On sait que les Alouettes sont déjà certains de participer aux éliminatoires, mais la victoire de vendredi sur les Argonauts de Toronto est tout de même une bonne nouvelle.

Avec cette neuvième victoire de la saison, les Moineaux sont assurés de jouer pour ,500, c’est une marque symbolique.

On verra lors des deux dernières parties du calendrier régulier comment la direction compte gérer son effectif pour éviter les blessures. C’est l’un des plus gros défis des Alouettes, se préparer pour la demi-finale de l’Est. Il faut trouver un équilibre au niveau du temps de jeu et du repos. On veut arriver en étant le plus prêts possible, mais on veut aussi se présenter avec nos meilleurs joueurs.

Argonauts 24 - Alouettes 27

C’est aussi le fun d’afficher un dossier de 6-2 à la maison, car ça lance le message que ce n’est pas facile de jouer à Montréal, de battre les Alouettes sur leur terrain. On revient un peu plus à ce que c’était dans le passé. Fut un temps où les équipes visiteuses donnaient l’impression d’avoir déjà concédé la victoire avant même de jouer. C’était presque mission impossible de gagner. Je ne dis pas que c’est à ce même niveau aujourd’hui, mais c’est plus intimidant.

On a donc retrouvé le chemin de la victoire hier et on s’est débarrassé du goût amer de la semaine passée après une contre-performance à Winnipeg. On est reparti dans la bonne direction. On a aussi évité des blessures majeures. Il y a seulement eu quelques bobos à certains joueurs, mais il ne semble pas y avoir eu quoi que ce soit de sérieux.

Une victoire, c’est une victoire. Personne ne va se souvenir exactement de l’allure du match ou du pointage final dans un mois, mais j’aurais quand même aimé qu’elle soit plus convaincante. On espère que les Alouettes vont prendre leur rythme et jouer du meilleur football. En regardant la fiche des Argonauts et leurs statistiques, c’était comme se retrouver devant un buffet : ils étaient derniers contre la passe, derniers contre la course, derniers pour les points… Après trois quarts, les Alouettes n’avaient pourtant marqué que 13 points et ça m’a laissé un peu sur mon appétit. Même si le football ne se joue pas sur papier, les Als auraient dû dominer. C’était bien parti à 10-0, mais il y a eu un autre passage à vide typique. C’est l’histoire de la saison, ça se joue toujours dans les trois dernières minutes du match. C’est juste ça qui est tannant. L’ex-entraîneur Marc Trestman avait une expression qui reflétait d’ailleurs bien ce phénomène à l’époque : 57 + 3. Ce serait plaisant que les Alouettes gagnent de façon convaincante. Il faudrait que l’entraîneur-chef Khari Jones, qui est un bon orateur et un bon motivateur, leur fasse comprendre qu’on n’est pas obligé de laisser traîner le suspense.

La bonne nouvelle, c’est que les Alouettes savent qu’ils sont toujours capables de revenir dans un match ou de gagner dans les dernières minutes. Si jamais ils font face à ce genre de situation en éliminatoires, il risque de ne pas y avoir de panique contrairement à une équipe pour laquelle ç’a bien été toute l’année.

Un meilleur équilibre en attaque

Je posais la question suivante la semaine dernière : quelle est l’identité de l’attaque? On ne savait pas trop ce qui se passait. Les Alouettes ne jouaient pas selon le style que j’anticipais. Je trouve qu’hier, ç’a été tout à fait représentatif. On a vu de l’équilibre avec un mélange de 27 courses pour 23 passes. Je veux avoir de la distribution, que plusieurs joueurs touchent au ballon, et c’est ce qu’on a vu : sept receveurs différents ont été visés, six receveurs différents ont réalisé un attrapé et deux porteurs de ballon ont été utilisés. Ça, c’est de la distribution, parce que tu démontres à l’adversaire que tu es équilibré et qu’il va devoir protéger contre le jeu au sol ainsi que contre la passe. Comme tout le monde touche au ballon, les receveurs comme les porteurs, l’autre club ne peut concentrer toutes ses énergies sur un seul gars. Il doit surveiller tout le terrain.

« On a suivi le plan »

L’autre ingrédient qu’on n’avait pas constaté depuis longtemps, c’est le jeu de pieds du quart-arrière Vernon Adams. Il ne courait presque plus ces temps-ci et je ne le comprenais pas pourquoi. À ses cinq premiers matchs, il courait pour en moyenne 42 verges. À ses six derniers, seulement 14 verges. Dans ma tête, il fallait absolument que Vernon Adams se serve de sa mobilité, que ça fasse partie de l’équation, parce que ça le rend dynamique et dangereux. Ça fait partie de ses forces, ce n’est pas un gars de pochette. Il doit bouger en lançant le ballon. Hier, il a fait 7 courses pour 44 verges. Il a fait un jeu d’attiré, qui est une course structurée, pour 28 verges. Il est ensuite sorti de sa pochette pour lancer une passe de touché à Quan Bray. On a vu que sa mobilité a fait la différence.

Dans les commentaires d’après-match lors d’un segment à l’Antichambre, l’adjoint André Bolduc s’est fait demander pourquoi Adams ne courait plus. Il a ouvertement expliqué qu’il s’agissait d’une décision d’équipe de l’empêcher de courir parce qu’Adams se remettait d’une commotion cérébrale subie plus tôt cette saison. On voulait le protéger des blessures et on ne voulait donc pas qu’il soit trop téméraire. On lui a redonné le feu vert hier, ce n’était donc pas un hasard de l’avoir vu s’exprimer davantage dans son style. Il a mieux joué et a réussi trois passes de touché contre aucun revirement. C’est no 1 comme ça. Il devait retrouver son erre d’aller en fin de saison. C’était intéressant comme commentaire de la part de Bolduc, ça explique bien des choses

Ce que j’ai aussi aimé au sein de l’attaque, c’est que sur les 52 jeux offensifs, les porteurs ont touché au ballon 25 fois (20 courses et 5 passes captées). Ça fait partie de la recette d’impliquer William Stanback et Jeremiah Johnson. La moitié des jeux ont passé par eux.

Enfin, on avait tous hâte de voir la ligne à l’attaque parce que le côté droit était rapiécé. On a employé Spencer Wilson et Landon Rice et ils ont quand même bien fait. On a gagné 136 verges au sol et on n’a pas accordé de sac du quart. Vernon Adams s’est fait frapper quelques fois, mais pas trop de façon régulière donc on a quand même tenu le fort et on a ouvert de belles brèches pour le jeu au sol. J’avais des inquiétudes de ce côté-là, et elles ne sont pas complètement parties étant donné qu’on affrontait seulement les Argos et non pas la ligne défensive des Blue Bombers de Winnipeg, mais c’est prometteur. On aura un meilleur test la semaine prochaine si les Tiger-Cats de Hamilton décident de faire jouer leur vraie ligne défensive.

Les deux clés en défense

Le plus gros défi de la défense, c’est qu’il faut essayer de trouver une façon de mettre plus de pression sur le quart-arrière adverse, d’affecter son travail. Ça nous a manqué toute la saison. On n’a pas créé de revirement hier. McLeod Bethel-Thompson a tenté 47 passes et a complété 78 % de celles-ci malgré deux sacs. On n’a pas réussi à bousculer assez régulièrement son travail et on a alloué de gros jeux. Les Argos ont été 3-en-3 en zone payante. Ils sont allés chercher 29 premiers jeux, ce qui veut dire qu’ils ont été capables de soutenir des séquences et de faire avancer le ballon de façon méthodique. Pour moi, ce n’était pas une grande performance de la défense même si je dois mettre un bémol étant donné que John Bowman ne jouait pas. Sa présence aurait sûrement fait la différence sur quelques jeux de passe en mettant de la pression.

Les Als s'endorment mais se réveillent à temps

Ce qui est intéressant au moins, c’est qu’on a tenté de nouveaux blitz hier. Si tu penses que tes quatre joueurs de ligne défensive peuvent battre les gars en avant d’eux, tu n’as pas besoin de blitzer, tu te fies sur eux. Mais ça, les Alouettes ne le font pas assez souvent, donc il faut générer des blitz et des stratégies qui vont surprendre l’adversaire. On ne peut pas dire que ça a trop fonctionné hier. On a essayé de nouveaux blitz avec notamment le maraudeur Boseko Lokombo qui rentrait dans le milieu. Je comprends qu’on voulait mettre des blitz au centre pour faire sortir Bethel-Thompson de sa pochette, l’endroit où il se sent le plus à l’aise, mais ça n’a pas été assez efficace : soit on ne le synchronisait pas bien, soit nos deux gars rentraient dans le même corridor donc il y avait des erreurs. Ça n’a pas eu l’effet escompté, mais au moins on a essayé de nouvelles choses.

Ce qui est mystérieux dans ce jeu d’échecs, c’est de savoir si les Alouettes ont vraiment l’intention d’appliquer cette stratégie à l’avenir ou s’ils s’en servent simplement pour duper leurs prochains adversaires en leur faisant croire qu’ils risquent de l’utiliser en éliminatoires même si ce n’est pas réellement le cas. En fin de saison, les Alouettes vont réaliser des jeux réels et d’autres trompeurs qui vont se forcer l’autre équipe à s’y préparer peut-être pour rien. Au football, c’est ce qu’on fait. Avant la demi-finale de l’Est, l'autre équipe va regarder les bandes vidéo de leurs deux matchs joués contre les Alouettes, mais aussi les trois ou quatre derniers matchs de la saison des Alouettes.

L’autre défi, c’est que la défense doit fermer les livres, ce qui n’a pas été le cas encore hier. C’était 27-17 pour les Alouettes alors qu’il restait 3 min 37 au cadran. Toronto a complété une séquence de 11 jeux, 72 verges et 1 touché. Ils ont ensuite repris le ballon pour 4 jeux et 15 verges mais ont raté le botté de placement de 51 verges qui aurait pu égaler la marque. Tout a pratiquement chaviré en trois minutes et ça s’est finalement joué sur le dernier jeu du match. Je demeure conscient que l’attaque aurait pu faire sa part sur la séquence précédente en écoulant la dernière minute de jeu, mais ils ont seulement effectué deux jeux et gagné une verge, donc ils ont dû dégager rapidement.

Ça arrive trop souvent. On avait eu la chance de fermer les livres en Saskatchewan et on ne l’a pas fait. C’est peut-être pour ça qu’à Vancouver Khari Jones a décidé d’y aller avec une faufilade du quart au lieu de donner la chance à sa défense de protéger la victoire. Ce n’est peut-être pas le cas, mais c’est possible.

Bref, il faut fermer les livres sinon ça risque de rattraper les Alouettes. C’est un rappel qu’il y a encore du travail à faire.

Les joueurs se démarquent sur les unités spéciales

Un dernier mot sur les unités spéciales. Dans ce match chaudement disputé, j’ai trouvé que le botteur des Alouettes Boris Bede a été bien meilleur que celui des Argos. Bede a été 2-en-2 alors que Tyler Crapigna a été 1-en-3. Il a raté le placement égalisateur et il s’est aussi fait bloquer par Fabion Foote. Les unités de bottés de placement et les unités de défense contre les bottés de placement ont été supérieures dans le clan montréalais.

Jean-Samuel Blanc, D.J. Lalama et Ty CranstonJ’ai également trouvé que les couvertures de bottés de dégagement ont été exceptionnelles. Chris Rainey est un retourneur quand même dangereux à Toronto. Pour mettre ça en perspective, les Argos ont eu cinq retours de bottés de dégagement pour un grand total de 12 verges, et Rainey a eu quatre retours pour six verges, soit une moyenne de 1,6 verge. C’est rare qu’on voit ça dans la LCF, qui accorde pourtant une zone de protection de cinq verges pour le retourneur quand il attrape le ballon. Un gros bravo donc aux soldats canadiens que sont Jean-Samuel Blanc, DJ Lalama et Ty Cranston. Ces trois-là ressortent vraiment du lot dernièrement.

En résumé, les Alouettes ont gagné vendredi mais n’ont clairement pas dominé, ce qui veut dire qu’il y a encore des choses à améliorer. Les joueurs n’auront pas le choix d’écouter le message de leurs entraîneurs parce qu’il reste deux matchs avant les éliminatoires. L’avant-dernier aura lieu contre les Ticats le 26 octobre et risque d’être le dernier qui présentera un effectif complet. Comme on pourrait affronter Hamilton en finale de l’Est, on ne veut pas non plus leur donner des indices sur notre stratégie. Le dernier match se tiendra ensuite à Ottawa un vendredi. Comment va-t-on gérer ça à neuf jours du début des éliminatoires? S’il y a un match où c’est tentant de reposer ses joueurs, c’est celui-là. Les Oiseaux vont au moins avoir une semaine un peu plus longue pour se reposer et se préparer. C’est une drôle de situation.

* Propos recueillis par Audrey Roy