On ne se le cachera pas, la situation des quarts sera la plus grande source d’attention chez les Alouettes la saison prochaine, alors que cette position représente une source d’inquiétude puisque le besoin y est réel.

Tout indique que l’organisation aura une décision importante à prendre concernant le vétéran quart Darian Durant lundi, à savoir si elle doit lui donner un boni substantiel, en cas contraire, il sera libéré et deviendra joueur autonome. Il faudrait voir dans ces circonstances s’il veut toujours s’entendre avec les Alouettes, acceptant une restructuration de son contrat.

Si jamais Durant venait à ne pas être de retour avec l’équipe, il n'aurait alors resté que de jeunes quarts. C’est une position névralgique et c’est à se demander si l’organisation est prête à entamer la prochaine campagne avec seulement des jeunes quarts à leur disposition. Si la saison débute avec Matthew Shiltz à ce poste, il faudra que toutes les unités soient meilleures afin d’enlever le plus de pression possible sur ses épaules.

L'équipe pourrait décider de se tourner vers ses jeunes quarts, mais ce n’est pas une mauvaise idée d’avoir des vétérans d’autant plus si la direction a la chance de les évaluer avant le camp.

C’est dans cette optique que je vois la mise sous contrat du quart Josh Freeman.

Je n’ai aucun problème avec cette signature. Les Alouettes n’ont sensiblement rien à perdre dans ce dossier. Cette entente va coûter les quelques feuilles de papier pour imprimer le contrat, quelques billets d’avion pour l’inviter afin de l’évaluer au mini-camp et possiblement ensuite au camp d’entraînement. Les Alouettes peuvent ratisser l’Amérique du Nord au complet afin de mettre la main sur le plus de quarts possible. Ils doivent profiter de la saison morte pour évaluer plusieurs quarts afin qu’au moment d’amorcer le camp d’entraînement, l’équipe dispose du groupe avec le meilleur potentiel possible à cette position.

Si on s’attarde uniquement à la stature de Freeman, on ne peut faire autrement qu'être impressionné. C’est un quart de 6 pieds 6 pouces qui possède un bras canon et est mobile. On comprend pourquoi certains sont tombés en amour avec lui du côté de la NFL et sa sélection au premier tour en 2009 par les Buccaneers de Tampa Bay.

Par contre, même s’il disposait du physique de l’emploi, les choses se sont gâtées. On en prend conscience lorsqu’on jette un coup d’œil à ses statistiques. On s’est aperçu qu’au niveau de sa précision et de sa lecture des défenses adverses, il y avait des lacunes. Il n’a quand même pas joué à un haut niveau au football depuis 2015. Les chiffres ne mentent pas. Il a complété 57% de ses passes et a lancé 81 passes de touché contre 68 interceptions. En sept saisons dans la NFL, son ratio de passes de touché/interceptions n’a été positifs qu’à deux occasions. Je vois donc un drapeau rouge lorsqu’il est question de bien lire les défenses adverses.

Je me suis penché de manière un peu plus approfondie sur son pourcentage de passes complétées. Freeman n’a joué qu’un seul match en 2015 avec les Colts d’Indianapolis et il a complété 53% de ses passes au cours de la rencontre.

En 2013, il disputé trois matchs dans l’uniforme des Bucs et un dans celui des Vikings. Les chiffres vont ainsi pour ces matchs : 48%, 41 %, 46 % et 38 % de passes complétées. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans son cas, mais on dirait que tout d’un coup il n’était plus capable de compléter une passe. Ça me fait penser à un golfeur qui n’est plus en mesure de caler des rouler sur les verts. Plus rien ne semblait fonctionner. Il n’a jamais été un grand quart précis, mais il n’a atteint un ratio de 50 % qu’à une occasion à ses cinq derniers matchs. C’est inquiétant, surtout lorsqu’il est question du football à trois essais. Il aura besoin de faire grimper cette statistique à 65 %.

Malgré tout, je dis que les Alouettes font bien d’aller de l’avant avec Freeman. Ça ne coûte pas cher d’aller voir s’il a toujours le goût de jouer au football et si Mike Sherman ne pourrait pas relancer sa carrière.

Ambivalent au sujet de Manziel

Ces développements au poste de quart me permettent également de glisser un mot sur le dossier de Johnny Manziel. Celui-ci a jusqu’à la fin du mois pour en venir à une entente avec les Tiger-Cats de Hamilton. J’ai hâte de voir ce qui va arriver dans ce dossier, surtout avec tout ce qu’on entend.

Plusieurs personnes qui suivent les activités de la Ligue canadienne ont rapporté que le clan Manziel a eu la permission de parler à une autre équipe. On n’a pas besoin de faire un grand tour de la LCF pour se demander quelle équipe a besoin d’un quart-arrière, de créer un "buzz" dans la ville, de vendre des billets et qui dispose d’un entraîneur-chef qui a recruté Manziel à l’université… Eh oui, les Alouettes.Johnny Manziel

Même si l’identité de l’équipe n’a pas été révélée, il y a de fortes chances que ce soit eux. Il faut maintenant regarder comment les Tiger-Cats vont gérer le dossier. Hamilton est dans la même section que les Alouettes, donc est-ce qu’ils veulent vraiment les aider en leur laissant Manziel?

J’en ai déjà parlé, mais j’ai deux positions au sujet de l’arrivée de Manziel dans la Ligue canadienne.

Tout d’abord, on voit son clan qui veut lui permettre de toucher un gros contrat, équivalent à celui d’un quart déjà établi dans la ligue. C’est bien beau tout ça, mais ce que ça ne me dit pas, et ce que je veux savoir, c’est si le football est important pour lui. Est-ce qu’il est rongé de l’intérieur lorsqu’il ne peut pas jouer comme ç’a été le cas lors des dernières années? Il doit répondre à cette interrogation. Si la réponse est oui, il va comprendre que la Ligue canadienne représente sa meilleure chance de jouer à un bon niveau et de lui donner peut-être une occasion de retourner dans la NFL.

Je ne crois pas qu’il ait véritablement besoin d’argent, alors qu’il a déjà fait sa marque aux États-Unis grâce à sa popularité. Par contre,  les Tiger-Cats lui ont donné toute une munition en vue des négociations. Lorsque l’entraîneur-chef de Hamilton, June Jones a dit il y a quelques mois que Manziel serait le meilleur joueur à avoir joué dans la Ligue, non seulement il en a mis beaucoup, mais il a donné tout un argument de négociation à l’agent de Manziel. Ce dernier a dû avoir des signes de dollar dans ses yeux à ce moment.

J’ai été quelque peu irrité à la suite des propos de Jones, car à mon avis, j’ai eu la chance de jouer avec le meilleur joueur que la Ligue ait connu et il s’appelle Doug Flutie. En huit ans dans la Ligue canadienne, il a été nommé joueur par excellence à six occasions. J’en parle parce que même lui a eu besoin d’une période d’adaptation et d’apprentissage. Lors de sa première saison en 1990 avec les Lions de la Colombie-Britannique, en huit départs, il n’a complété que 53% de ses passes. Il a enregistré 16 passes de touché, mais il a aussi lancé 19 interceptions. Donc même le plus grand a eu besoin d’apprendre. C’est pourquoi je trouve qu’il faut être prudent lorsque quelqu’un veut faire une déclaration comme celle de Jones.  

Je voyais dans The Gazette que le propriétaire des Alouettes Robert Wetenhall veut vraiment avoir Johnny Manziel. Il faut faire attention de ne pas donner encore plus de munitions au clan Manziel pour qu’il demande encore plus d’argent. La même erreur que les Tiger-Cats ont commise ne doit pas être répétée, alors que ceux-ci n’ont pas aidé leur cause.

Si jamais Manziel venait à s’entendre avec Hamilton, j’ai bien hâte de voir comment la situation sera gérée à l’intérieur du vestiaire et sur le terrain. Le quart partant Jeremiah Masoli vient de s’entendre avec l’équipe. Il est un joueur très populaire dans le vestiaire, alors que l’équipe a gagné avec lui au poste de quart.

Je ne crois pas que Manziel peut être amené au sein d’une équipe et jouer le rôle de deuxième quart. Il deviendrait une grande source de distraction. C’est une autre raison qui me laisse croire que la situation n’est pas optimale à Hamilton pour Manziel, mais elle pourrait l’être à Montréal.

Par contre, il y a une partie de moi qui se dit que je ne lui confierais jamais mon attaque. On entend souvent les quarts être comparés à des chefs d’entreprise, à des pilotes d’avion ou à des capitaines de navire. Si le but est de voguer sur la croisière « Amusons-nous », peut-être que là il peut devenir le capitaine du navire…

Vous comprendrez que je fais des farces, mais si je mets les blagues de côté, je m’inquiète en raison de son historique qui joue contre lui. Il était dans la NFL, il a été un choix de première ronde, il a eu la chance de jouer, mais il ne semblait pas en amour avec le sport. Il ne paraissait pas prêt à mettre les heures nécessaires pour se préparer et gagner la confiance de ses coéquipiers. C’est à se demander pourquoi il viendrait le faire dans la LCF, à un salaire moindre de surcroît. D’autant plus que techniquement, l’organisation ne peut garder tes services que 4h 30 minutes par jour.

Même si j’ai quelques réticences à son endroit, je me dis malgré tout qu’il a le style parfait pour la Ligue canadienne. Elle est là mon ambivalence. J’aimerais voir ce qu’il serait capable de faire. Il n’y a personne de parfait et tout le monde a le droit à une seconde chance. Dans son cas, après la NFL, cette chance pourrait bien être dans la LCF. La balle sera alors dans son camp et il devra montrer qu’il est sérieux dans sa démarche.

La position de quart chez les Alouettes risque de faire couler encore beaucoup d’encre au cours des prochaines semaines. C’est décidément une entre-saison qui ne manque pas de piquant.

Propos recueillis par Maxime Tousignant