J’avais hâte de voir ce qui allait se produire à l’ouverture du marché des joueurs autonomes dans la Ligue canadienne.

Je me demandais quelle approche les directeurs généraux allaient adopter alors que la nouvelle convention collective n’est pas encore signée, ce qui fait en sorte qu’on ne connaît pas encore le plafond salarial pour la prochaine année.

Le marché cette année était bien garni en quantité, mais également en qualité. Un impressionnant nombre de joueurs vedettes n’avaient pas paraphé d’entente afin d’opter pour l’autonomie et quelques équipes ont su renflouer leur coffre.

Dans le clan de Kavis Reed et des Alouettes, je dirais que nous avons eu droit à une semaine positive. Le directeur général a su mettre la main sur de bons joueurs autonomes qui vont aider l’organisation dès la prochaine campagne.

Il était aussi légitime de se demander comment Reed allait réussir à convaincre des joueurs talentueux de rejoindre le nid après des saisons plus difficiles. C’est plaisant de voir que des joueurs veulent relever ce défi à Montréal et croient en l’équipe. Un joueur autonome base sa décision sur plusieurs critères pour choisir sa nouvelle destination: le contrat, les installations sportives, la ville, l’organisation, etc. Je ne suis pas au courant des négociations et peut-être que l’offre des Alouettes était tout simplement la meilleure sur la table et les joueurs ont sauté sur l’occasion, mais on a vu aussi que certains avaient hâte de se retrouver dans cet environnement pour aider les Alouettes.

Lorsqu’on regarde en premier lieu les prises du DG en défense, le nom qui saute aux yeux est Taylor Loffler. Les partisans des Blue Bombers vont peut-être l’avoir sur le cœur éventuellement, mais c’est la deuxième année consécutive que les Alouettes pigent un joueur vedette dans leur cour. L’an passé, Jamaal Westerman s’était retrouvé à Montréal, mais il a été finalement échangé aux Tiger-Cats de Hamilton dans la transaction impliquant Johnny Manziel.

Cette année, les Montréalais refont le coup avec Loffler et ce qu’il y a d’intéressant avec ce dernier, c’est qu’il est dans la fleur de l’âge à 26 ans seulement. C’est aussi un partant canadien vedette, donc même s’il est maraudeur, sur le schéma des Alouettes, il vient en quelque sorte combler la perte de Tevaughn Campbell qui a quitté pour les Jets de New York. Dans le ratio, Reed revient avec un Canadien dans la tertiaire afin d’équilibrer le tout et on voit qu’il y a ainsi une logique au plan établi.

Toujours dans la tertiaire, Patrick Levels s’ajoute aussi au groupe des demi-défensifs et il n’a que 24 ans. Il a deux saisons derrière la cravate avec les Stampeders de Calgary et on peut dire dans son cas que ses meilleures années sont devant lui.

Le secondeur Bo Lokombo est une autre prise des Alouettes. Celui-ci est une machine sur les unités spéciales et il peut rendre de fiers services en défense. Si on veut aussi se prêter au jeu, il peut prendre la place de Chris Ackie.

Le seul point que j’aurais aussi aimé voir Reed régler sur l’unité défensive, c’est concernant les ailiers défensifs. Je l’ai dit par le passé, je croyais que les Alouettes ont un besoin à cette position. L’équipe est parvenue c’est vrai à signer John Bowman, mais autant il va tout donner lors d’un match et encore rendre de fiers services à l’équipe, il ne rajeunit pas. Les Alouettes ont besoin de dénicher de la relève à cette position surtout qu’une équipe détient normalement un bon duo de chasseurs de quart. Si l’un est doublé, son coéquipier peut alors en profiter.

Malheureusement pour les Alouettes, Adrian Tracey est demeuré à Hamilton, Willie Jefferson a pris le chemin de Winnipeg, alors que Ja'Gared Davis est à Hamilton et A.C. Leonard est maintenant avec le Rouge et Noir. Si on veut vraiment un gars d’expérience, il y a Tristan Okpalaugo des Blue Bombers qui est disponible. Ça fait quatre ans qu’il est dans la Ligue et j’ai voulu comparer sa production avec John Bowman. Donc depuis ses débuts, il a disputé 66 matchs pour 34 sacs et Bowman au cours de cette période, c’est 43 sacs pour le même nombre de matchs. Pour le jeu des comparaisons, on peut ainsi voir qu’il connaît la Ligue et qu’il est capable de se débrouiller.

Le nom de Victor Butler circule également, mais ce dernier n’a pas joué l’an passé et son nom se retrouve sur la liste des retraités chez les Argonauts. Le statut sur le plan contractuel serait donc à vérifier. Il avait connu des débuts fracassants en 2017 avec les Argonauts alors qu’en 12 matchs il avait obtenu 10 sacs du quart. Par contre, il en avait réalisé huit à ses trois premiers, donc peut-être qu’il a été victime de son succès et l’adversaire est parvenu ensuite à le neutraliser.

De la profondeur en attaque

Si on se transporte en attaque, je trouve évidemment intéressant la signature du Québécois Christophe Normand qui permet maintenant à l’équipe d’avoir deux centre-arrière avec Spencer Moore qui a été acquis des Roughriders. Cette profondeur à cette position est rafraîchissante, car l’an dernier, les Alouettes n’avaient que Patrick Lavoie et si ce dernier tombait au combat, le schéma tactique en prenait un coup.

DeVier Posey vient quant à lui jouer le rôle qu’endossait Chris Williams en début de campagne l’an passé. Le receveur est un marchand de vitesse qui peut attaquer les zones profondes et forcer la défense à reculer. Il ouvre par la même occasion les zones intermédiaires pour ses coéquipiers. Je ne serais pas surpris de le voir réaliser quelques coups de circuit au cours de la saison, alors que les Alouettes auront sans doute l’intention d’être dominants au sol, ce qui fait qu’ils pourront surprendre à l’occasion avec une longue passe. Les défenses devraient mettre l’énergie pour contrer l’attaque terrestre et il restera donc à voir si les receveurs pourront se démarquer dans leur couverture à un contre un.

Dans cette optique de connaître du succès au sol, on retrouve Jeremiah Johnson. Il ne fait aucun doute que la pierre d’assise demeure William Stanback comme porteur de ballon. Johnson ajoute de la profondeur et à 32 ans, il devrait jouer le rôle de grand frère. Il est un complément à Stanback avec un style quelque peu différent.

La dernière signature des Alouettes que je souhaite relever est celle du bloqueur Spencer Wilson. Cet ajout est intéressant en raison de sa polyvalence extraordinaire, car il a obtenu des départs aux cinq positions sur la ligne à l’attaque. En plus de son expérience dans le circuit, il arrive aussi avec une attitude de gagnant alors qu’il a évolué et gagné au cours des dernières années avec les Stampeders de Calgary. Il ne reste plus beaucoup de joueurs chez les Alouettes qui ont remporté de gros matchs et cette dynamique est importante dans un vestiaire.

Si jamais il n’est pas partant, Wilson devient le sixième joueur de ligne idéal. Parfois, les équipes préfèrent avoir seulement six joueurs sur la ligne en uniforme pour un match, mais le dernier se doit d’être polyvalent afin de combler un poste en cas de blessure. Wilson répond parfaitement à ce critère.

L'effet domino chez les quarts

Outre les prises des Alouettes, je ne peux passer sous silence la situation des quarts-arrière. Simultanément, Mike Reilly, Bo Levi Mitchell et Trevor Harris avaient la possibilité de changer d’adresse, ce que deux d’entre eux ont fait.

Selon ce qui circulait avant l’heure fatidique, j’avais la forte impression que Mike Reilly allait rejoindre les rangs des Lions de la Colombie-Britannique. Les astres semblaient alignés et c’est effectivement ce qui s’est produit. Par contre, jamais je ne m’attendais à ce qu’il y ait autant de surenchère en ce qui concerne la valeur du contrat qui lui a été octroyé. De prime abord, il est déjà surprenant de voir que les Lions ont annoncé le salaire de leur nouveau quart no 1 alors qu’il touchera 2,9 millions au cours des quatre saisons, ce qui lui fait une moyenne de 725 000 $ annuellement.

Je suis conscient que le plafond salarial va grimper la saison prochaine, mais pour mettre en perspective, Reilly occuperait 14 % de la masse salariale de l’équipe si elle était la même qu’en 2018. Maintenant âgé de 34 ans, l’ancien des Eskimos se devait de penser à son avenir et on ne sait jamais ce qui peut se produire dans une carrière. Je comprends un joueur qui veut prendre ce qui lui passe sous la main.

On va souhaiter aux Lions que le plafond augmente de manière substantielle, car ils vont devoir l’entourer. Il ne sera pas capable de se protéger tout seul ou d’attraper ses propres passes. Il aura besoin d’autres joueurs talentueux à Vancouver, mais c’est là que réside le défi d’un directeur général. Il doit maintenir cet équilibre afin de mettre la main sur des joueurs vedettes tout en s’assurant de pouvoir les entourer convenablement. On sait que même s’il doit avoir l’appui de ses coéquipiers, on ne se cachera pas que la position de quart-arrière est névralgique. Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais on en a le meilleur exemple chez les Alouettes depuis le départ d’Anthony Calvillo.

Les Lions vont peut-être décider de mettre beaucoup d’argent dans leur attaque et délaisser quelque peu la défense. Leur pari pourrait être qu’ils croient gagner leur match 40 à 33.

Je comprends cependant la décision derrière ce coup d’éclat, car on sentait une baisse d’intérêt chez les partisans envers l’équipe et à leur présence aux matchs locaux. On ne peut donc pas leur reprocher ce mouvement de personnel.

La signature de Reilly a eu l’effet domino qu’on attendait alors que Trevor Harris s’est ensuite entendu avec les Eskimos d’Edmonton. Au final, le Rouge et Noir d’Ottawa, des rivaux directs des Alouettes dans l’Est, perd son quart partant ce qui est non négligeable.

Je me suis amusé à dresser un portrait des joueurs qui ont quitté par l’entremise du marché des joueurs autonomes et les deux équipes qui n’ont pas fait les éliminatoires dans l’Est ont perdu un total de trois joueurs : deux pour Montréal et un pour Toronto. Ottawa et Hamilton ont chacune perdu six joueurs. De son côté, Calgary s’est fait prendre neuf joueurs après avoir gagné la Coupe Grey. Ça ne fait pas foi de tout, mais c’est un indice tout de même afin d’évaluer où le talent peut provenir.

Encore du pain sur la planche

Même si cette première semaine des joueurs autonomes est prometteuse pour plusieurs équipes, dont pour les Alouettes, il faut comprendre que l’objectif pour un directeur général n’est pas de simplement sortir gagnant de ces premières journées, mais bien de remporter un championnat à la fin de la saison.

On a appris en 2018 que malgré une belle cuvée de joueurs autonomes, les Alouettes ont connu des difficultés ensuite lors de la saison. Cette semaine est un premier facteur dans l’équation vers le but ultime, la Coupe Grey.

Viennent ensuite le repêchage canadien et ce qui va réellement attirer mon attention, ce sont les joueurs autonomes américains qui viendront au camp. Ce nombre est illimité et c’est la chance pour Reed de montrer qu’il a développé un bon réseau. C’est le plus gros test pour les opérations football.

On y retrouve des joueurs américains que l’on peut qualifier de diamants bruts, car personne ne les connaît. On a vu des Woody Barron, Ryan Brown, Brian Dozier, Eugene Lewis et Stanback, j’en veux à la pelleter comme eux au camp d’entraînement. Il faut renflouer le talent à plusieurs niveaux et il sera intéressant de voir ce que Reed et son groupe pourront faire dans ce dossier au cours des prochaines semaines.

*Propos recueillis par Maxime Tousignant