Ce n’est pas parce que c’était une semaine de congé que les Alouettes n’ont pas fait les manchettes.

On vient tout juste de passer la date limite des transactions dans la Ligue canadienne et quelques-unes impliquant les Alouettes m’ont fait sursauter. Je pense que pour vous aussi c’était la même chose.

Ces mouvements de personnel ont fait jaser à un tel point que les Alouettes ont décidé d’envoyer une lettre à leurs partisans afin d’expliquer leurs récentes décisions. Je ne suis pas ici pour mettre en doute que Kavis Reed et les Alouettes veulent bien faire. Je suis certain qu’il a les succès de l’équipe à cœur, mais je comprends également les points d’interrogation qui sont soulevés présentement.

Il y a une formule que je tiens à mettre de l’avant dans la présente situation : « il ne faut pas confondre activité avec productivité ». Ce n’est pas parce qu’il y a plusieurs échanges que c’est forcément positif. Lorsqu’on regarde quelques-unes des récentes transactions conclues par les Alouettes, à première vue, elles ne paraissent pas reluisantes dans l’immédiat. Ce qui est concret, ce sont les bons joueurs et les choix de premières rondes que les Alouettes ont cédés.

En ce qui concerne le retour, il faut se dire qu’on se croise les doigts en espérant que les dividendes seront payants.

On se retrouve avec un portrait encore nébuleux alors qu’on nage dans l’inconnu. Si Johnny Manziel devient la solution à la position de quart, plusieurs transactions auront valu la peine. Même son de cloche si la jeune ligne à l’attaque parvient à connaître du succès, ce sera un autre pari remporté, et si les choix de deuxième ronde impliqués dans les récentes transactions se deviennent des joueurs d’impact canadiens, ce sera un autre bon coup. Certains joueurs qui ont quitté le nid pourraient aussi rentrer au bercail la saison prochaine alors qu’ils deviennent joueurs autonomes au terme de la campagne.

Si tout ça se concrétise, on pourra se dire que oui le prix était élevé, mais le retour est plus qu’intéressant. Je ne vous cache pas que je souhaite que ça fonctionne, mais pour le moment on connaît juste le prix et non pas le retour sur l’investissement.

Un prix qui se justifie pour Manziel

Pour la première fois depuis le départ d’Anthony Calvillo, il semble avoir un réel espoir avec Manziel et quelques autres quarts dans l’organisation. Je peux donc comprendre qu’on ait été prêt à payer le gros prix pour l’obtenir. Si c’est bel et bien le cas, il n’y aura cependant plus d’excuses. Avec un quart solide en poste, l’équipe ne pourra plus se défiler, car on sait dans la LCF à quel point la position de quart est névralgique et a un impact direct sur les succès d’une équipe. Il est donc logique de beaucoup donner pour régler cette lacune.

Il faut faire attention de ne pas s’emballer trop vite non plus et à la place des Alouettes, je me serais peut-être gardé une petite gêne lorsqu’ils ont dit dans un communiqué qu’ils avaient cinq quarts de qualité sous la main. Il ne faut pas oublier que de ce nombre deux d’entre eux avaient été retranchés et sont revenus dans l’entourage de l’équipe. Les Alouettes ont quand même tenu à obtenir les services de Johnny Manziel à fort prix même s’ils avaient déjà les quatre autres quarts dans la formation. Il aurait fallu être plus prudent à mon avis dans ces commentaires. C’était peut-être un peu maladroit.

Des transactions qui peuvent laisser perplexe

Si la position de quart est réglée, il revient à Kavis Reed de poursuivre son plan et j’ose croire que la prochaine étape concerne la ligne à l’attaque. Sans protection, et on le voit à certaines occasions cette saison, Manziel aura de la difficulté à atteindre son plein potentiel.

Les Alouettes de retour au travail 3 partants en moins

Je comprends que les partisans soient frustrés et j’aurais aimé que l’organisation fasse preuve d’un peu plus de compassion dans leur message qui les concernait. Je pense que la direction doit montrer qu’elle a pris conscience de la grogne qui monte chez ses partisans.

Les partisans sont en droit d'émettre des doutes sur les décisions qui sont prises. Ce sont eux qui paient après tout. L’équipe n’a pas participé aux éliminatoires au cours des quatre dernières années et à la lumière des résultats, certaines transactions ne paraissent pas concluantes. Je n’ai qu’à penser au joueur de ligne Landon Rice acquis dans la méga-transaction avec Manziel et les Tiger-Cats de Hamilton. Ce dernier a été libéré après quatre matchs avec les Alouettes en raison de mésententes contractuelles.

Je ne vois pas tout ce qui se passe au sein du groupe de la direction, mais l’image qui est projetée présentement est celle où Kavis Reed semble être le seul à prendre les décisions. D’un observateur qui regarde le tout de l’extérieur, il ne semble pas y avoir quelqu’un pour remettre en question certains choix. Si on remonte à l’ère de Jim Popp, il y avait Larry Smith dans le portrait, qui était un homme de football. Je n’avance pas que Smith avait un droit de veto sur les décisions de son directeur général, mais il pouvait à tout de moins le conseiller au besoin et si la situation se présentait. Reed ne semble pas disposer d’une telle ressource à ses côtés. Il paraît donc avoir carte blanche et je ne sais pas non plus s’il demande l’avis des entraîneurs.

Je soulève le point, car lorsqu’on regarde la transaction impliquant Patrick Lavoie, ce dernier avait un rôle unique au sein de l’équipe. Non seulement il permettait de créer un sentiment d’appartenance avec les partisans en tant que Québécois, il a tout donné à cette équipe, mais son rôle était précis au sein de l’unité offensive.

Il représentait à lui seul une grosse partie du livre de jeux, alors qu’il était de plusieurs combinaisons et j’ai toujours trouvé étrange qu’il n’y ait aucun réel remplaçant pour lui.  C’est une position qui disparaît à première vue avec son départ pour la Saskatchewan. Je sais bien que l’attaque ne fonctionne pas à plein régime présentement, donc ce n’est pas une formule qui a connu beaucoup de succès qui est démantelée. J’imagine seulement les entraîneurs qui ont dû se poser des questions lorsqu’ils ont appris la transaction, alors que présentement, ce joueur n’avait aucun remplaçant.

Malgré tous les points nébuleux, je saisis que les Alouettes sentaient le besoin d’aller chercher un quart qu’ils croient avoir le potentiel pour connaître du succès dans la Ligue avec Manziel. Les transactions qui impliquent Lavoie et Ackie se justifient lorsqu’on considère qu’ils étaient possibles de les perdre pour rien à la fin de la saison. Il vaut donc au moins obtenir des choix de deuxièmes rondes.

Une direction à prendre

La période creuse des Alouettes ne peut pas uniquement être attribuable à Reed, alors que les deux dernières années de Jim Popp en poste avait été difficile. Par contre, j’admets avoir de la difficulté par moments à cerner le plan de son successeur. Il a dit vouloir renflouer le talent canadien ce qui est très bien. En conséquence, il obtient les services de Jamaal Westerman, Ryan Bomben et Patrick Lavoie. Par contre, dans la même année, on échange ces trois joueurs et on ajoute maintenant Ackie à ce lot. Le noyau qu’on croyait avoir identifié pour augmenter le talent canadien n’est plus avec l’organisation.

Un autre point recherché : un rajeunissement de l’effectif. C’est bien, mais si c’est le cas, pourquoi avoir justement mis la main sur Westerman qui est âgé de 33 ans et Chris Wililams qui a 31 ans. Je peux ajouter récemment Adarius Bowman qui a également 33 chandelles. Je ne dis pas ça de gaieté de cœur, mais si le plan était effectivement de rajeunir l’équipe, pourquoi avoir décidé de garder Chip Cox, Luc Brodeur-Jourdain ou John Bowman? C’est difficile pour moi de dire ça, car ce sont de grands Alouettes qui ont le logo tatoué sur le cœur. Je n’avance pas qu’il ne fallait pas les conserver au sein de l’alignement, mais dans un désir de rajeunissement, il aurait été compréhensible qu’ils ne soient pas de retour avec l’équipe. Ils ont mon plus grand respect et je les nomme ici pour faire réaliser certaines incohérences. On peut se demander pourquoi ce virage jeunesse n’a pas été effectué et l’une des pistes de solution réside peut-être dans la difficulté à dénicher de jeunes joueurs talentueux. J’avance cette hypothèse alors qu’ils ont senti le besoin d’obtenir le demi de coin de 31 ans T.J. Heath en retour de Ryan Bomben. Je suis d’avis qu’il est possible de dénicher de jeunes demi de coin américains talentueux, mais encore faut-il les trouver, les convaincre de rejoindre le nid et ensuite de les développer.

Il semble primordial de rajeunir l’équipe, mais je ne suis pas certain qu’il faille en faire un enjeu central. Je préfèrerais plutôt entendre qu’ils souhaitent améliorer l’équipe au lieu de marteler l’importance de rajeunir le groupe. Le but est de mettre des victoires au compteur et à mon avis. L’âge moyen est de 27,6 et Kavis Reed souhaite la descendre à 26, 3. Je ne sais pas pourquoi ce chiffre est si précis, mais à mon avis, une équipe de football a besoin d’un bon mélange de jeunes et de vétérans. On voit cependant que Kavis Reed semble être un adepte des statistiques, mais vous avez été plusieurs à me le faire remarquer, le seul chiffre qui devrait importer c’est le 6-27, soit la fiche sous son règne comme directeur général. Lui-même à son arrivée avait dit que le langage universel du football c’est la victoire.

Il n’est donc pas surprenant que les partisans éprouvent certaines frustrations et soient mêlés à la lumière de ces décisions. Il fallait s’attendre à ce que la direction perde quelque peu du capital de sympathie quand le plan est difficile à suivre.

Si la voie du rajeunissement est suivie, il faudra être prêt à vivre avec leurs erreurs des jeunes, car il va y en avoir. Il est donc nécessaire d’avoir un groupe d’entraîneurs solides en place. Si on prend ce qui survient avec la ligne à l’attaque qui semble subir une cure de rajeunissement, on est d’avis que Trey Rutherford et Tyler Johnstone ont un beau potentiel à développer. Il faut cependant dire que l’équipe a connu des ennuis à ce niveau cette saison sous la direction de Paul Dunn. Il a une belle feuille de route, mais l’ajustement à la LCF semble difficile. Peu importe les combinaisons cette année, la ligne a connu des ennuis et j’ose espérer que ce n’est pas uniquement parce que tous les joueurs sont mauvais. Il y aura donc des ajustements à faire de ce côté. Les entraîneurs en poste auront comme rôle de bien développer les jeunes joueurs avec un système solide.

Le besoin de résultats est peut-être plus urgent dans la Ligue canadienne alors que six équipes sur neuf participent aux éliminatoires. Lorsque tu rates un tel rendez-vous quatre années de suite, il est difficile de ne pas ressentir une certaine frustration. De plus, au cours des sept dernières saisons, toutes les formations ont pris part au match de la Coupe Grey, sauf les Alouettes. Je suis conscient que Reed fait de son mieux pour améliorer l’équipe et qu’il n’est pas épargné par les critiques. Personne n’aime se faire critiquer de la sorte, mais c’est une réalité de l’emploi de directeur général. C’est une business de résultats et ceux-ci ne sont pas au rendez-vous présentement. Il est temps de passer de la parole aux actes et de montrer que l’équipe va dans la bonne direction.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant