonnateur défensif, c’est là où le jeu est pas mal différent du football américain. Ça va être à surveiller.

La tentation d’aller dans la NFL

Pour revenir aux quart-arrières disponibles, je ne vois aucun d’entre eux aller dans la NFL.

Reilly est trop vieux. Par contre, il y a beaucoup d’indices qui portent à croire qu’il se joindra aux Lions de la Colombie-Britannique. Leur directeur général Ed Hervey était auparavant DG à Edmonton et c’est lui qui avait transigé avec les Lions pour amener Reilly, donc il y a un lien entre les deux. De plus, durant la saison-morte, Reilly habite à Seattle tout près de Vancouver. On dit que Reilly pourrait faire sauter la banque, mais du calme. Avec un plafond salarial (qui était de 5,2 millions l’an passé), il faut qu’il en reste pour les autres. S’il ne reste plus de sous pour payer ta ligne à l’attaque, ta carrière sera peut-être écourtée parce que tu vas te faire maganer.

Pour ce qui est de Bo Levi Mitchell, il va s’essayer dans la NFL, mais d’après ce que j’en sais, il ne semble pas satisfait de sa situation pour l’instant car il n’a pas d’offres sérieuses. Si tu arrives là avec un contrat de base sans garantie ou de boni à la signature, ça donne l'impression que tu vas devoir te contenter d'être un simple gars sur l'équipe d'entraînement. Mitchell est un gros poisson dans la LCF. Il a quand même un bon salaire avec les Stamps, il joue en masse et c’est un bon joueur partant. Il va bien y réfléchir.

Ce n’est pas évident dans la NFL de la façon que ça fonctionne. Les joueurs de la LCF qui veulent aller dans la NFL comme Tevaughn Campbell, ce sont les premiers à signer des contrats durant la saison-morte en vue de la prochaine campagne. En janvier, les organisations ont le temps de t’observer et de t’évaluer, et ils peuvent penser à ce moment-là que tu peux les aider. Par contre, en février, le marché des joueurs autonomes s’ouvre dans la NFL, puis il y a la date limite des transactions et le repêchage, ce qui affecte la charte des positions. Bien des choses peuvent arriver : par exemple les dirigeants pensaient perdre un de leurs joueurs mais ils ont finalement pu le garder, ou bien ils ont été capables de repêcher un joueur qu’ils croyaient ne plus être disponible une fois leur tour venu dans l’ordre de sélection. Bref, le portrait peut changer drastiquement entretemps et tes chances diminuent. C’est ça qui est dur dans la NFL. Donc à moins d’avoir des conditions béton, qu’ils démontrent sérieusement leur intérêt envers toi, c’est dur de se commettre dans la NFL. En même temps, je comprends les gars de vouloir tenter leur chance. Si tu n’essaies pas, tu ne sauras jamais ce qui peut arriver, mais je ne crois pas que Mitchell va s’essayer à tout prix considérant qu’il est bien établi dans la LCF.

Bref, on a hâte de voir ce qui va se passer dans la LCF et quelle sera l’identité des nouveaux joueurs des Alouettes.

* Propos recueillis par Audrey Roy